OPINION

CHANGEMENTS CLIMATIQUES L’atteinte des cibles est réaliste

Le constat est difficile et sans appel : le Québec – comme le reste du Canada – n’atteindra pas ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2020.

Ce n’est pourtant pas faute de volonté ni de moyens – à preuve, les nombreux engagements pris depuis toutes ces années et les milliards consacrés aux mesures et aux programmes les accompagnant.

Les échecs en la matière sont tellement fréquents qu’ils tendent à légitimer ceux qui remettent en question la possibilité d’atteindre les cibles que nous nous fixons, allant même jusqu’à demander s’il est réaliste de les atteindre.

La réponse à cette interrogation dépend du sens donné à « réaliste ». S’il est utilisé ici pour désigner ce qui concerne le réel, alors oui, il est réaliste, techniquement et économiquement, d’atteindre les cibles de réduction de GES fixées par nos gouvernements, tel que l’indiquent les Perspectives énergétiques canadiennes 2018 – horizon 2050 produites par l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal et Pôle e3 de HEC Montréal, avec l’appui financier de la Fondation familiale Trottier, et dont la version complète vient d’être publiée.

Cette étude démontre que les technologies existantes présentement disponibles sont suffisantes pour permettre au Québec et au Canada d’atteindre les cibles d’émissions de GES qu’ils se sont fixées.

Non seulement c’est possible, mais les coûts pour y parvenir ne cessent de baisser : le coût marginal pour atteindre une réduction d’émissions de 80 % en 2050 est au moins 30 % plus bas que celui estimé il y a trois ans dans une étude similaire.

Ces constats sont tirés d’analyses de modélisations qui projettent l’évolution du secteur énergétique au Canada et de l’ensemble des provinces jusqu’en 2050 selon les divers objectifs et cibles de réduction de GES adoptés un peu partout au Canada.

Cet exercice prospectif, pratiqué dans de nombreux pays de par le monde – mais abandonné par le gouvernement fédéral il y a plus de 10 ans –, permet d’identifier la composition optimale du mix énergétique qui respecte une contrainte d’émissions et d’y associer un coût basé sur les quelque 4500 variantes technologiques considérées par l’outil.

Des mesures insuffisantes

Les modélisations montrent aussi que les politiques et mesures en place ne suffisent pas à l’atteinte des cibles de réduction de GES pour 2030, cibles qui pourraient être manquées par plus de 30 %. Il n’est pas étonnant de constater un tel écart, sachant qu’aucun modèle de projection n’a été utilisé par les gouvernements pour élaborer les divers programmes de réduction et valider l’adéquation entre les programmes proposés et les cibles adoptées.

Or, les présentes perspectives énergétiques montrent l’importance d’un tel exercice prospectif afin d’identifier les secteurs les plus propices à une transformation rapide, ou ceux qui, pour des raisons d’infrastructures ou de coût, demandent une approche sur la durée. 

Ainsi, dans l’état actuel des technologies, la transition dans le transport et le chauffage des bâtiments s’envisage sur une vingtaine d’années.

L’exercice montre aussi l’importance des différences au pays : si ailleurs au Canada l’élimination du charbon et du gaz naturel dans la production de l’électricité apparaît comme le pas le plus facile à faire, le Québec doit, quant à lui, immédiatement s’attaquer au secteur des transports.

Si cette étude permet de tracer une voie possible et économiquement viable de réduction des émissions de GES, elle n’est qu’une étape dans l’élaboration d’un plan de transition énergétique. La projection à long terme ne doit pas servir à proposer des plans d’action immuables sur 5 ou 10 ans, mais bien à identifier les actions à court terme les plus structurantes pour le long terme.

Refaire ce même exercice régulièrement (tous les deux ou trois ans) permettra de valider leur efficacité, la pertinence de les reconduire et d’en identifier de nouvelles, profitant au maximum des avancées technologiques et des connaissances acquises dans l’intervalle, tant ici qu’un peu partout dans le monde.

Plus personne, ou presque, ne conteste la nécessité d’agir. Il est cependant essentiel de le faire de manière rigoureuse afin que s’ajoute à la bonne volonté la dose de réalisme nécessaire à ce que nos efforts se traduisent en réussite.

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