STÉPHANE LAPORTE  CHRONIQUES, TOME 4

Le chroniqueur assumé

Huit ans. Huit ans depuis la parution du troisième tome des chroniques hebdomadaires de Stéphane Laporte dans La Presse. Sans être un virage à 180 degrés, le quatrième tome de ses Chroniques, en librairie aujourd’hui, marque néanmoins un tournant. Entrevue avec un homme archi-occupé qui a besoin de nous écrire, dans tous les sens du terme.

Il y a 80 textes dans le tome 4 des Chroniques de Stéphane Laporte. Quatre-vingts textes choisis parmi les… 400 et quelques écrits pour La Presse entre la fin de 2006 et la mi-2014 !

Pendant que le chroniqueur travaillait d’arrache-pied aux très populaires émissions L’été indien, La voix, Star Académie, Le banquier, etc.

Tout en pondant un « Clin d’œil » (« l’ancêtre du Twitter », dit Laporte de ses brefs commentaires humoristiques) tous les jours, depuis 1998, pour la page couverture du quotidien. L’antonyme de « Québécois pas assez productif », c’est certainement Stéphane Laporte !

L’ÂGE ADULTE

Juste pour le plaisir de la chose, rappelons que le chroniqueur de 53 ans en a écrit près de 1000, des chroniques, depuis son tout premier billet publié dans le quotidien il y a 18 ans, en octobre 1996. Dix-huit ans, est-ce l’âge adulte pour un chroniqueur ?

« Je dirais plutôt que je suis maintenant un chroniqueur assumé, ou mieux : un chroniqueur gradué », répond Stéphane Laporte en souriant, dans son bureau rempli à craquer de livres, disques, souvenirs, photos, affiches, etc.

« Pour moi, c’est important, durer en tant que chroniqueur. Depuis octobre 1996, je n’ai jamais manqué une semaine : comme je n’écris qu’une fois par semaine, je trouverais ça pas généreux d’en sauter une ! Même en vacances. Parce que ça me nourrit, écrire. »

— Stéphane Laporte

« Quand t’aimes écrire… J’étais enfant, et je me faisais des scrapbooks de 1000 pages, souvent sur le thème du hockey, dans lesquels j’écrivais tous les articles, j’analysais les matchs, etc. Mais personne ne les lisait : il n’y avait aucun autre but à ces scrapbooks que d’être l’occasion pour moi de les écrire, puis de les lire. Je me trouve donc privilégié aujourd’hui : j’en écris toujours, des textes, mais avec des tas de gens pour les lire ! »

LE FACTEUR « RÉFRIGÉRATEUR »

Pour le premier tri des textes du tome 4, il a même d’abord retenu les chroniques qui lui avaient valu le plus de réactions de lecteurs : « L’Oscar, le trophée pour quelqu’un qui écrit dans un journal, lance Stéphane Laporte, c’est quand les gens nous découpent pour nous mettre sur le frigidaire ! J’ai donc cherché mes textes de porte de frigo ! »

C’est donc parmi les chroniques qui lui ont valu le plus de courrier, de courriels et de réactions sur les réseaux sociaux, où il est très actif (tant Twitter que Facebook sont nés en 2006, comme les textes les plus anciens du tome 4), qu’il a choisi ces 80 chroniques, qu’il a ensuite structurées « comme le pacing, le déroulement d’un spectacle, en passant d’une émotion à une autre, explique-t-il, mais disons que c’est un long spectacle, à la Bruce Springsteen » !

Plusieurs de ses textes portent sur certains moments de son enfance, bien sûr, ou sur les membres de sa famille. Mais une très grande partie des chroniques portent sur l’actualité, sur notre monde maintenant : la manie de la consultation publique, l’intégration des nouveaux Québécois, le GPS et les téléphones « intelligents », la violence conjugale, la Syrie, les commotions cérébrales, le tata de député français Lasbordes… Et contre toute attente, bien que ces sujets soient du genre poids lourd, ça se lit sans qu’on se sente écrasé.

« Je ne sais pas si ça coïncide avec le fait que ma chronique est passée du dimanche au samedi [quand le numéro dominical de La Presse a cessé en 2009], s’interroge l’auteur. Mais il y avait sans doute une façon de lire – et d’écrire ? – différente quand mes chroniques paraissaient une journée de congé vraiment de congé, plutôt qu’une journée de congé occupée comme l’est le samedi. Le journal lui-même est alors plus une presse d’action. Oui, il se peut que cela ait joué. Je sais, en tout cas, qu’une de mes plus belles récompenses, c’est quand une de mes expressions passe dans l’usage, comme quand on s’est mis à utiliser l’expression “la dame de béton” pour désigner Pauline Marois » [ainsi qu’il l’avait surnommée dans sa chronique du 21 janvier 2012].

MOI ET L’AUTRE

Autre sujet beaucoup plus développé dans ce quatrième tome, et source de beaucoup d’humour tendre : les relations de couple, grâce à l’arrivée de sa blonde dans sa vie.

« C’est la plus longue relation de couple de ma vie, bientôt 10 ans, explique Stéphane Laporte. Et en fait, c’est grâce aux chroniques si cette relation existe : Marie-Pier suivait un cours de communication à l’Université de Montréal, et son prof revenait sur mes textes tous les lundis. Quand il a demandé à ses étudiants de faire une entrevue avec quelqu’un dont le travail touchait à l’écriture, elle a pensé qu’elle aurait sans doute une bonne note si elle pouvait m’interviewer (rires). C’est comme ça qu’on s’est rencontrés ! »

« Je dois donc à mes chroniques non seulement une partie de mon bonheur professionnel, mais aussi mon bonheur personnel. »

— Stéphane Laporte

« Nécessairement, avec le temps, tu évolues comme chroniqueur, conclut-il. C’est comme quand tu es bébé : au début, tout est en close-up, tout ce qui t’entoure est perçu comme une série de gros plans : tes mains, les visages… Mais plus tu vieillis, plus tu vois l’ensemble de l’image, littéralement the big picture. Je pense, parfois, que le métier de chroniqueur, c’est finalement un long zoom arrière. »

Chroniques, tome 4

Stéphane Laporte

Les Éditions La Presse, 335 pages

En librairie aujourd’hui

Stéphane Laporte Chroniques, tome 4

EXTRAIT

« C’est sûr que parmi tous les gens qui ont pris la parole à la commission Bouchard-Taylor, il y a eu quelques tapons. Qui nous ont fait mal paraître. Mais on ne juge pas un peuple à ses tapons. Les anglophones du Canada avec leur Don Cherry sont-ils plus ouverts que nous ? Nous, on les aime les Kovalev, Plekanec, Kostitsyn. On a même échangé un Français pour faire de la place à Price. On est tellement ouverts que notre club de hockey, notre plus grande fierté, appartient à un Américain. Les fans de Liverpool sont-ils plus ouverts que nous ? »

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