Pour l’amour du soccer et de sa ville
Et si deux clubs appartenant à des hommes d’affaires québécois se croisaient un jour en Serie A, la première division italienne ? À en croire Francesco Bellini, scientifique et propriétaire d’Ascoli Picchio F.C. 1898, pensionnaire de deuxième division, cette scène pourrait bien se produire dans les prochaines années.
À la barre de cette équipe depuis 2014, l’homme de 69 ans ne manque pas d’ambition pour gravir la dernière marche et ainsi rejoindre le Bologne FC de Joey Saputo.
Joint par téléphone, la semaine dernière, M. Bellini s’apprêtait justement à retourner dans son coin d’Italie, dans la région des Marches. « Il y a des tremblements de terre chaque jour et, maintenant, de la neige. Il y a deux mètres et demi de neige autour de ma maison. Mon garage, à l’extérieur, s’est écroulé », glisse celui qui a fait fortune dans le milieu biopharmaceutique par l’entremise, entre autres, de l’entreprise BioChem.
Il en faut cependant bien plus pour le décourager de rentrer dans sa ville natale qu’il a quittée à l’âge de 20 ans. Outre l’attachement affectif, il a une bonne raison d’y revenir depuis presque trois ans : son club de soccer. Petit, le manque de moyens ne lui permettait pas d’assister à autant de matchs qu’il l’aurait souhaité. Alors, quand le club Ascoli Calcio, fondé il y a 119 ans, a été déclaré en faillite et menacé de disparition, en 2014, il s’est rapidement positionné en tant que repreneur. Son arrivée à la tête de l’équipe a été l’occasion d’une belle fête dans les rues de cette ville de 50 000 habitants.
Redémarré à neuf, l’Ascoli Calcio est devenu l’Ascoli Picchio.
« C’est un club avec une longue histoire. Il a été en première division pendant de longues années [14 ans] et c’est une ville qui aime beaucoup le football. Mais les choses se sont détériorées avec un président qui, peut-être, n’a pas fait un bon travail », dit-il.
« Ascoli était une ville riche, mais qui est maintenant en mauvaise condition sur le plan économique. Beaucoup de sociétés, surtout des manufactures, sont parties pour l’est de l’Europe ou la Chine. Le chômage est haut », précise-t-il.
« Comme personne n’allait acheter le club, je me suis dit que, pour remonter le moral [des habitants], j’allais l’acheter. »
— Francesco Bellini, docteur en chimie et propriétaire du club Ascoli Picchio
L’homme d’affaires, véritable passionné de soccer, a hérité d’un club dont les plus belles pages ont été écrites durant les années 80. Avec une multiplication des soucis sportifs et financiers, il s’est écroulé jusqu’au troisième échelon en 2013-2014. La première mission de l’Italo-Québécois a été de remettre de l’ordre à tous les niveaux et d’établir un plan.
« Sur le plan du management, je n’ai repris personne de local. J’ai tout construit avec du monde externe et cela a marché. Surtout, j’ai commencé par bâtir un groupe de jeunes. Nous avons aujourd’hui 160 jeunes qui jouent pour nous autres dans différentes catégories, souligne-t-il avec fierté. J’ai géré de grosses sociétés, alors, je sais comment m’organiser. »
« Quand les autres ont vu comment je voulais organiser le club, ils disaient que j’étais fou. Maintenant, ils ne peuvent plus dire ça. »
— Francesco Bellini
« Nous avons une équipe première très bonne, mais très jeune. J’ai récemment vendu un de mes joueurs [Riccardo Orsolini] à la Juve [Turin] pour 10 millions d’euros. Je suis quelqu’un qui croit beaucoup dans les associations et, dans la vie, j’ai toujours construit mes sociétés avec des alliances stratégiques. Je suis en train de le faire avec la Juve. »
Jusqu’ici, M. Bellini estime avoir investi 12 millions d’euros (17 millions CAN) dans le club. Ascoli Picchio a fait la première partie du chemin en retrouvant la Serie B où il pointe en milieu de peloton.
Avec un peu de renfort dans l’effectif, il rêve maintenant de la Serie A dans les deux ou trois prochaines saisons.
En plus du soutien financier, l’homme d’affaires ne compte pas les heures investies dans l’équipe. Gérer un club à distance, la plupart du temps, oblige à faire certaines acrobaties.
« J’y vais tous les 40-45 jours et je reste pour une couple de semaines. Sinon, j’ai un administrateur sur place qui fait un très bon travail et qui me représente. Il peut signer pour moi et peut presque tout faire pour moi. Il gère la société. Par contre, pour regarder les matchs, ce n’est pas facile, mais j’essaie de le faire par internet. »
Parallèlement aux ambitions sportives, Bellini a insisté sur l’importance d’améliorer les infrastructures, l’un des points faibles de la grande majorité des équipes italiennes. Des travaux dans le centre sportif devraient s’étaler jusqu’à la fin de la saison 2017-2018.
La ville est, par ailleurs, impliquée dans la modernisation du stade Del Duca qui accueillera plus de 15 000 spectateurs. « Le club est le symbole de la ville, lance M. Bellini. Nous avons apporté un peu de nouveautés à la ville et je pense que c’est bon. »
« Je ne sais pas [combien de temps je vais rester propriétaire du club]. Un jour, quand la ville retournera à la normale, peut-être qu’il y aura d’autres hommes d’affaires locaux qui seront capables de l’acquérir. Mais pour le moment, nous le gardons, ma famille me soutient, alors ce n’est pas un problème. »