Un Giro « un peu fou »

Guillaume Boivin a terminé le Tour d’Italie, dimanche à Rome. Le cycliste québécois d’Israel Cycling Academy dresse le bilan de son troisième grand tour particulièrement éprouvant.

Noté

Boivin s’attribuerait une note de « 7,5 sur 10 » à l’issue de ce Giro, qu’il a conclu au 117e rang et « moins sur les rotules » que son Tour d’Espagne en 2014. « J’ai fait une couple d’échappées et j’ai essayé de mettre la table pour notre sprinter à quelques reprises, a-t-il relaté de Rome, hier. On n’a pas eu les résultats espérés, mais on a passé proche d’une victoire d’étape. On a fait une belle dernière semaine, mais ç’a été un Giro vraiment, vraiment, vraiment dur. D’habitude, il y a des échappées qui partent et se rendent. Là, il y a des journées où il n’y a même pas eu d’échappée. C’était à bloc toute la journée. Ça pouvait prendre deux heures et demie pour qu’un petit groupe parte. C’était fou. »

Échappées

Boivin a fait plaisir à son équipe en passant plus de 300 km en échappée lors des deux étapes sur route du grand départ en Israël. Durant l’étape vers Tel-Aviv, il a failli mettre la main sur le maillot bleu de meilleur grimpeur, mais un coureur sorti du peloton l’a coiffé au premier GPM. « Personnellement, c’est sûr que ce sont les moments forts du Giro. Mais trois semaines, c’est long, et ça me paraît déjà comme il y a un an. » Ces efforts l’ont un peu rattrapé. « Un grand tour, c’est comme une carte de crédit. À un moment donné, il faut que tu payes le bill… »

Vélocité

De retour en Italie, Boivin a démontré sa vélocité en se pointant en troisième roue dans les 500 derniers mètres de l’étape remportée au sprint par l’Irlandais Sam Bennett. Ce placement n’a cependant rien donné, le sprinter italien Kristian Sbaragli l’ayant perdu dans l’emballage final. Un inversement des rôles à la 13e étape a permis à Boivin de terminer 11e. « Encore là, c’était un peu brouillon. Un gars de lead-out revenait et j’ai été obligé de mettre les freins à 400 m. Je n’ai pas fait un sprint fantastique. Ce n’est pas évident d’avoir le bon timing. Les maillots de Quick Step ou des autres gros sprinters, on les laisse passer. Quand il y a un espace à prendre, on s’enligne sur nous peut-être un peu plus. »

Éprouvé

L’ancien champion canadien a souffert de maux d’estomac au milieu de la troisième semaine, si bien qu’il n’a pu contribuer à la sixième place de Sbaragli à la 17e étape. « Je n’avais juste pas d’énergie cette journée-là. C’est mon seul regret. J’aurais aimé aussi mieux faire à la dernière étape [17e à Rome]. J’étais super bien placé, mais un gars a pris tous les risques dans le dernier virage et il a pogné mon guidon. J’ai vraiment failli m’étamper et j’ai été obligé de m’arrêter. »

Terminé

Le vétéran espagnol Reuben Plaza est passé près de procurer une victoire à Israel Cycling Academy, terminant deuxième sur l’arrivée au sommet à Prato Nevoso. Le jeune Guy Sagiv a cependant permis à son équipe d’atteindre l’un de ses objectifs en se rendant jusqu’à Rome pour devenir le premier Israélien à boucler un grand tour. « C’est le fun pour nous, mais aussi, il n’a que 23 ans et c’est son premier grand tour, a noté Boivin, son co-chambreur. Juste ça, ce n’est pas évident. Quiconque finit un grand tour comme celui-là a tout mon respect. »

Explosé

Comme Sagiv, Boivin a terminé les étapes de montagne dans le gruppetto, ce peloton qui s’assemble à l’arrière pour rallier l’arrivée dans les délais. Encore là, il fallait s’accrocher. « Les gens se disent : “ Ah, ils ont pris ça facile, ils ont fait le gruppetto.” Mais le dernier jour en montagne, il y avait 100 gars dans le gruppetto, ce n’est pas pour rien. Tout le monde était complètement explosé parce c’était vraiment dur. » Pour les initiés, Boivin indique qu’il fallait maintenir une moyenne de puissance au-dessus de 300 watts (non normalisée) pour rester avec le groupe dans les étapes de montagne.

Escarpé

Boivin nous déconseille de tenter notre chance dans le colle delle Finestre, le monstre de 18,6 km à 9,2 % d’inclinaison sur lequel Chris Froome a lancé sa fameuse échappée victorieuse à 80 km de l’arrivée. « Ça n’en finissait plus de finir et les neuf derniers kilomètres sont comme sur de la terre. C’était tout mou et tu calais parce qu’il avait plu les jours avant. » Le Québécois a rapidement pris note de l’offensive du Britannique : « Parce que nous, il fallait surveiller les délais ! »

Efficacité

Qualifiant le numéro de Froome d’« effort incroyable, extraordinaire », Boivin ne croit pas pour autant qu’il se compare à celui du dopé Floyd Landis au Tour de France 2006. « La situation de course est quand même très différente. Floyd avait encore cinq cols à faire et des équipes organisées chassaient derrière lui. Il prenait du temps et il était seul. » Le leader de la Sky faisait face à un petit groupe disparate mené essentiellement par Tom Dumoulin et Thibaut Pinot. « Parfois, quand tu fais un effort solitaire, c’est plus efficace qu’un groupe qui ne travaille pas bien ensemble. Et si tu regardes les temps intermédiaires, Froome prend beaucoup de temps dans les descentes. »

Écorché

Cela dit, la victoire de Froome, sur qui pèse depuis l’an dernier une menace de suspension pour un contrôle suspect à un bronchodilatateur, n’a rien pour redorer l’image du sport, indique Boivin. « C’est clair, mais je ne suis pas médecin, je ne sais pas comment ça peut arriver ou s’il y a une explication valable. Je ne sais pas quelle sera leur défense, ce qui s’est passé avec le salbutamol, mais c’est sûr que tu peux te poser des questions. »

Prochaine course : Guillaume Boivin participera à la deuxième étape des Hammer Series, de vendredi à dimanche aux Pays-Bas. À leur deuxième année, ces nouvelles courses sur trois jours, organisées par le regroupement Velon, ne comptent qu’un classement par équipes.

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