Réseau électrique métropolitain

Des questions en suspens à Laval

Même si des progrès ont été réalisés et que le train de banlieue Montréal–Deux-Montagnes y passe déjà, de nombreuses questions restent en suspens au sujet du REM à Laval. Des citoyens inquiets craignent l’impact des trains fréquents sur leur qualité de vie alors que la Ville souhaite assurer la place des vélos et des piétons.

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Tout n’est pas réglé à Laval-sur-le-Lac

Le quartier cossu de Laval-sur-le-Lac, à la pointe ouest de l’île Jésus, vit en symbiose avec son célèbre club de golf depuis un siècle. Ce n’est sans doute pas un hasard si on y accède par une petite rue située à peu près exactement au centre géographique de cet ancien haut lieu de la villégiature chic. L’entrée principale du golf passe par la rue Les Cèdres qui, après le passage à niveau du train de banlieue Deux-Montagnes, devient le chemin privé du club.

Dans trois ans, avec l’arrivée du Réseau électrique métropolitain (REM), cette entrée locale sera condamnée à jamais, et une palissade infranchissable séparera le club de golf du quartier qui lui a donné son nom.

Parce qu’il sera en service 20 heures par jour, que sa fréquence de passage pourrait atteindre 10 trains à l’heure dans chaque direction, en périodes de pointe, et parce que le REM sera un train autoguidé, sans conducteur, tous les passages à niveau du train de banlieue actuel seront supprimés et remplacés par des structures d’étagement afin de faire passer la circulation automobile sous les voies ferrées (voir illustrations à l’onglet suivante).

Jean-Guy Murray habite près du coin des rues Les Peupliers et Les Cèdres, à l’entrée du golf. Ça fait 30 ans qu’il vit là. Quand il a vu une image illustrant ce que cela allait donner, juste devant chez lui, il a été horrifié. Et ce sentiment, plusieurs de ses voisins l’ont partagé.

des citoyens inquiets

« Les gens sont aussi inquiets à cause du bruit, dit M.  Murray. Présentement, quand le train de Deux-Montagnes passe, j’ai l’impression de me retrouver dans une gare de triage. On aura beau dire que les voitures du REM seront 35 % plus silencieuses, elles ne passeront pas seulement toutes les 45 minutes ou une fois à l’heure, comme le train actuel. Elles vont passer toutes les six minutes. Le REM va fonctionner 20  heures par jour. Ce ne sera pas juste un bruit fort mais occasionnel. Cela va être continu, sept jours par semaine. J’ai peur de ça. J’ai peur pour la valeur de ma maison. »

« La réaction des résidants a été très mauvaise . Les gens ne veulent pas d’aménagement des voies en hauteur. On n’est pas dans un parc industriel, ici. »

— Jean-Jacques Beldié, président de l’Association des citoyens de Laval-sur-le-Lac

Pas du tout, non. Laval-sur-le-Lac, c’est le quartier le plus cossu de Laval. Ses grandes pelouses soigneusement entretenues, ses immenses terrains qui éloignent les voisins et ses somptueuses résidences sur le chemin de l’île Roussin rappellent son passé de villégiature bourgeoise du début du XXe siècle, sur les bords du lac des Deux-Montagnes.

« Laval-sur-le-Lac existe depuis plus de 100 ans et depuis toujours, des citoyens se sont mobilisés pour faire de ce quartier un endroit envié, agréable, avec beaucoup de verdure, beaucoup d’espaces, dit M. Beldié. Comme association, on appuie le REM. Mais on veut protéger ce qu’on a bâti », dit l’ancien conseiller municipal et ex-président de la Société de transport de Laval.

Une solution

La filiale de la Caisse de dépôt responsable de la construction du REM, CDPQ Infra, est disposée à renoncer à l’étagement de ses voies ferrées. Elle a même déjà élaboré un scénario de remplacement qui assurera un accès sécuritaire et protégé au club de golf, et ce, sans viaduc ni structures de béton de trois mètres de hauteur.

Selon Jean-Vincent Lacroix, porte-parole de CDPQ Infra, le nouveau scénario propose de prolonger une rue existante, la rue du Chemin-de-Fer, et d’aménager un chemin d’entrée à même l’emprise ferroviaire sur une distance d’environ 900 m, jusqu’à l’entrée actuelle du club de golf sur la rue Les Cèdres.

« On ne touche pas à l’emprise du club ni aux terrains de golf, dit M. Lacroix, et cela pourrait réduire la circulation locale sur la rue Les Peupliers, puisque les gens qui vont au golf utiliseront le nouveau chemin. Ce n’est pas une circulation importante. On l’a estimée à 15 800 passages par mois [un peu plus de 500 par jour]. »

« On a peaufiné la proposition, ajoute-t-il. On a ajouté un écran vert pour améliorer l’esthétisme, une bande pour les cyclistes et les piétons. On va ajouter des lampadaires pour que ce soit bien éclairé et nous sommes ouverts aux demandes de la population et de la Ville pour ralentir la circulation. Nous attendons les commentaires des citoyens, de la Ville de Laval et du Club de golf Laval-sur-le-Lac. »

Un portait jovialiste ?

Selon M. Lacroix, CDPQ a développé, « avec les représentants de la Ville de Laval », des solutions à presque toutes les interrogations soulevées par la municipalité ou ses résidants relativement aux chantiers majeurs à venir et aux impacts permanents de l’implantation du REM sur le territoire lavallois. L’accès au club de golf, dit-il, est « l’un des derniers points qui nécessitent encore des discussions ».

Dans un entretien avec La Presse, François Brochu, porte-parole du maire de Laval, Marc Demers, a qualifié ce portrait de CPDQ Infra de « jovialiste », en affirmant que plusieurs des interrogations des services techniques de la Ville demeurent, malgré les assurances des représentants de la Caisse de dépôt.

« Pour nous, dit M. Brochu, il reste au moins sept points [voir autre texte] qu’on continue de discuter avec CDPQ Infra, qui nous semblent tous fondamentaux, et pour lesquels nous n’avons eu ni réponse ni engagement formel de la part de la Caisse de dépôt. Cela inclut la proposition de réaménager la rue du Chemin-de-Fer pour aménager la nouvelle entrée du club de golf. Nous avons posé beaucoup de questions sur ce scénario, et on n’a pas encore eu les réponses. »

« À nos yeux, conclut le porte-parole du maire Demers, ce n’est pas la solution de moindre impact. »

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Trois tracés pour le golf

CDPQ Infra, responsable de la construction du REM, a soumis deux propositions pour créer un nouvel accès au Club de golf Laval-sur-le-Lac. La Ville de Laval en préfère une troisième, jugée trop coûteuse par CDPQ Infra.

Variante 1

Cette première solution présentée par CDPQ Infra pour supprimer le passage à niveau de la rue Les Cèdres a le double avantage d’offrir un « haut niveau de sécurité » et de maintenir au même endroit « l’accès historique » au club de golf. Elle a toutefois semé un certain émoi dans la population, qui voit d’un mauvais œil la présence d’un mur de béton de plusieurs mètres bordant tout le quartier. « On n’est pas dans un parc industriel », résume le président de l’Association des citoyens de Laval-sur-le-Lac, Jean-Jacques Beldié. Le coût estimé pour cet étagement de voie ferrée est d’environ 5 millions.

Variante 2

Le rejet de la première variante a amené CDPQ Infra à élaborer une nouvelle entrée par une petite rue située près de la future station Sainte-Dorothée du REM. La rue du Chemin-de-Fer actuelle serait prolongée par un chemin d’accès d’environ 900 mètres de long, à deux voies. Il serait aménagé à l’intérieur de l’emprise ferroviaire, avec sentier cyclable et piétonnier et éclairage approprié. Il n’y aurait plus nécessité de construire un mur pour surélever la voie ferrée au-dessus de la rue Les Cèdres – qui serait simplement fermée. Ce scénario coûterait entre 2 et 3 millions. La Ville de Laval soutient toutefois qu’il ne s’agit pas de la solution entraînant l’impact le moins important.

Variante 3

La Ville de Laval, le Club de golf et l’Association des citoyens de Laval-sur-le-Lac ont soumis une contre-proposition à CDPQ Infra. Elle consiste en la construction d’un nouvel accès au golf à partir du chemin Saint-Antoine existant. Le Club de golf et la Ville se seraient engagés à financer une partie des travaux, dont le coût est estimé à 10,5 millions. La mise en œuvre de cette solution exigerait le déplacement de trous, de l’éclairage, des stationnements, d’un casse-croûte et de bâtiments d’entretien du club de golf. CDPQ Infra affirme que le coût de 10,5 millions est trop élevé et « ne cadre pas dans [son] budget ».

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Les sept demandes de la Ville de Laval

Le comité exécutif de la Ville de Laval a adopté, le 13 décembre, un projet de résolution qui sera soumis à la prochaine séance du conseil municipal, en janvier. Par cette résolution, la municipalité reconnaît que le projet de Réseau électrique métropolitain (REM) de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), dont le coût est estimé à 6 milliards, est « conforme aux objectifs du schéma d’aménagement et de développement révisé de Laval ». Elle demande toutefois à CDPQ Infra, la filiale de la Caisse responsable du projet, de prêter une attention particulière à sept éléments qui méritent d’être corrigés ou bonifiés.

Risques d’inondation

Les voies de circulation sous les étagements de la voie ferroviaire vis-à-vis du chemin du Tour (île Bigras) et de l’avenue des Bois (Laval-sur-le-Lac) devraient être situées au-dessus du niveau de la côte de crues de récurrence de 375 ans. Les voies de circulation de la rue Les Érables, sous l’étagement de la voie ferroviaire, doivent quant à elles être situées au-dessus du niveau de la côte de récurrence de 100 ans, de manière à éviter qu’elles soient inondées et, pour des raisons de sécurité publique, que le passage des véhicules d’urgence soit possible en tout temps.

Impacts visuels

Des mesures devront être adoptées pour réduire les impacts visuels du rehaussement de la voie ferrée et des étagements ferroviaires dans la rue Les  Érables et sur le chemin du Bord-de-l’Eau, identifiés comme route panoramique au schéma à Laval-sur-le-Lac, ainsi que sur le chemin du Tour, dans l’île Bigras.

Mobilité des piétons et des cyclistes

Le nouveau viaduc d’étagement ferroviaire vis-à-vis du chemin du Bord-de-l’Eau doit être conçu de façon à assurer une mobilité active fluide, sécuritaire et confortable pour les piétons et les cyclistes, tout en tenant compte de la présence du Sentier métropolitain Oka/Saint-Hilaire. Pour le viaduc ferroviaire existant, une collaboration et une participation de la Ville avec CDPQ Infra sont souhaitées afin de trouver une solution.

Passerelle vélo sur la rivière des Prairies

Il y aurait lieu, selon la Ville, de profiter des travaux de réaménagement du lien ferroviaire Laval-Montréal au-dessus de la rivière des Prairies pour construire simultanément la passerelle vélos/piétons prévue au plan directeur du réseau cyclable et, à cette fin, développer une entente entre CDPQ Infra, le ministère des Transports, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) et les villes de Montréal et Laval.

Maintien de la qualité de vie

Eu égard aux impacts anthropiques que pourrait générer le projet de REM, il y aurait lieu que le promoteur prévoie les mesures de mitigation requises afin de maintenir la qualité de vie des résidants avoisinants, notamment pour le milieu sonore, la faune, la végétation et le paysage.

Traitement des plaintes

Un mécanisme de traitement des plaintes des citoyens devrait être mis en place pour la période des travaux de construction du REM, en collaboration avec CDPQ Infra.

Accès au golf de Laval-sur-le-Lac

La solution retenue pour accéder au Club de golf de Laval-sur-le-Lac devra être la solution de moindre impact pour les résidants du secteur. Le réaménagement de la rue du Chemin-de-Fer proposé par CDPQ Infra n’est pas la solution de moindre impact, selon la Ville qui tient toujours à sa proposition d’aménager un nouvel accès par le chemin Saint-Antoine.

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