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Opinion

Nous exigeons la laïcité dans le taxi

Aujourd’hui se terminent les commissions parlementaires sur le projet de loi 17, qui déréglemente l’industrie du taxi. Toutes sortes de gens y ont défilé, des chercheurs, des personnes à mobilité réduite, la Ville de Montréal, des chambres de commerce, Uber…

Dans l’ensemble, on peut résumer l’accueil du ministre des Transports, François Bonnardel, de la manière suivante : ceux qui sont en accord avec lui savent de quoi ils parlent, ceux qui sont en désaccord avec lui ne comprennent rien. Évidemment, pour le ministre, les milliers de personnes qui font du taxi leur vie depuis des décennies n’ont rien compris aux enjeux complexes du transport de personnes.

Par contre, les représentants des jeunes chambres de commerce, qui n’ont aucune expertise ou expérience en taxi, eux, ils connaissent ça !

Toutes les organisations de taxi et, notamment, la Ville de Montréal et le Bureau de taxi de Montréal (BTM) ont tenu le même propos : le projet de loi 17, dans sa forme actuelle, entraînera la destruction d’un système de gestion de l’offre qui fonctionne relativement bien, la destruction d’un système qui emploie et fait vivre 22 000 personnes, l’appauvrissement et la précarisation des travailleurs du taxi, l’augmentation des bouchons de circulation et des gaz à effet de serre, la possible disparition des services de transport adapté à plusieurs endroits…

Devant ce barrage de critiques unanimes, le ministre louvoyait entre « vous ne comprenez pas, le libre marché est une solution miracle » et « faites-nous confiance, on va tout corriger par règlement plus tard ».

Une exigence de profession de foi 

Sous ce ministre des Transports, le processus législatif s’est transformé en profession de foi. Il demande soit de croire aveuglément en ses bonnes intentions ou de croire aveuglément aux lois de l’offre et de la demande. Dans tous les cas, le jugement critique basé sur l’expérience, le raisonnement et les situations ailleurs dans le monde ne semblent pas être les bienvenus. Une espèce de crois ou meurs, ou, dans le cas des taxis, crois et/ou fais faillite. Les représentants de l’industrie du taxi ont annoncé que le projet de loi 17 allait les pousser à la ruine dans les mois suivant son adoption. La propre analyse d’impact préliminaire du gouvernement parle d’une « quasi-disparition » de la plupart des entreprises de taxi québécoises. Le ministre des Transports n’a rien voulu entendre en se basant simplement sur la promesse nullement documentée d’un avenir meilleur.

L’industrie qu’on détruit en votre nom 

Pour justifier cette destruction à l’échelle industrielle, le ministre a répété, comme un mantra, agir « au nom du client ». Quand le BTM a avancé que les sondages auprès de la clientèle étaient bons, il n’a pas bronché. Quand Taxi Coop de l’Est de Montréal a affirmé que sur 60 000 courses mensuelles, à peine 0,02 % d’entre elles faisaient l’objet d’une plainte, il n’a pas accusé réception. Quand les taxis de Québec ont dit que sur 200 000 évaluations reçues via l’application Taxi Coop, les taxis obtenaient une note de 96 % de la part des clients, il a écarté ce résultat.

Bref, le ministre des Transports s’apprête à détruire une industrie de 22 000 familles, à dépenser des centaines de millions de dollars, à augmenter la congestion routière et les gaz à effet de serre, la pauvreté et la précarité, en plus de faciliter la fuite de nos capitaux vers l’étranger et de vous refiler la facture.

Il fait tout cela sans aucune étude sérieuse ou preuve documentaire. Il le fait parce que sa foi en la déréglementation et les lois du marché, dont Uber est le prophète, est inébranlable et l’aveugle. Même lorsqu’on lui présente des exemples indéniables, comme San Francisco et New York, qui sont incompatibles avec son modèle, le ministre préfère les rejeter, en les qualifiant de « scénario catastrophe ».

Si l’aveuglement religieux n’est pas permis de nos autorités, il ne devrait pas l’être de nos ministres non plus. Cet acharnement à écarter des points de vue légitimes, basés sur l’expérience et l’étude, transformera très bientôt le scénario catastrophe en réalité, particulièrement au centre-ville de Montréal. C’est pourquoi les taxis demandent la laïcité dans le taxi. Parce que l’aveuglement devant des prophètes de Silicon Valley doit cesser.

* Signataires, représentants de l’industrie du taxi : François Cyr, Abdallah Homsy, Wilson Jean-Paul et Serge Lebreux

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