politique québécoise

Tour d’horizon des nouvelles politiques du jour

Politique

La CAQ propose un virage vert à ses membres

Québec — Bannir le plastique à usage unique, imposer des redevances sur les bouteilles d’eau, lutter contre le suremballage : le programme de la Coalition avenir Québec (CAQ) pourrait bientôt être coloré de vert, révèle un document distribué à ses membres.

Un cahier de résolutions préparé pour les membres du parti de François Legault propose une série de mesures visant à favoriser l’essor d’une « économie verte ».

Certaines propositions sont plutôt générales, par exemple aider les entreprises à adopter des énergies renouvelables, accélérer l’électrification des transports et réduire l’utilisation des pesticides.

Mais d’autres idées sont nettement plus précises. Et si elles sont adoptées telles quelles par les membres, elles pourraient engager le gouvernement caquiste à adopter une série de politiques vertes.

La CAQ envisage par exemple de se positionner pour l’élimination progressive du plastique à usage unique, comme les sacs d’épicerie. Le document souligne que cette substance s’infiltre dans les sols et les cours d’eau, où elle est ingérée par les animaux ou les blesse.

Le parti demande aussi à ses membres de se prononcer sur l’imposition d’une redevance sur les bouteilles d’eau afin d’en décourager l’utilisation.

Il souligne que ces contenants sont rarement mis au recyclage, qu’ils mettent 400 ans avant à se décomposer et que leur transport entraîne le rejet de gaz à effet de serre (GES).

En tout, les membres sont appelés à se prononcer sur 18 propositions touchant la transition énergétique, la gestion des matières résiduelles et la protection du territoire. On envisage notamment de lutter contre le suremballage et d’augmenter la proportion d’aires protégées.

Tables régionales

Le document de consultation a été préparé en vue de la réunion d’une douzaine de tables régionales en fin de semaine dans différents endroits du Québec. Environ 1200 membres de la CAQ doivent y participer.

L’exercice vise à préparer le conseil général de la CAQ, qui se déroulera les 25 et 26 mai à Montréal. Le parti a déjà annoncé que le rassemblement se déroulerait sur le thème de l’environnement.

À la permanence de la CAQ, on fait valoir que le programme du parti prévoit déjà plusieurs mesures en environnement, par exemple le respect des objectifs climatiques du Québec ainsi que la protection du Saint-Laurent et des milieux humides. On convient toutefois que cet aspect du programme n’a pas été mis en valeur pendant la campagne électorale.

« On a fait ce qui est déjà dans notre plan, mais après ça, c’est à nous d’être créatifs, et on peut l’être, a expliqué un porte-parole. C’est sain de penser à l’extérieur de la boîte et de tester des choses. »

François Legault a maintes fois été critiqué pendant la campagne électorale de l’an dernier pour ses positions en matière d’environnement. La plateforme électorale de la CAQ comprenait en effet peu d’engagements sur cet enjeu.

Le premier ministre a annoncé un changement de cap lors de sa prestation de serment en promettant de faire de l’environnement une priorité.

Projet de loi sur la laïcité

Des organisations juives sonnent l’alarme

Québec — Interdire à certains fonctionnaires de porter la kippa ou d’exhiber une étoile de David représenterait une grave atteinte aux droits garantis par les chartes et serait contesté devant les tribunaux, préviennent d’importantes organisations juives.

B’nai Brith et le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CCJI) s’inquiètent du dépôt imminent par le gouvernement Legault du projet de loi sur la laïcité.

Selon La Presse et Radio-Canada, Québec va interdire le port de signes religieux aux fonctionnaires en position d’autorité, y compris les enseignants, les directions d’école et ceux qui portent une arme.

« Ce qu’on entend du projet de loi est contraire aux valeurs canadiennes et québécoises. La CAQ doit éviter la pente glissante qui consiste à réduire les droits fondamentaux », prévient Harvey Levine, directeur du bureau québécois de B’nai Brith.

Le débat public sur les signes religieux au travail s’est surtout centré sur le hidjab. Mais les organismes juifs canadiens rappellent que la kippa serait aussi visée, tout comme le turban sikh ou la croix chrétienne.

« Il s’agit selon nous d’une menace pour les libertés religieuses des juifs, des musulmans, des sikhs, et tous les autres groupes religieux visibles dans cette province. »

— Harvey Levine, directeur du bureau québécois de B’nai Brith

La laïcité de l’État peut être atteinte sans que l’on s’attaque aux droits religieux, estime le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA).

« Bien qu’il existe un fort sentiment en faveur de la réaffirmation de la laïcité au Québec, notre communauté estime que la laïcité de l’État est un devoir institutionnel et non personnel. L’attachement à la laïcité ne repose pas sur l’apparence des individus », indique Reuben Poupko, coprésident du CIJA-Québec.

Pour le chef de l’opposition à l’hôtel de ville de Montréal, qui porte la kippa, l’idée d’interdire les signes religieux à certains fonctionnaires est basée sur une mauvaise prémisse : celle selon laquelle un employé de l’État qui porte un signe religieux ne peut être neutre.

« Il est difficile pour moi de croire qu’en 2019, on remette en question les motivations des gens selon leur manière de s’habiller, a récemment écrit Lionel Perez dans Montreal Gazette. Retirer les signes religieux n’éradique en rien les préjugés. »

Jusque devant l’ONU

Le B’nai Brith et le CIJA craignent que le projet de loi sur la laïcité n’enfreigne des droits garantis par les chartes. La Charte canadienne des droits et libertés protège certaines libertés fondamentales, parmi lesquelles les libertés de religion et d’expression.

Le premier ministre François Legault se dit prêt à utiliser la disposition de dérogation (communément appelée clause nonobstant) pour soustraire sa future loi aux tribunaux. Pour lui, il s’agit de « protéger notre identité ».

Selon l’avocat montréalais Julius Grey, la disposition de dérogation ne peut toutefois protéger le Québec et le Canada contre un camouflet devant le Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU).

« Si le gouvernement espère éviter le débat judiciaire en invoquant la clause nonobstant, il doit se rappeler qu’il existe un forum international où ce genre de chose peut être débattu », souligne Me Grey.

« Il est téméraire de préjuger de ce qui sera dans le projet de loi, dit-il. Mais il me semble que la confrontation judiciaire est plus ou moins inévitable. »

Ce comité de l’ONU a par exemple épinglé la France à au moins deux reprises sur la question des signes religieux. Dans un cas, l’ONU a donné raison à une employée d’une garderie congédiée car elle portait le voile islamique. Les décisions de ce comité ne sont toutefois pas contraignantes.

« Bien sûr, la décision du Comité des droits de l’homme des Nations unies n’est pas contraignante comme le jugement d’une cour québécoise ou de la Cour suprême », explique Julius Grey.

« Mais je vois mal comment le Québec, malgré un jugement de cette nature, justifierait de maintenir sa position. »

Projet de loi sur la laïcité

Fortes pressions contre le compromis Bouchard-Taylor chez Québec solidaire

QUÉBEC  —  Porte-parole de Québec solidaire (QS) en matière de laïcité, le député Andrés Fontecilla a vu les militants de sa circonscription rejeter sa position en faveur de la recommandation Bouchard-Taylor. Ils ont voté pour que le parti change son fusil d’épaule et s’oppose à toute interdiction quant au port de signes religieux, lors de l’assemblée générale de l’association de QS de Laurier-Dorion, à la mi-mars. M. Fontecilla a reconnu, hier, qu’un « débat animé » agite le parti sur cet enjeu. Des assemblées militantes ont eu lieu dernièrement en prévision du conseil national de QS ce week-end, où les délégués trancheront. Ceux de Laurier-Dorion ont reçu le mandat de voter contre toute interdiction. 

Or, QS appuie depuis des années la recommandation du rapport Bouchard-Taylor, celle de proscrire les signes religieux pour les agents de l’État ayant un pouvoir de coercition (policiers, agents correctionnels, procureurs de la Couronne et juges). Il avait déposé un projet de loi en ce sens, en 2013. Des associations de circonscription ont demandé de rouvrir le débat après les dernières élections. La commission politique et celle des femmes de QS se sont prononcées récemment contre la position traditionnelle du parti. Cette tendance s’observe aussi en dehors de Montréal : par exemple, l’association de Bonaventure, en Gaspésie, a rejeté la recommandation Bouchard-Taylor et voté contre toute interdiction. Des personnalités en faveur du port de signes religieux sont devenues en décembre membres du « comité de coordination nationale » – le bureau de direction de QS –, dont Eve Torres, première femme voilée candidate à une élection au Québec.

— Tommy Chouinard, La Presse

Les Québécois à mobilité réduite dans l’incertitude

CRISE DU TAXI

Au Québec, plus de 120 000 personnes sont admises au service de transport adapté (TA) en raison d’un handicap. Or, dans 70 % des cas, ce transport est assuré par des chauffeurs de taxi.

« Qu’est-ce qui va se passer ? », demande Nancy Fredette, 46 ans, qui utilise le service de transport adapté par taxi pour aller au travail, mais aussi pour faire ses courses, sortir et voir des amis. « Je suis certaine que les chauffeurs de taxi vont déclencher d’autres jours de grève, dit-elle. Moi, je ne peux pas m’absenter de mon travail. »

La journée de grève des chauffeurs de taxi de lundi a été catastrophique pour les usagers du transport adapté, comme Mme Fredette, qui souffre d’une scoliose. « Le projet de loi va trop vite », dit Claude Guimond, directeur général de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec.

La directrice générale de l’Alliance des regroupements des usagers du transport adapté du Québec, Rosanne Couture, trouve elle aussi que ce projet du gouvernement caquiste est précipité. Pire : elle déplore le fait que le projet de loi soit muet sur le transport des personnes handicapées et d’autres dispositions de la future législation. « Le projet du ministre Bonnardel est muet par rapport au transport adapté aux personnes handicapées », dit-elle.

C’est d’autant plus grave qu’il y a un accroissement fulgurant des demandes d’admission au service de transport adapté en raison du vieillissement de la population, qui implique un usage plus répandu des fauteuils roulants, souligne Mme Couture.

« immensément important », DIT Bonnardel

Mardi, le ministre des Transports François Bonnardel a déclaré qu’il fallait « absolument garantir un accès à ce transport », même si son projet de loi 17, sur la déréglementation de l’industrie du taxi, ne le prévoit pas. « C’est un des points qu’on m’a amenés pendant la discussion [avec les représentants de l’industrie], a-t-il dit. Il y a des cas spécifiques dans les différentes régions du Québec. Donc, pour moi, il est immensément important d’assurer le service dans le futur. Si on doit améliorer certains articles de la loi pour répondre à certaines disparités ou à des points spécifiques, on va en discuter ensemble dans les prochains jours. »

Cette déclaration n’a pas eu pour effet de calmer les inquiétudes de l’Alliance des regroupements des usagers du transport adapté du Québec.

« Si le transport adapté était important, il fallait conserver les dispositions dans la loi. »

— Rosanne Couture, directrice générale de l’Alliance des regroupements des usagers du transport adapté du Québec

« Nous avons fait part de nos préoccupations à M. Bonnardel le 13 décembre dernier. [...] Nous sommes extrêmement inquiets, mais nous sommes d’abord choqués parce qu’on ne comprend pas son intention. Ce projet est complètement désincarné de la réalité du déplacement des personnes. »

De son côté, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec réclame une rencontre avec le ministre Bonnardel pour lui expliquer les conséquences de la loi sur sa clientèle. « On n’est pas contre la modernisation, assure Claude Guimond. Mais on ne veut pas que notre clientèle soit prise en otage. Dans le projet de loi, il n’y a pas beaucoup de choses pour les personnes avec des limitations fonctionnelles. Et la formation des chauffeurs est importante pour notre monde, parce que c’est leur sécurité qui est en jeu. »

« un recul de 40 ans »

Non-voyant, Pierre Cajolais dirige le Regroupement des usagers du transport adapté du Haut-Richelieu depuis 23 ans. Il est lui-même un utilisateur en raison de son handicap visuel.

« Ce projet de loi est un recul de 40 ans. C’est le néant », dénonce-t-il.

M. Cajolais rappelle qu’en 1979, la loi obligeait toutes les communautés urbaines à offrir du transport adapté. Et que depuis 2004, ce sont toutes les municipalités du Québec qui ont cette obligation.

« Qu’est-ce qu’on va faire ? », demande-t-il. À Saint-Jean-sur-Richelieu, où il habite, 80 % du transport adapté est effectué par des taxis. « Ça amène du stress. »

Taxi Saint-Jean, qui dessert la population handicapée de la région, craint aussi les conséquences de l’entrée en vigueur du projet de loi. En 1995, cette entreprise ne possédait qu’un seul permis pour offrir du transport avec fauteuil roulant, rappelle son président, Claude Pigeon.

« On a ajouté des vans avec des rampes au fur et à mesure que la demande augmentait. On fait de 50 à 60 transports adaptés par jour, de 6 h le matin à 11 h le soir. Mais, aujourd’hui, nos permis ne valent plus rien. On n’a pas de contrat. Si demain [avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi], Uber offre des rabais, la Ville va pouvoir utiliser ce service. Et si on a moins de demandes de transport adapté, on ne sera plus rentables et on ne pourra pas garder nos chauffeurs. »

Résultat : le transport adapté sera davantage offert par des minibus ou des autobus adaptés, comme c’était le cas dans les années 80, croit M. Pigeon. « Ça va coûter plus cher aux villes et les usagers vont avoir un moins bon service. »

EN CHIFFRES

6 millions

Sur les 9 millions de déplacements par transport adapté chaque année au Québec, 6 millions sont réalisés par l’industrie du taxi.

120 000

Nombre de personnes admises au transport adapté au Québec

88 %

À Montréal, 88 % des transports adaptés sont effectués par des chauffeurs de taxi, qui ont reçu une formation à cette fin. Cette proportion est de 70 % à Sherbrooke et de 85 % à Québec.

103

Nombre d’organismes qui offrent un service de transport adapté au Québec, dont neuf sociétés qui assurent le service dans les régions à plus forte densité de population.

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