Coiffure

Le choix des cheveux blancs

Oseriez-vous abandonner la coloration et laisser les cheveux blancs devenir graduellement majoritaires sur votre tête ? Faut-il être plus courageuse que la moyenne ? Ne pas avoir peur de vieillir ? En finir avec la teinture, ou encore suivre la tendance du retour au naturel ? 

De plus en plus de personnalités assument leurs cheveux blancs : Helen Mirren, Glenn Close, Jamie Lee Curtis, Diane Keaton, la directrice générale du Fonds monétaire international Christine Lagarde et la première ministre britannique Theresa May. Plus près de nous, il y a entre autres Marie Laberge, Louise Latraverse et Louise Forestier. Pour les femmes, arrêter de se teindre les cheveux n’est pas une décision à prendre à la légère.

Le plus difficile est la transition, et le processus peut être long. La journaliste et romancière française Sophie Fontanel en témoigne dans son livre Une apparition, dans lequel elle raconte sa transformation lorsqu’elle a décidé, à 53 ans, d’arrêter la coloration. « Je fais un métier d’image, et le plus difficile a été d’assumer cette phase de transition, d’avoir les cheveux à moitié blancs et bruns ; une allure zébrée, car lorsque la racine blanche repousse, on a l’impression d’être sale et de se laisser aller », dit celle qui qualifie sa chevelure de « blande » (blanche en version blonde).

Déjouer la période de transition

Il est possible de faire autrement que de laisser pousser pendant deux ans ses cheveux blancs. « On peut les couper ou les colorer en faisant des mèches dans des teintes plus claires pour harmoniser les repousses blanches avec le reste des cheveux », explique Alvaro, copropriétaire du salon Alvaro Coiffure. Celui qui est coiffeur depuis 40 ans estime que la société est plus ouverte aujourd’hui aux cheveux blancs qu’il y a 10 ans. Il prévient cependant les femmes qu’il faut qu’elles soient prêtes à passer au blanc. 

« Le blanc est lumineux et peut être majestueux, mais je vois beaucoup de femmes qui hésitent, qui ont peur de ce changement. Je les encourage à le faire. »

— Alvaro, coiffeur

Alvaro conseille d’utiliser un bon shampoing pour cheveux argentés, car les cheveux blancs peuvent jaunir. Il confie qu’il s’est lassé, lui aussi, de la teinture. « Je suis très heureux d’être blanc à 60 ans. »

Guylaine Martel, directrice artistique chez L’Oréal Professionnel, est dans le métier depuis 34 ans. Elle remarque qu’il y a une mode de la coloration « silver » ou « gris métallisé » chez les jeunes de 18 à 28 ans.

Pour ce qui est des femmes plus mûres, elle indique que ce retour aux cheveux blancs touche une minorité de femmes. « Je dirais que plus de 85 % des femmes qui essaient le blanc reviennent à la couleur, et il faut ouvrir le salon un dimanche, car il y a urgence », dit-elle. Elle pense qu’il faut vraiment avoir une belle texture de cheveux pour les laisser blancs. « Le cheveu blanc peut pousser crépu, hirsute, et être de mauvaise qualité, ou au contraire être très soyeux. » Elle met en garde contre les chevelures sans relief. « Les cheveux longs et gris peuvent être ternes, ce ne sera pas beau au teint du visage, et ça va vieillir. »

« Une libération ! »

Sophie Fontanel découvre pour sa part que les cheveux blancs qui apparaissent sont tout simplement magnifiques. « Le cheveu était tout neuf, très brillant, il prenait tous les reflets et accrochait la lumière, c’était une bonne surprise. » Elle a pourtant tout entendu : « J’aimerais avoir ton courage. » « Je le ferai quand mes enfants seront grands. » « Je n’ai pas encore renoncé à tout, alors je ne peux pas avoir les cheveux blancs. » « J’ai peur que les hommes n’aiment pas. »

Lina Vandal, 65 ans, a les cheveux blancs depuis 10 ans et regrette de ne pas avoir osé le changement plus tôt. « Quand j’ai pris la décision, mon mari m’a dit : “Ne fais pas ça, ça va te vieillir, je ne suis pas prêt.” Comme si dans sa tête, du jour au lendemain, c’était un coup de vieux assuré. Les cheveux blancs sont encore associés à la vieillesse », explique-t-elle. Elle a reçu beaucoup de compliments et a même été recrutée par une agence de mannequins. « Je fais des photos et j’ai des contrats de publicité uniquement parce que j’ai les cheveux blancs et que c’est une particularité. Je les assume, mais pour être très franche, si mes cheveux blancs ne m’allaient pas au teint et au visage, j’aurais changé », dit-elle.

« J’ai rajeuni ! C’est une libération ! », lance Mitsou Plourde, 46 ans. Elle s’est souvenue qu’elle avait le choix. « Je vivais entre deux rendez-vous chez le coiffeur tous les mois, car j’allais faire ma couleur comme j’allais faire mon épicerie. Je ne me posais même pas la question », dit celle qui, depuis deux ans, a les cheveux ambrés. Tout le monde lui disait : « Tu es trop jeune pour avoir les cheveux blancs. Pas avant 55 ans ! » « Parce qu’il y a un âge minimum pour les cheveux blancs ? J’avoue que ça a été un élément déclencheur. »

À 37 ans, Marie-Claude Audet n’a jamais caché ses cheveux poivre et sel, qu’elle porte courts. « J’ai des cheveux blancs depuis que j’ai 18 ans, car on n’a pas une bonne génétique là-dessus, dans la famille, dit-elle. Je suis quelqu’un de très naturel, je ne me maquille presque pas, et je trouve que ça me donne un petit air sage et sexy en même temps. »

L’image projetée

Madeleine Goubau, chargée de cours à l’École supérieure de mode ESG UQAM, observe que les modèles de femmes aux cheveux blancs sont plus nombreux. « Ce sont des femmes dont la reconnaissance vient de leur expérience et de leur crédibilité et non pas de leur simple beauté. On valorise ce qu’elles ont accompli et ce qu’elles ont à dire, et dans ce contexte, les cheveux blancs prennent toute leur place », analyse-t-elle. Sophie Fontanel pense au contraire que trop peu de femmes sont médiatisées et valorisées pour leur chevelure blanche. « Au cinéma, on ne tombe jamais amoureux d’une femme aux cheveux blancs, sauf dans Harold and Maude [film américain de 1971]. »

Madeleine Goubau convient cependant qu’il faut être réaliste, car tout dépend de la profession et de l’âge de la femme. « C’est certain que si on voit Kate Winslet avec des cheveux blancs, on se posera des questions, alors que pour Judi Dench, on trouvera ça normal. On accepte les cheveux blancs d’une musicienne un peu grano, alors que ce sera bien plus difficile pour une comédienne de 45-50 ans. » Marie-Claude Audet pense aussi que tout dépend du milieu dans lequel on travaille.

« Moi, je suis chef de cuisine, c’est un environnement très ouvert où l’apparence n’est pas au centre de nos préoccupations. »

— Marie-Claude Audet

La société nous conditionne-t-elle à incarner une image de femme jeune ? « Oui, répond sans hésitation Mitsou Plourde. C’est très fort dans notre inconscient, le fait de vouloir être une mère en forme, le désir de plaire, l’importance du regard et du jugement des autres, mais finalement, je me dis que les hommes qui passent au-dessus de mes cheveux blancs seront les plus intéressants. »

« Où est le problème à ne pas faire jeune ? s’interroge Sophie Fontanel. Il n’y a pas de honte à avoir l’âge qu’on a. » Une chose est sûre, c’est qu’elle se fait désormais remarquer. « Les cheveux longs et blancs, c’est une revendication, une éloquence. J’adore ça ! C’est presque un projet de vie que de s’aimer soi-même », affirme l’écrivaine. Elle pense qu’il y a d’autres choses à faire que de se teindre les cheveux, comme « être coquette, bien s’habiller, ne pas râler tout le temps et toujours dire que tout était mieux avant ».

Depuis qu’elles ont les cheveux blancs, Lina Vandal et Mitsou Plourde pensent surtout qu’il est important pour leurs filles d’avoir des modèles différents de femmes de leur âge. « Je veux que mes filles voient que vieillir n’est pas un fléau, ça fait partie de la vie, c’est un privilège, je suis en forme, en santé, et je suis fière de l’âge que j’ai », conclut Lina Vandal.

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