Conférence du Collectif des médecins contre l’euthanasie

Appel à une offre accrue de soins palliatifs 

Le Collectif des médecins contre l’euthanasie craint que les patients en fin de vie ne se tournent vers l’aide médicale à mourir faute de soins palliatifs adéquats. Réuni hier à Montréal, il réclame au gouvernement un observatoire sur les résultats des soins en fin de vie, quels qu’ils soient. Explications.

Laurence Normand-Rivest a trimé dur pour devenir obstétricienne. La jeune femme a travaillé trois ans au sein de « cette pratique magnifique » consacrée à la naissance. Mais, après un an à accompagner son père en fin de vie, elle a constaté un manque flagrant dans le système de santé qui l’a incitée à réorienter son champ de pratique.

« Je me suis rendu compte, autant à l’hôpital que dans ma vie personnelle, que je rencontrais énormément de gens qui n’avaient pas accès à des soins palliatifs et que ça nécessitait un plus grand investissement. Alors qu’en obstétrique, il y a beaucoup de médecins, donc les besoins sont comblés », explique la Dre Normand-Rivest.

La jeune femme de 30 ans est une denrée rare. Environ 200 médecins sur 21 000 au Québec ont suivi une formation pour accompagner des patients en soins palliatifs. Hier, la salle de conférence du Holiday Inn du centre-ville de Montréal rassemblait certains d’entre eux, venus assister à la conférence « Améliorer les soins, prévenir l’euthanasie », organisée par le Collectif des médecins contre l’euthanasie.

« En ce moment, tout le monde ne parle que de l’aide médicale à mourir, et peut-être qu’il faudrait laisser ça de côté un peu. Pas parce que ce n’est pas bien, mais parce qu’on a aussi autre chose à construire », croit le Dr Patrick Vinay, conférencier vedette de la journée.

Sommité en soins palliatifs au Québec, le néphrologue de formation, aujourd’hui retraité, déplore que la Commission sur les soins de fin de vie consacre l’essentiel de ses ressources à l’implantation de l’aide médicale à mourir (AMM) depuis 2015, au détriment de la médecine en soins palliatifs. Selon lui, sur les 66 000 personnes par année qui meurent au Québec, 44 000 auraient besoin de soins palliatifs. Actuellement, le système de santé est en mesure de répondre aux besoins de 15 000 mourants.

« Il y a 800 patients qui vont vouloir l’aide médicale à mourir dans une année. C’est loin des 44 000 qui ont besoin de soins palliatifs. Qu’est-ce qu’on fait avec les autres ? Je crois qu’on doit travailler sur le reste du dossier qui n’est pas l’aide médicale à mourir. » — Le Dr Patrick Vinay, médecin retraité en soins palliatifs

Les soins palliatifs sont offerts à domicile, en centre hospitalier ou dans l’une des 31 maisons de soins palliatifs du Québec. Le service est inégal d’une région à l’autre, cette pratique propre à la volonté de chaque médecin n’étant pas une spécialité.

« Les médecins doivent suivre une formation, mais il n’y a pas de plan de carrière et pas de certification. […] Dans un secteur, il se peut qu’il n’y ait aucun médecin qui soit à l’aise de prodiguer ce genre de soins. Ça crée une disparité qui ne correspond pas à la loi qui dit que tout le monde doit avoir accès à des soins palliatifs », explique le Dr Vinay.

C’est là la principale crainte des docteurs prônant cette médecine de confort : que les patients se tournent vers « l’euthanasie », faute d’options pour soulager leurs souffrances.

« On se doute que l’offre ne suffit pas à la demande », admet la Dre Marjorie Tremblay, l’une des conférencières, dans son discours de clôture.

« Si les professionnels de la santé avaient l’aide nécessaire pour améliorer leur capacité à prendre soin de leurs patients, ces derniers seraient moins enclins à demander la mort. »

— La Dre Marjorie Tremblay, médecin en soins palliatifs à domicile, en milieu hospitalier et en maison de soins palliatifs

Les médecins croient qu’une collaboration simplifiée entre les médecins aux champs de compétences différents, par exemple, leur permettrait de mieux desservir la population.

« On pense que l’on pourrait parfaitement fédérer les médecins qui font des soins palliatifs dans une région, faire des équipes volantes qui pourraient aller en CHSLD où ils pourraient compléter ce que les médecins des CHSLD font, leur donner des conseils et donner les consultations qu’il faut aux patients en fin de vie », explique le Dr Vinay.

Des chiffres pour avancer

Pour mieux cerner les lacunes, les médecins réclament des chiffres. Que ce soit pour l’aide médicale à mourir ou les soins palliatifs, le Dr Vinay déplore qu’il n’existe aucune analyse sur leur efficacité et réclame la création d’un observatoire.

« Nous avons besoin d’une instance objective. Pas philosophique. Sans bataille idéologique qui nous dit si c’est bon ou pas bon, l’AMM, les soins palliatifs ou l’absence de soins palliatifs. On a besoin de savoir si les gens meurent soulagés, si le personnel est compétent, etc. »

D’ici là, chaque organisation du système de la santé progresse à la hauteur de ses moyens et de ses ambitions, comme le CIUSSS du Sud-Ouest de Montréal qui vient d’accueillir la Dre Laurence Normand-Rivest au sein de son équipe de soins palliatifs à domicile.

« Il y a des points positifs. On rencontre des gens remarquables qui se donnent à 100 %, et au final, on veut tous mieux comprendre ce qui se passe pour mieux répondre aux besoins en santé de la population », expose la jeune médecin, qui accompagnera ses premiers patients en soins palliatifs le mois prochain.

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