Chronique

J’ai 20 $ pour vous (encore)

Je vous jure que ce n’est pas une blague, encore moins une arnaque. J’ai 20 $ pour vous. Pour des centaines de milliers de personnes, en fait. Si je vous dis comment faire, irez-vous chercher cet argent ? La dernière fois que je vous ai lancé ce petit défi, les résultats ont été au-delà de toutes mes espérances.

Alors, je vous donne une nouvelle recette. Faites le tour de votre maison. Assoyez-vous sur vos meubles. Matelas, canapés, fauteuils… S’ils sont confortables, il y a de fortes chances qu’ils soient rembourrés avec de la mousse de polyuréthane flexible.

Trouvez ensuite l’étiquette du meuble et vérifiez s’il a été fabriqué au Canada. Oui, c’est le cas ? Alors, prenez en photo cette étiquette ou encore la facture du meuble que vous avez peut-être conservée.

Il ne vous restera plus qu’à remplir le formulaire de réclamation sur le site www.moussepayante.com mis en place, hier, dans le cadre du règlement de 38 millions de dollars de l’action collective contre une douzaine de fabricants de mousse à qui Option consommateurs reprochait d’avoir fixé les prix de 1999 à 2012.

En optant pour le processus de réclamation simplifié, vous n’aurez qu’à répondre à de petites questions ultrasimples et à joindre la photo de l’étiquette d’un seul et unique meuble. Tout sera réglé en moins de 5 minutes, je vous le promets. Et vous recevrez 20 $ par la poste dans quelques mois.

Mais certaines familles qui se sont meublées en neuf durant la période de 13 ans couverte par l’action collective pourraient toucher une somme encore plus élevée en faisant une réclamation ordinaire qui exige un peu plus de travail.

La calculatrice disponible sur le site web vous permettra d’évaluer aisément l’option la plus avantageuse. Pour vous donner une idée, votre réclamation pourrait s’élever autour de 50 $ si vous avez un lit très grand format (king), deux grands lits, un canapé d’angle, deux fauteuils rembourrés, quatre chaises de bureau et du sous-tapis (qui est aussi visé par l’action collective).

Je vous conseille de faire l’exercice tout de suite afin de ne pas oublier. Mais pour tout vous dire, la période de réclamation prend fin le 6 février prochain. Une vaste campagne médiatique de 1 million de dollars a été prévue pour encourager les gens à faire une réclamation.

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En fait, Option consommateurs a repris la même formule que pour l’action collective sur la mémoire vive (D-RAM) sur laquelle j’avais attiré votre attention en 2015.

Cette action a connu un succès hors du commun. Selon les résultats provisoires, plus de 900 000 consommateurs canadiens ont récolté près de 18 millions de dollars, à coup de 20 $ (sans compter les sommes remises à d’autres groupes).

En passant, le site web de La Presse a été le plus important référenceur, devant Facebook et les autres médias sociaux ! Plus de 100 000 réclamations ont été réalisées par des internautes qui venaient de nous lire. Je vous lève mon chapeau !

C’est ainsi que le taux de réclamation a atteint 97 %. À un moment, les avocats du cabinet Belleau Lapointe ont même eu peur de vider la caisse !

Un tel taux de réclamation relève de l’exploit quand on sait que, dans certaines actions collectives, aussi peu que de 5 à 10 % des sommes sont effectivement réclamées par les victimes. Le processus, qui s’étire parfois sur plus de 10 ans, se termine alors en queue de poisson. Cela alimente la perception qu’il n’y a que les avocats qui font de l’argent avec les actions collectives dont ils conservent souvent le quart du butin.

Pourtant, il est possible d’utiliser des moyens plus inventifs de joindre les justiciables visés. Par exemple, la cour a déjà ordonné à la Régie de l’assurance maladie du Québec (qui n’avait rien à voir dans le dossier) de fournir une liste de personnes atteintes d’une maladie précise qui étaient par le fait même susceptibles d’obtenir un dédommagement dans le cadre d’une action collective.

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Malheureusement, les chiffres sur les taux de réclamation sont éparpillés et difficiles à obtenir. Le Québec est le parent pauvre des statistiques juridiques. Option consommateurs, qui achève une étude sur le sujet, a été obligé d’aller d’un cabinet d’avocats à l’autre pour tenter de colliger l’information.

Selon les nouvelles règles de procédures civiles, le juge doit pourtant obtenir une reddition de comptes avant de fermer le dossier. L’information doit ensuite être publiée au registre central où elle devrait pouvoir être consultée par le grand public.

Mais dans la vie de tous les jours, cette règle n’est pas encore toujours suivie. Et le registre en question a besoin d’un sérieux dépoussiérage.

En ce moment, cet outil est loin d’être invitant. Il faudrait le rendre plus convivial et accessible pour le commun des mortels. Il faudrait qu’on y retrouve des explications écrites dans un langage simple et clair plutôt que des documents ésotériques rédigés dans un jargon compris uniquement par une clique de juristes avertis.

Remarque : Si vous croyez être membre d’un groupe qui intente une action collective inscrite au registre et que vous voulez obtenir des renseignements additionnels…

Mais pour être véritablement utile pour le grand public, le registre devrait mettre en relief le processus de réclamation et alerter les justiciables au moment crucial où ils doivent faire des démarches.

Depuis un an, la Cour supérieure a des discussions avec le ministère de la Justice en vue de moderniser le registre. Croisons les doigts pour que ça débouche plus vite qu’une action collective !

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