Grève dans la construction

Les associations patronales divisées

Québec — La loi spéciale qui met fin à la grève dans l’industrie de la construction a divisé les associations patronales, hier, tandis que les syndicats ont unanimement décrié la pièce législative, qu’ils entendent contester devant les tribunaux.

Québec donne cinq mois aux parties pour s’entendre, à défaut de quoi il choisira les sujets litigieux qui seront soumis à un arbitre, selon les termes de la loi spéciale qui était en voie d’être adoptée à l’Assemblée nationale au moment de publier.

En grève depuis le 24 mai, les 175 000 travailleurs de la construction sont forcés de retourner sur les chantiers demain. Le gouvernement fixe à 1,8 % leur hausse salariale pour cette année, ce qui est légèrement inférieur à la dernière offre patronale (1,9 %) et bien loin des demandes syndicales.

« On a toujours dit aux parties qu’elles ne gagneraient pas à voir un projet de loi spécial », a déclaré la ministre du Travail, Dominique Vien.

« Ce qu’on veut casser, c’est cette attitude qu’on a de vouloir attendre une loi spéciale en se disant que, de toute façon, ce qu’on veut va se retrouver dans le projet de loi. »

— Dominique Vien

Pour le premier ministre Philippe Couillard, « les parties ont développé l’habitude […] de s’asseoir sur leurs mains et d’attendre que le gouvernement règle pour eux. Bien, ce coup-là, ce n’est pas de même que ça va se terminer ! »

Réactions divergentes

Pendant que les travailleurs ont manifesté bruyamment devant l’Assemblée nationale, les trois associations patronales de l’industrie ont réagi de manières bien différentes à la loi spéciale.

L’Association de la construction du Québec (ACQ) juge que le projet de loi est « inéquitable », reprochant à Québec d’accorder des hausses salariales aux travailleurs avant même que ne débute le processus de médiation prévu à la loi.

« Le jeu est faussé, a résumé le porte-parole de l’ACQ, Éric Côté. Le syndicat obtient quelque chose, et les patrons n’obtiennent rien. »

Cette sortie tranche avec celles de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) et de l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ). Ces deux organisations ont chaudement applaudi la loi et appuyé les augmentations de salaire consenties aux travailleurs.

« Ça laisse la chance aux parties de se rasseoir, de discuter entre elles et d’en arriver à une entente négociée, a dit François-William Simard, porte-parole de l’APCHQ. Ce scénario, il est préférable à celui d’une loi spéciale qui dicte les conditions de travail. »

« Ce projet de loi va permettre un retour rapide au travail et c’est ce qu’on souhaitait », a renchéri Christian Croteau, porte-parole de l’ACRGTQ.

M. Croteau affirme que son association était proche d’une entente sectorielle, dimanche après-midi. Il croit que la médiation permettra d’en arriver sous peu à une convention collective négociée.

Négociations jusqu’au 30 octobre

La loi spéciale prévoit une nouvelle période de négociations jusqu’au 30 octobre, sous l’égide de médiateurs nommés par la ministre du Travail. Si les parties ne s’entendent pas, les différends seraient soumis à l’arbitrage. La ministre choisirait les enjeux qui seraient déférés à un arbitre. Ce dernier rendrait sa décision au plus tard le 30 avril 2018.

« Un arbitrage, vous le savez comme moi, ça comporte une dose d’incertitude, a affirmé la ministre Vien. Je pense que les parties devraient s’asseoir très sérieusement et prendre au sérieux cette période de négociation pour en arriver à une entente négociée. »

Dominique Vien a déploré l’attitude des deux parties au cours des derniers mois. « Ils auraient pu commencer à négocier au mois d’octobre 2016, mais ils n’ont commencé à négocier qu’en février 2017 », a-t-elle dit. Elle a justifié le recours à la loi spéciale en soulignant « les impacts économiques majeurs » de la grève.

« Ils ont gagné »

Du côté syndical, la réaction a été virulente. Des centaines de travailleurs se sont massés devant l’Assemblée nationale et ont manifesté leur mécontentement de manière bruyante. À un moment, les leaders syndicaux ont dû lancer un appel au calme à la foule, mais aucun incident fâcheux n’a été rapporté hier.

Le porte-parole de l’Alliance syndicale, Michel Trépanier, n’a fait aucune cachette quant à ses intentions pour la suite des choses. « La loi est contestable et elle va être contestée », a-t-il résumé.

Il estime que les associations patronales sont gagnantes sur toute la ligne. Les syndiqués avaient réduit leurs demandes à quelques points tandis que leurs vis-à-vis avaient présenté plusieurs dizaines de demandes. Cela veut dire que le processus de médiation et d’arbitrage tiendra davantage compte de demandes patronales que de demandes syndicales, selon M. Trépanier.

« Présentement, c’est un échec de notre côté. On s’aperçoit que, dans le fond, ils ont gagné, a-t-il déploré. Ils ont gagné avec ce projet de règlement. »

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