Secteur namur-de la savane

des centaines de millions en travaux à prévoir

Plusieurs centaines de millions de dollars de fonds publics devront être investis pour réduire la congestion et briser l'isolement du secteur Namur-De la Savane, déjà surchargé de circulation, selon un rapport rendu public hier au sujet du projet Royalmount.

Un dossier de Bruno Bisson

Projet Royalmount

Un comité recommande d’importants chantiers

Le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal devront investir plusieurs centaines de millions pour alléger la circulation et désenclaver le secteur Namur-De la Savane afin de favoriser l’implantation de plus de 15 000 nouveaux logements et du projet commercial et touristique Royalmount, à l’intersection des autoroutes 15 et 40.

Dans un rapport rendu public hier, un comité de travail mandaté pour jeter les bases d’un plan global de déplacements dans ce secteur de la ville propose 13 recommandations et 35 actions pour briser l’isolement du quartier, tirer profit de la réserve de capacité du métro sur la section ouest de la ligne orange et améliorer la fluidité du réseau autoroutier.

Ces actions incluent le parachèvement du boulevard Cavendish, le prolongement de la section ouest de la ligne orange du métro jusqu’à la station Bois-Franc du futur Réseau express métropolitain et une « révision de la fonctionnalité » des autoroutes Métropolitaine et Décarie ainsi que de leurs voies de desserte. La réalisation de ces trois chantiers coûterait à elle seule plusieurs centaines de millions de dollars.

Des changements pris en compte

Le rapport de ce comité, présidé par Florence Junca-Adenot, professeure associée au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), « prend acte » des changements substantiels apportés à Royalmount par son promoteur, Carbonleo, depuis les consultations publiques de l’hiver dernier. La version révisée du projet, selon le rapport, réduirait de 30 % la superficie du site occupée par les commerces et de 66 % celle des hôtels et bureaux prévus dans le projet original.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, qui assistait hier au dévoilement du rapport, a loué l’ouverture du promoteur et sa volonté de consulter la population des villes et des arrondissements voisins. Mais elle a clairement laissé entendre qu’elle n’appuyait pas son projet.

« Ceci étant dit, dans sa forme actuelle et à la lumière du rapport du comité de travail, ce projet a toujours plus d’impacts négatifs que positifs. »

— Valérie Plante, mairesse de Montréal

Selon elle, l’ajout d’un volet résidentiel et la mise en œuvre des recommandations du rapport, qualifié de « feuille de route », pourraient le rendre plus acceptable.

La ministre déléguée aux Transports et responsable de la métropole, Chantal Rouleau, qui a commandé ce rapport avec la mairesse Plante en mars dernier, a assuré pour sa part que Québec « analysera avec beaucoup d’attention au cours des prochaines semaines les différentes recommandations » formulées par le comité.

Embouteillé

Le portrait de la mobilité dans le secteur Namur-De la Savane que dépeint le rapport du comité de travail est très documenté, et parfaitement désespérant.

Le secteur Namur-De la Savane est situé à peu près au centre géographique de l’île de Montréal. Il s’agit d’un vieux secteur industriel, toujours actif mais largement déstructuré, qui chevauche le territoire des municipalités de Côte-Saint-Luc et Mont-Royal et de deux arrondissements de Montréal, Saint-Laurent et Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.

Il est enclavé par des infrastructures ferroviaires et par deux des autoroutes les plus achalandées du Québec, l’autoroute Décarie (A15) et la Métropolitaine (A40), sur lesquelles circulent un total d’environ 360 000 automobiles et camions, chaque jour, à travers tout le secteur.

On estime que 30 000 personnes occupent un emploi dans le secteur Namur-De la Savane, et que 80 % d’entre elles viennent y travailler tous les jours en auto, en provenance d’un autre secteur de la région.

La population du secteur génère elle-même environ 95 000 déplacements par jour, à l’intérieur ou à l’extérieur du secteur, et à peine 17 % de ceux-ci, soit environ un sur six, sont réalisés en transports collectifs, selon l’enquête origine-destination de 2013. C’est un des taux d’utilisation les plus faibles dans l’île de Montréal.

Or, c’est dans ce petit territoire déjà surchargé de circulation, qui fait à peine sept kilomètres carrés, qu’on prévoit d’ici 10 ans la construction de plus de 15 000 logements et du projet Royalmount, qui comprend des commerces, des tours de bureaux, des restaurants et des salles de spectacle sur un site grand comme 40 terrains de football.

D’ici 2030, l’arrivée de milliers de nouveaux résidants pourrait induire chaque jour plus de 100 000 déplacements locaux additionnels dans le secteur.

Quant aux activités commerciales de Royalmount, elles pourraient générer à partir de 2022, à elles seules, plus de 94 000 déplacements supplémentaires par jour. Soit presque autant que tous les projets résidentiels du secteur réunis.

Un échéancier pressant

Le rapport confirme en cela les appréhensions soulevées par la municipalité de Côte-Saint-Luc et par les deux arrondissements montréalais voisins du site Royalmount lors des consultations publiques de l’hiver dernier sur les impacts de ce vaste projet commercial et immobilier de plus de 2 milliards.

Le site Royalmount, situé entièrement sur le territoire de la ville de Mont-Royal, a été conçu et aménagé sans concertation avec les villes et arrondissements voisins, qui ont tous aussi des projets d’envergure dans le même secteur.

C’est ainsi que le comité de travail a recensé pas moins de 11 projets résidentiels, qui vont de 150 unités aux 5000 logements prévus à l’emplacement de l’ancien hippodrome Blue Bonnets, juste au sud du site de Royalmount… où l’on prévoit aussi, à long terme, entre 5000 et 7000 unités d’habitation.

solutions de mobilité réclamées

Pour la mairesse Plante, la situation actuelle « ne peut plus durer ». « Le développement du secteur doit dorénavant et obligatoirement passer par le transport collectif et actif. C’est essentiel pour répondre à la fois aux besoins des futurs résidants, des entreprises et même des travailleurs actuels du secteur qui nous réclament des solutions de mobilité. »

Le temps presse. À l’automne, le promoteur Carbonleo prévoit la présentation d’une version entièrement repensée du projet Royalmount, incluant le volet résidentiel qui n’était pas prévu au scénario original. Aux dernières nouvelles, le promoteur prévoit toujours une inauguration du volet commercial du secteur en 2022.

Secteur Namur-De la Savane

Quelques-unes des actions indiquées

PROLONGEMENT DU BOULEVARD CAVENDISH

Le raccordement du boulevard Cavendish est discuté depuis les années 60 et étudié depuis le début des années 80. Le projet est en marche, mais il faudra être patient. C’est compliqué. Au nord, le boulevard traverse tout l’arrondissement de Saint-Laurent, du boulevard Gouin jusqu’au sud de l’autoroute 520. Au sud, il s’étire de la rue Sherbrooke jusqu’au chemin Wallenberg, dans la municipalité de Côte-Saint-Luc. Les deux extrémités du boulevard sont séparées par un peu plus d’un kilomètre de voies ferrées à perte de vue appartenant au Canadien National (CN) et au Canadien Pacifique (CP). Le coût pour les raccorder a déjà été estimé à 140 millions, mais n’a pas été mis à jour depuis des années.

DÉSENCLAVEMENT

Le raccordement de Cavendish, juste à l’ouest du secteur Namur-De la Savane, permettrait de relier trois secteurs coupés les uns des autres par des voies ferrées ou des autoroutes. Le raccordement du boulevard longerait la gare de triage du CP et les voies du CN. Il relierait entre eux le tronçon nord de Cavendish, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, à la rue Royalmount dans la Ville de Mont-Royal, et à la rue Jean-Talon Ouest, dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce. Selon le rapport, le boulevard devrait proposer « un parcours facultatif pour les déplacements de nature locale entre les villes et arrondissements », qui peuvent s’élever à 30 000 par jour. Mais il serait destiné « prioritairement au transport collectif ».

TRANSPORTS COLLECTIFS

L’augmentation des services de transports collectifs est au cœur du rapport Junca-Adenot. Les transports collectifs font partie intégrante des quatre actions recommandées pour désenclaver le secteur. Ils devront aussi absorber une importante partie de l’augmentation des déplacements induite par les activités commerciales de Royalmount et la construction de quelque 15 000 nouveaux logements, dans un secteur de sept kilomètres carrés où le taux d’utilisation des transports collectifs est, présentement, l’un des plus faibles à Montréal. Mme Junca-Adenot a toutefois souligné hier que la présence de deux stations de métro (Namur et De la Savane) de la ligne orange, sur une section du réseau qui n’est pas exploitée à son maximum, offre un potentiel énorme. Plus de 24 000 déplacements peuvent être réalisés à l’heure de pointe matinale à partir du secteur Namur-De la Savane en direction est (vers le centre-ville), et jusqu’à 180 000 déplacements par jour. Mais il faudra faciliter l’accès aux deux stations et raccorder les réseaux de transports.

VOIES RÉSERVÉES, VÉLO, ACCÈS AU MÉTRO

Le rapport propose ainsi « à moyen terme » de prolonger la branche ouest de la ligne orange du métro entre Côte-Vertu et la future station Bois-Franc du Réseau express métropolitain (REM), et d’ajouter deux gares sur la ligne actuelle de train de banlieue de Saint-Jérôme, qui passe par là. À plus court terme, des pistes cyclables allant jusqu’aux stations de métro et des voies réservées aux autobus sur le plus grand nombre d’artères possibles peuvent être mises en service plus rapidement. Un réaménagement majeur du boulevard Décarie, fort peu attirant dans le secteur où sont situées les deux stations de métro, est aussi fortement recommandé. Le coût cumulatif de tous ces projets n’a pas été estimé.

PASSERELLE ESSENTIELLE

Dans sa dernière version, le site Royalmount attirera environ 94 000 déplacements par jour dans le secteur Namur-De la Savane, en forte baisse par rapport aux 140 000 prévus avec le projet original. Le comité de travail prend acte que le promoteur Carbonleo souhaite que 38 % de ces visiteurs accèdent au site en transports collectifs. Pour que cela puisse se produire, son rapport recommande que la passerelle promise par le promoteur, au-dessus de l’autoroute Décarie, afin de relier directement la station de métro De la Savane au site de Royalmount, soit construite et déjà en place, en 2022, à l’ouverture des activités commerciales. Carbonleo s’est déjà engagé à financer et à construire cette passerelle, dont le coût est estimé à 20 millions.

COMMANDE AU MTQ

Environ 360 000 automobiles et camions traversent quotidiennement l’échangeur Décarie, à l’intersection de l’autoroute Métropolitaine (A40). La circulation dans le secteur est congestionnée de manière chronique plus de 12 heures par jour. Et il y a des endroits pires que d’autres, selon le rapport du comité de travail sur le secteur Namur-De la Savane. Le rapport recommande ainsi au ministère des Transports du Québec (MTQ) de « réviser la fonctionnalité » de l’autoroute 40 et de ses voies de desserte, entre les échangeurs Acadie et Côte-de-Liesse. Il recommande aussi de « rendre plus fonctionnelles » l’autoroute Décarie et ses voies de desserte connectées au réseau local, à partir de l’échangeur Décarie, jusqu’à l’échangeur Turcot. La ministre déléguée aux Transports, Chantal Rouleau, a assuré que toutes ces recommandations seraient analysées et prises en considération par le MTQ.

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