Essais

Un orchestre féminin… et féministe

Partition pour femmes et orchestre
Ethel Stark et la Symphonie féminine de Montréal
Maria Noriega Rachwal
Traduction de Marie-Célie Agnant
Les éditions du remue-ménage
207 pages

De 1940 à 1965, Montréal a eu son orchestre féminin. Véritable révolution dans l’univers codé et machiste de la musique classique, cet orchestre composé exclusivement de musiciennes a même présenté un concert au Carnegie Hall de New York en 1947. Points saillants d’un livre qui raconte cette aventure unique.

Le contexte

Au début du XXe siècle, une femme qui jouait un instrument de musique ajoutait un atout à l’éventail de ses charmes. Au mieux, elle pouvait aspirer à devenir professeure de piano. Mais jamais au grand jamais on ne l’encourageait à jouer d’un instrument dit masculin (comme un instrument à vent, par exemple) ou à envisager une carrière de musicienne. Les femmes, comme les Noirs d’ailleurs, jugés irrationnels, n’étaient tout simplement pas acceptés au sein des orchestres.

Ethel Stark

Fille d’immigrés autrichiens très ouverts d’esprit, la jeune violoniste Ethel Stark a toujours bénéficié de l’appui de ses parents. Elle a grandi à Montréal dans une famille non conventionnelle où les filles étaient élevées sur un pied d’égalité avec les garçons. Ses parents étaient engagés socialement, sa mère était féministe et Ethel a été la première femme à être admise au programme de direction d’orchestre du Curtis Institute of Music, à Philadelphie. Son professeur Fritz Reiner, un homme qui n’était pas particulièrement ouvert à la présence des femmes dans les orchestres, lui donna sa première chance comme soliste lors d’un concert présenté sur la NBC.

New York

Ethel Stark est embauchée à l’émission Hour of Charm, là où les musiciennes sont valorisées davantage pour leur apparence (elles doivent être célibataires, blanches, peser 54 kg ou moins) que pour leur talent. La jeune Ethel a les deux et ce contrat lui permet de gagner sa vie. En 1938, avec une amie, elle fonde le New York Women’s Chamber Orchestra (NYWCO), ensemble de femmes dont elle sera la chef d’orchestre. Une première, il va sans dire.

Madge Bowen

La rencontre avec Madge Bowen sera un tournant dans la vie d’Ethel. La dame issue de la haute société montréalaise lui demande de fonder un ensemble musical féminin comme celui de New York. La jeune musicienne refuse et propose plutôt de fonder un orchestre symphonique, avec 80 à 100 musiciennes, des instruments à vent, des percussions, des cuivres, etc. « Madge et Ethel furent agréablement surprises par ce qu’elles découvrirent parmi les femmes à Montréal, peut-on lire dans Partition pour femmes et orchestre. Malgré les préjugés véhiculés au début de ce siècle au sujet des instruments “réservés aux hommes”, une enquête menée sur la scène musicale montréalaise révéla que nombre de femmes, en lieu et place des instruments à cordes, préféraient pouvoir jouer des instruments à vent, des cuivres et des percussions. »

La Symphonie féminine de Montréal

L’orchestre rêvé par Ethel et Madge verra le jour et accueillera dans ses rangs des femmes de toutes origines ethniques et classes sociales. La carrière de la Symphonie féminine de Montréal durera 25 ans. Des problèmes de financement et une pénurie de musiciennes (les femmes étaient recrutées par d’autres orchestres) provoqueront sa fermeture. L’Orchestre symphonique de Montréal ne reconnut jamais le talent d’Ethel Stark qui fut toujours considérée comme une femme trop en avance sur son époque.

Ne pas manger des animaux

Les animaux ne sont pas comestibles
Martin Page
Robert Laffont
266 pages

« Si la cause animale est si populaire chez les écrivains, c’est aussi que nous avons pour disposition et pour métier de nous mettre à la place des autres et d’éprouver ce que des êtres que nous ne sommes pas éprouvent (et peut-être aussi parce que les artistes sont une espèce qui prend bien des coups) », écrit l’auteur de Comment je suis devenu stupide. Martin Page raconte dans ce livre comment il est devenu végétalien. Récit personnel entremêlé d’informations plus scientifiques et d’observations philosophiques, voilà un livre dans lequel bien des gens risquent de se reconnaître. Les difficultés d’avoir une alimentation variée (on trouve même quelques suggestions de fromages véganes !), les réactions épidermiques de l’entourage, les remises en question… L’enjeu est on ne peut plus actuel.

L’Amérique vue de la France

America
L’Amérique comme vous ne l’avez jamais lue

Éditions America
194 pages

C’est François Busnel, l’animateur de La grande librairie, qui a eu l’idée de ce mook (ou bookzine) qui paraîtra quatre fois l’an durant tout le mandat de Donald Trump. Quoi, des Français qui vont venir nous expliquer les États-Unis ? Pas tout à fait. Ce sont plutôt des Français curieux des États-Unis qui construisent des ponts avec l’Amérique pour mieux la comprendre. Dans ce premier numéro, on peut entre autres lire une entrevue exclusive avec Toni Morrison, la traduction de l’entrevue-fleuve de Ta-Nehisi Coates avec Barack Obama parue l’an dernier dans The Atlantic ; un extrait exclusif du nouveau roman de Jay McInerney qui paraît chez nous le 6 juin prochain. Cette publication, chapeautée par Éric Fottorino, écrivain et fondateur de la revue Le 1, est tout simplement captivante. Et même si on partage une frontière avec les États-Unis, on y découvrira des choses.

Montréal encore et toujours

Une histoire de Montréal
Paul-André Linteau
Boréal
357 pages

Montréal inspire encore Paul-André Linteau. Dans ce nouveau livre, l’historien qui a signé une multitude d’ouvrages sur la métropole nous propose une mise à jour des savoirs. Cette synthèse, précise-t-il d’entrée de jeu, fait le pont entre L’histoire de Montréal depuis la Confédération, livre publié en 1992 lors du 350e anniversaire de la ville, et sa Brève histoire de Montréal, la dernière édition remontant à 2007. On aura compris que le professeur Linteau est loin d’être blasé par son sujet. Il a réécrit le texte (sauf quelques exceptions), et a intégré les plus récentes recherches. Ce livre ravira donc les passionnés d’histoire ainsi que tous ceux qui s’intéressent à Montréal en cette année de 375e anniversaire.

Le pop-philosophe

Little Brother
Raphaël Enthoven
Gallimard
118 pages

Raphaël Enthoven est un philosophe de son temps. Très actif sur Twitter, très présent dans les médias français, très « people » (dans la catégorie potin, il est le père du premier enfant de Carla Bruni et l’ex-gendre du philosophe Bernard-Henri Lévy…), il décoince la philosophie et la rend accessible au plus grand nombre. Son style ne plaît pas à tous, mais on peut dire qu’il a le sens de la formule et sait faire parler de lui. Durant 10 ans, il a signé une chronique dans les pages du magazine Philosophie. Il en présente une sélection ici, regroupée sous le titre Little Brother, un clin d’œil au Big Brother d’Orwell souvent évoqué ces temps-ci. Comme dans Mythologies de Roland Barthes, M. Enthoven nous livre ses réflexions sur notre rapport aux objets du quotidien. Ça se lit super bien et oui, ça fait réfléchir.

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