Livre

Le meilleur du TDAH

Kim Rusk en est convaincue : son hyperactivité lui a servi. L’animatrice vient de lancer un livre, J’M les TDAH, qui réunit les témoignages de plusieurs vedettes québécoises aux prises avec ce trouble neuro-développemental – dont la chanteuse Marie Mai, le chef Danny St Pierre et l’ex-footballeur Étienne Boulay. Des personnalités qui vont jusqu’à attribuer leur succès à leur TDAH.

L’animatrice verbomotrice a défendu son livre la semaine dernière à l’émission Tout le monde en parle. Une ode à son trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (et trouble d’opposition, entre autres), partagée par d’autres invités (Michel Barrette et Pierre Lapointe), tous trois se félicitant d’avoir pu transformer ce « trouble » en atout, notamment en s’investissant dans des domaines qui les passionnent.

Le coauteur du livre, Dominic Gagnon, qui mène une carrière d’entrepreneur, va jusqu’à souhaiter que ses filles aient un TDAH, pour qu’elles soient (comme lui) « différentes, persévérantes, créatives et fonceuses ».

La psychiatre Annick Vincent, spécialiste du TDAH et auteure de Mon cerveau a encore besoin de lunettes, croit qu’il y a lieu de nuancer ces propos. « Une hyperactivité bien canalisée peut générer une énergie positive », admet-elle.

« On sait que les personnes avec un TDAH ont une grande créativité, mais attribuer ses succès à son TDAH me paraît énorme. »

— La Dre Annick Vincent

« C’est quand même un trouble qui a des impacts importants et qui pose de nombreux défis. Ce n’est pas tout le monde non plus qui est hyperactif ou impulsif. Tout ce qu’on peut avancer c’est qu’une fois le TDAH bien harnaché (avec ou sans médication), cette créativité peut avoir un impact positif », soutient la Dre Vincent.

Côté pharmacologie, Kim Rusk écrit dans son livre que la prise de médicaments a mis son cerveau au neutre et qu’après un premier essai, elle n’avait plus aucune créativité, qu’elle était devenue « beige ». Encore là, des nuances s’imposent.

« En situation de surdose, les psychostimulants peuvent avoir un effet “zombie”, note la Dre Vincent, mais quand on a trouvé la bonne molécule et la bonne dose [on commence toujours par une faible dose], au contraire, notre créativité est encore mieux servie parce qu’on arrive à saisir les idées qui se bousculent dans notre tête et on parvient à concrétiser nos projets. Cela dit, tout le monde n’a pas nécessairement besoin de prendre des médicaments non plus. »

BESOIN DE POSITIVISME

La psychologue Diane Dulude, auteure du livre TDAH, une force à rééquilibrer est de ceux qui croient que le TDAH doit être envisagé de manière positive, comme le fait Kim Rusk.

« Le TDAH est un trouble tant et aussi longtemps qu’on n’a pas réussi à composer avec cette situation de façon constructive. Pour moi, quelqu’un qui a un TDAH n’a simplement pas encore maîtrisé sa façon d’être. »

— La psychologue Diane Dulude

Les succès professionnels des auteurs peuvent-ils être attribuables à leur TDAH ?

« Ce que je peux vous dire, c’est que la créativité, c’est ça, c’est la pensée hors du cadre, les frontières interpersonnelles plus souples, la très grande sensibilité, je suis assez d’accord avec ça. C’est le style de personnalité de ces gens-là, ce sont des caractéristiques et des émotions qu’il faut simplement apprendre à gérer. »

Pour y arriver, Diane Dulude croit que la relation d’aide (en psychothérapie) est la meilleure approche pour accompagner quelqu’un avec un TDAH. « On doit apprendre à avoir une utilisation constructive de ses émotions, estime-t-elle. La vision “déficit” a tellement pris d’espace sur la place publique que c’est décourageant. Le livre de Mme Rusk est peut-être le maillon manquant entre les avancées scientifiques et cliniques dans le domaine et le grand public. »

Tout le monde s’entend sur au moins une chose : la mise en place de « stratégies » pour mieux vivre avec son TDAH est nécessaire. Respirer, méditer, faire du sport, prendre des notes, se fixer des objectifs quotidiens, les « trucs et astuces » – nombreux ! – permettent aux personnes qui ont un TDAH de trouver un modus operandi et d’être heureux.

DES TESTS CONTESTÉS

Autre élément du livre et de l’entrevue de Kim Rusk :  la pharmacogénétique, défendue par Étienne Crevier, fondateur du laboratoire BiogeniQ – qui a lui aussi droit à un chapitre où il parle de son TDAH –, et qui offre depuis un an des tests (payants), qui permettraient d’identifier les molécules des médicaments compatibles avec notre code génétique – celles qui sont métabolisées efficacement – facilitant ainsi le choix du « bon » médicament.

De nombreux spécialistes ont toutefois remis en question la validité de ces tests. 

« C’est une hypothèse théorique séduisante, résume la Dre Annick Vincent. Malheureusement, il n’y a aucune étude clinique qui confirme qu’on fait un choix plus éclairé en passant ce test. Actuellement, entre 50 et 75 % des gens trouvent le bon médicament à leur premier essai », évalue la spécialiste qui ne recommande pas à ses patients de faire ce test.

Dans une entrevue qu’il nous avait accordée sur le sujet, le Dr Martin Gignac, chef du département de psychiatrie au CHU Sainte-Justine, avait lui aussi exprimé ses doutes par rapport à ces tests. « Les gens vont avoir une réponse préférentielle à certains médicaments, mais ce n’est pas uniquement lié aux enzymes qui les dégradent. C’est très lié à la pathologie elle-même, et on ne sait toujours pas quels sont les gènes liés à la maladie. Pour moi, ça pose problème de faire un test génétique en lien avec la réponse au traitement. On ne peut pas prédire qui sont les sujets qui vont répondre à quelle molécule pharmacologique. »

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