Traitement contre le cancer

Une molécule québécoise aux résultats « extraordinaires »

On connaît la multiplication des pains racontée dans les Évangiles. Mais voilà que des chercheurs québécois croient pouvoir sauver des vies grâce à un autre miracle : la multiplication des cellules souches dans le sang des cordons ombilicaux. Leurs exploits en laboratoire avaient déjà fait la manchette il y a quatre ans. Ils ont maintenant des résultats à présenter sur de vrais malades.

Précieuses cellules souches

Les cellules souches ont une particularité unique : elles peuvent se différencier pour devenir n’importe quelle cellule du corps. Il arrive qu’on ait besoin d’elles de façon critique. C’est le cas des patients atteints de maladies graves du sang chez qui les fortes doses de chimiothérapie ont détruit presque toutes les cellules sanguines. Il faut alors des cellules souches pour recréer des cellules sanguines. La solution : en greffer de nouvelles. On peut prélever ces cellules souches dans la moelle osseuse d’un donneur, mais ces ponctions sont douloureuses. Surtout, il arrive que le greffon attaque le corps du receveur, ce qui peut le tuer. On diminue grandement ces problèmes en prélevant les cellules souches non pas chez les gens, mais dans le sang d’un cordon ombilical. Le hic : il y a peu de cellules souches dans un cordon ombilical, si bien qu’on l’utilise moins souvent pour faire des greffes chez un adulte.

Le grand multiplicateur

En 2014, une équipe de l’Institut de recherche en immunologie et cancérologie (IRIC) de l’Université de Montréal a fait une découverte qui a fait beaucoup de bruit. Une molécule appelée UM171 – où UM signifie Université de Montréal – peut multiplier par un facteur de 10 à 35 le nombre de cellules souches dans le sang de cordon. La percée avait figuré parmi les 10 découvertes de l’année de Québec Science. Le Dr Guy Sauvageau, qui dirige l’équipe, avait aussi été nommé personnalité scientifique de l’année par La Presse.

Tests sur des patients

Depuis, les nouvelles sur UM171 se sont faites rares pour une raison bien simple : les médecins étaient occupés à tester la molécule sur des patients à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Exactement 25 malades, la plupart atteints d’une leucémie aiguë à haut risque, ont reçu des greffes de sang de cordon dont les propriétés avaient été multipliées grâce à la potion magique UM171. « Ce sont des patients qui n’avaient pas nécessairement de très bons pronostics. Ils avaient déjà eu des transplantations et avaient eu des rechutes », précise Anne Marinier, chercheuse principale et directrice de la chimie médicinale à l’IRIC.

Des résultats « prometteurs »

L’étude vient de se terminer. Les patients devront encore être suivis pendant une période de trois ans, mais l’IRIC dévoilera aujourd’hui de premiers résultats jugés « prometteurs ». « Tout va au-delà de nos attentes – des miennes, en tout cas. Les résultats sont vraiment extraordinaires », dit Mme Marinier. Habituellement, le taux de mortalité associé à une greffe de sang de cordon est de 30 %. Dans ce cas-ci, après un suivi médian de 12 mois, il tourne autour de 5 %. À la suite de ces résultats positifs, une étude comptant un plus grand nombre de patients et qui permettrait de commercialiser le produit devrait démarrer sous peu. ExCellThera, l’entreprise créée pour développer et éventuellement commercialiser UM171, teste aussi la molécule sur des patients atteints de myélome multiple.

Un modèle qui fonctionne

Pour l’IRIC, les résultats prometteurs sur UM171 viennent montrer que le modèle de recherche de l’Institut fonctionne. Le groupe se targue de compter sur « la plus grande équipe de biologistes et de chimistes qui font de la découverte de médicaments » en milieu universitaire au pays. L’IRIC joue sur tous les tableaux, s’occupant autant d’élucider les causes des cancers par la recherche fondamentale que d’essayer d’amener des médicaments sur le marché. Fait intéressant, l’institut est né des cendres du laboratoire de Bristol-Myers-Squibb, à Candiac, qui a fermé ses portes en 2007. Dans le cas d’UM171, les chercheurs ont testé pas moins de 5280 molécules avant d’en trouver une qui parvenait à multiplier les cellules souches. « On a ensuite pris cette molécule et on a modifié sa structure pour la rendre plus active. On a synthétisé 400 versions différentes pour trouver la meilleure candidate », explique Anne Marinier. C’est ce travail, amorcé il y a 10 ans, qui vient de faire ses preuves sur des patients. Et qui conduira peut-être, un jour, à un médicament homologué pour les greffes de sang de cordon.

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