Cri du cœur d’une jeune veuve pour la Thérapie cellulaire

« Il faut que les gens puissent se faire traiter ici »

L’histoire du Lavallois Matthew Schreindorfer, qui a succombé en février dernier à une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL), continue d’alimenter le débat sur l’accessibilité des traitements en thérapie cellulaire au Québec. À 10 jours du 6défi « Pédalons pour guérir », La Presse s’est entretenue avec sa jeune veuve, Katia Luciani, porte-parole de l’événement.

C’était l’été de leurs 24 ans. Le jeune couple, qui s’était connu à l’école secondaire, revenait de son voyage de noces. Au retour, Matthew Schreindorfer a eu plusieurs épisodes de fièvre. Son foie et sa rate avaient enflé. Le diagnostic est tombé : il souffrait d’une leucémie aiguë lymphoblastique.

Son seul espoir : se faire soigner aux États-Unis afin de recevoir un traitement de thérapie cellulaire (CAR T, pour cellules T porteuses d’un récepteur chimérique) encore impossible à recevoir au Canada. Le taux de succès : 90 %. Le coût : 800 000 $. Matthew Schreindorfer et Katia Luciani ont lancé une campagne de sociofinancement. Et amassé la somme requise.

« Matthew a été en rémission pendant un an, on avait vraiment espoir qu’il guérirait », nous dit Katia. Ses médecins traitants à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont ont même procédé à une greffe de moelle, « juste pour être sûrs ». Mais en novembre 2016, le cancer est revenu, ses cellules résistant à tous les traitements.

Huit mois après sa mort, Katia Luciani poursuit le combat de Matthew pour que d’autres patients puissent avoir accès aux traitements de thérapie cellulaire au Québec. « J’ai vécu le miracle de la rémission, raconte-t-elle. On sait que c’est possible. Le taux de réussite est tellement élevé, il faut que les gens puissent se faire traiter ici. »

Un traitement « révolutionnaire »

Ce traitement que Matthew a reçu à New York n’est rien de moins que « révolutionnaire », affirme le DLambert Busque, hématologue et coordonnateur médical du programme d’oncologie à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, qui a été l’un des médecins du jeune homme.

« Le procédé du CAR T consiste à prélever des cellules du système immunitaire du patient (des lymphocytes T), à leur injecter l’antigène des cellules cancéreuses et à les réintroduire dans le système pour qu’elles reconnaissent ces cellules-là et les attaquent. En gros, on lève une armée contre le cancer », résume le DBusque, qui espère maintenant rendre le traitement accessible au Centre d’excellence en thérapie cellulaire (CETC).

Ces manipulations génétiques pourraient être faites à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont – dans des « chambres blanches », munies d’un système de ventilation permettant de travailler dans un environnement stérile –, mais selon le DBusque, il manque des instruments de purification [qu’il évalue à 4 millions de dollars] pour produire ces virus et manipuler les cellules de façon sécuritaire. 

« On a l’expertise, c’est maintenant une question de sous. »

— Le DLambert Busque, hématologue et coordonnateur médical du programme d’oncologie à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont

Évidemment, le défi des équipes d’hématologues et d’oncologues du Centre d’expertise en thérapie cellulaire est de pouvoir identifier les marqueurs (ou antigènes) des cellules cancéreuses pour les injecter dans le système immunitaire du patient, ce qui peut être fait avec la leucémie aiguë lymphoblastique. Malheureusement, on ne connaît pas encore les marqueurs des autres cancers. 

« Il y a beaucoup de recherche en ce moment pour identifier les antigènes spécifiques aux tumeurs, nous dit le DBusque. Le défi des prochaines années est de trouver à la surface des cellules cancéreuses des cibles uniques. On travaille, par exemple, à trouver des marqueurs pour le cancer du pancréas. Il faut aussi être en mesure de séquencer le génome complet des tumeurs des patients. Le CAR T n’est qu’un système, mais il pourrait éventuellement être combiné à d’autres traitements. »

Est-ce qu’avec les progrès récents, Matthew aurait eu des chances de survie ? « Il y a des cellules cancéreuses qui ont une capacité d’adaptation à tout ce qu’on fait. Malheureusement, c’était le cas de Matthew, se désole le Dr Busque. C’est très rare, on parle d’une minorité, moins de 5 % des cas. La vérité, c’est qu’avec le CAR T, il avait beaucoup plus de chances d’être guéri à vie que de faire une rechute. »

Selon le DBusque, lorsque le CETC aura tous les équipements dont il a besoin – il sera le premier centre d’immunothérapie au Canada –, une centaine de patients touchés par ce type de leucémie pourront bénéficier du traitement CAR T. « Ce qui est intéressant, ajoute-t-il, c’est que ce traitement peut aussi nous aider à soigner plusieurs milliers de cas de lymphomes par année. »

Réapprendre à vivre

Quant à Katia Luciani, la jeune femme apprend à vivre avec la perte de son amoureux.

« Je commence à voir la lumière, nous dit-elle. Même si Matthew a toujours été positif, ç’a été extrêmement difficile. Tout s’est passé tellement vite. » Malgré sa peine, elle a bon espoir de voir les traitements être finalement accessibles ici. « Je me suis engagée auprès de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, de la Société de leucémie et lymphome du Canada, je témoigne de ce qu’il a vécu et de ce qui pourrait être fait. C’est important pour moi. Pour lui aussi. »

L’événement « Pédalons pour guérir » aura lieu le 30 septembre à partir de 10 h au parc Jean-Drapeau. L’objectif est d’amasser 100 000 $. 

Qu’est-ce que la LAL ?

La leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) est un cancer qui prend naissance dans les cellules souches du sang. Normalement, une partie de ces cellules sanguines deviennent des cellules blastiques, qui se transforment ensuite en lymphocytes (un type de globule blanc). Mais avec ce type de leucémie, il y a une surproduction de cellules blastiques, qui ne deviennent jamais matures et qui finissent par prendre la place des cellules normales.

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