100 idées pour améliorer le Québec – Faire rayonner la culture

Venez jouer dans la cour de l’art

« L’art vivant reflète dans l’instant un monde en perpétuelle évolution. Évolution que chacun vit ou subit à son rythme propre. Ainsi naissent les malentendus. »

— Patrice Chéreau, metteur en scène français, Un trajet, 2007

La démocratisation des arts et de la culture est-elle une utopie ? Pourquoi y a-t-il tant de gens qui n’ont jamais mis les pieds dans un théâtre, visité un musée, assisté à un concert, un opéra, un spectacle de danse ? Aurions-nous raté le train de la démocratisation des arts et de l’accessibilité pour tous depuis la parution de la politique culturelle québécoise en 1992 qui affirmait les trois grands axes de développement d’un art nouveau et rassembleur soit : création, production et diffusion ?

Force est de constater que les intentions de créer un pont solide et durable entre la culture et l’éducation, par exemple, n’ont pas atteint les résultats escomptés. Il manque toujours un maillon crucial à cette chaîne vivante et vibrante qu’est la connaissance de la vie par les arts. Ce maillon, c’est l’école du spectateur ! Et ça devrait commencer sur les bancs des écoles justement. L’initiation et la sensibilisation du futur spectateur aux arts vivants et à la culture en général sont la seule garantie qu’un jour, nos cathédrales du savoir et de l’imagination seront pleines à craquer, car elles seront illuminées par la flamme de ceux qui continueront à les construire.

Je revendique donc que toute initiative de sensibilisation et d’éducation culturelle auprès des milieux scolaires dans une réelle perspective de démocratisation soit inscrite en priorité dans la nouvelle politique culturelle dont le Québec va se doter.

Voilà des années que l’idée d’un Passeport Art et Culture pour étudiant a germé au sein des communautés, encourageant ainsi la fréquentation assidue des lieux de création.

Résultat : l’art a déserté nombre d’écoles publiques. La formation aussi. Et l’on s’étonne du vieillissement des publics et de la difficulté d’attirer les jeunes dans nos salles.

Ai-je une vision romantique de cette notion un peu soixante-huitarde : un art élitaire pour tous ? Sans doute ! Je préfère de loin jouer ce rôle que celui des Cassandre de ce monde qui annoncent la mort de l’art du spectacle.

Depuis plusieurs décennies, le Québec s’est affirmé comme un territoire d’un dynamisme créatif remarquable. Le talent s’y développe, l’innovation bat son plein. Les citoyens sont de plus en plus invités à partager avec les acteurs culturels la fierté de leur identité comme fondement de leur société. Qu’est-ce qui manque pour que nos centres artistiques soient de véritables agoras où les artistes et le public seraient invités à partager leur vision du monde pour mieux le transformer ?

À ce que je sache, il n’y a pas tant de spectacles ratés ? Il y aurait donc des rendez-vous ratés ? Pourquoi ?

Bien sûr, les générations actuelles sont branchées sur internet, adeptes des réseaux sociaux, de Netflix et de Spotify. Est-on en train de tuer le collectif pour laisser la place au bien-être au singulier ?

Je ne le crois pas. Le fait de mieux servir les pratiques innovantes qui favorisent la multidisciplinarité des pratiques, les métissages entre les différentes formes d’art, l’intégration des nouvelles technologies invitent la jeunesse à la création d’événements interactifs qui lui fournissent des outils efficaces pour mieux décoder les règles de sa société.

Manger à la même grande table de l’imaginaire

La médiation culturelle, les pratiques inclusives, le contact avec les communautés culturelles, la mise en commun de leurs expériences respectives, le partage des connaissances acquises ne peuvent que favoriser le développement de nouveaux publics, celui qu’on invite par nos créations à manger à la même grande table de l’imaginaire et qui faute de savoir et de connaître, préfère se nourrir seul face à son écran.

Il faut aussi soutenir les transformations numériques des institutions culturelles. Des initiatives de captations artistiques du spectacle vivant comme celles qui ne sont présentées qu’à la pièce sur les écrans de nos télédiffuseurs permettraient de doter le Québec d’une mémoire numérique et de la diffuser sur de multiples plateformes, facilitant ainsi l’accès à la culture pour les classes défavorisées, les personnes à mobilité réduite et les régions éloignées.

Peut-on rêver aussi à une vaste campagne médiatique de sensibilisation et de promotion invitant les gens à aller jouer dans la cour de l’art comme cela s’est déjà fait à une époque trop reculée où la couverture médiatique réservée à la culture témoignait régulièrement de son dynamisme ? Il existe un réel décalage entre le foisonnement de créations et de rassemblements culturels québécois et la visibilité que leur procurent les grands médias.

Les arts et la culture nous permettent d’évoluer avec notre temps, de suivre l’évolution du monde, ses aspirations, ses rêves. J’entends à nouveau la voix de Cassandre qui annonçait la destruction de Troie et je pense tout haut que si après des milliers d’années, l’on défend encore l’art et la culture, c’est parce qu’ils ont l’endurance des conquérants.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.