Steve Bolton

Pluie de dénonciations contre un chorégraphe vedette

Au cours des dernières semaines, une vingtaine de danseurs ont porté plainte à l’Union des artistes (UDA) contre le chorégraphe vedette Steve Bolton, qui travaille à la télé dans les émissions Les dieux de la danse et La voix ainsi que dans des comédies musicales à succès comme Mary Poppins. « Extrêmement inquiète » de la nature des allégations reçues, qui vont de la violence physique et psychologique aux conditions de travail intenables, l’UDA compte exercer une « vigie accrue » à son endroit. La Presse a obtenu une copie de 11 plaintes et a parlé à 18 danseurs qui affirment avoir souffert sous la coupe de Steve Bolton… ainsi qu’à d’autres, qui le défendent.

Steve Bolton

une vingtaine de plaintes de danseurs

Violence physique et verbale lors des répétitions. Crises de colère. Attitude générale d’abus de pouvoir. Refus de donner des pauses aux danseurs ou de les laisser boire pendant les répétitions, qui sont tellement longues et intenses qu’elles entraînent souvent des blessures chez les danseurs. Contrats abusifs. Ce ne sont que certains des faits recensés par l’Union des artistes (UDA) sur le cas du chorégraphe vedette Steve Bolton, qui a notamment travaillé sur Les dieux de la danse et La voix, ainsi que sur les comédies musicales Footloose et Mary Poppins.

Ces allégations, qui sont rassemblées dans un document produit par l’UDA et obtenu par La Presse, constituent le résumé des faits énoncés dans une vingtaine de plaintes de danseurs visant le chorégraphe. L’UDA juge que les plaintes déposées contre l’homme sont si sérieuses qu’elle compte exercer une « vigie accrue sur tous les plateaux impliquant M. Bolton », indiquent Marie Fisette et Christine Fortin, respectivement au service des relations du travail et avocate à l’UDA, dans une lettre transmise aux artistes dénonciateurs et que La Presse a obtenue.

« L’Union des artistes était extrêmement inquiète. On a rencontré les producteurs, puisque ce sont eux qui ont la responsabilité d’offrir un lieu de travail sain. On leur a dit : on pense que vous avez un travail à faire pour offrir un lieu exempt de toute forme de harcèlement », a dit la présidente de l’UDA, Sophie Prégent, en entrevue à La Presse. Mme Prégent refuse de confirmer la nature et le nombre de plaintes reçues, « mais on en a eu beaucoup », dit-elle.

« Il semblerait que ce dernier a l’intention d’envoyer des lettres à des danseurs pour les intimider », ajoutent Mmes Fisette et Fortin dans leur missive aux danseurs, leur conseillant de ne pas répondre à M. Bolton.

Quatre mises en demeure

Le chorégraphe a effectivement envoyé au moins quatre mises en demeure avant la publication de notre article, sommant certains danseurs de se rétracter, et ce, avant même d’avoir pris connaissance de leurs propos.

Steve Bolton possède une école de danse, 8 Count, depuis 2003. Il est également instructeur de plusieurs troupes de danse, qu’il a menées dans de nombreux concours internationaux. Il a aussi œuvré comme chorégraphe dans plusieurs émissions de télé. Récemment, il a été recruté comme juge par l’émission Révolution, de TVA, qui doit être diffusée l’automne prochain.

Lors d’une longue entrevue avec La Presse, Steve Bolton a décrié le processus mené par l’UDA, au cours duquel, estime-t-il, des danseurs ont été « harcelés et intimidés pour [le] dénoncer ». Il dit être victime d’une vendetta de la part de danseurs et chorégraphes concurrents et d’anciennes amoureuses. Il reconnaît cependant avoir été un chorégraphe exigeant et intense lors de sa carrière, mais a revu en profondeur ses méthodes pédagogiques après 2012. « Je ne suis plus la même personne », dit-il (voir onglet suivant).

« Pire que l’armée »

Au cours des deux dernières semaines, La Presse a obtenu une copie du libellé de 11 de ces plaintes et a mené 18 entrevues avec des danseurs qui affirment avoir souffert sous la coupe de Steve Bolton, dont quatre avec des danseurs qui ont travaillé dans les deux dernières années dans les comédies musicales Footloose et Mary Poppins.

« Pour lui, on n’est pas des humains. Sa méthode de travail est pire que l’armée », témoigne l’un des danseurs qui a participé à l’une de ces deux productions.

« C’est impossible de s’exprimer, de dire ce que tu penses, sinon, il va perdre son sang-froid. On travaille dans la peur. J’ai décidé de parler car il est temps que ça s’arrête. »

— Un danseur

Il a voulu le faire sous le couvert de l’anonymat, car il craint les conséquences sur sa carrière.

Sautes d’humeur, crises de colère, intimidation, ce jeune danseur décrit un climat de travail dérangeant. « Il y avait un numéro qui n’était pas encore terminé, qu’il changeait sans cesse. C’était difficile de le suivre. Une des danseuses a exprimé son incompréhension et il a commencé à lui crier : “Arrête de parler”, à répétition, en haussant le ton. Elle s’est mise à pleurer et il lui a crié : “Vas-y, pleure !” Elle a fondu en larmes. Un des gars s’est interposé et Steve est parti fâché en plein milieu. La pire chose que tu peux faire dans ces cas-là, c’est d’intervenir, car ça veut dire que tu n’es pas du côté de Steve. »

« J’ai travaillé avec d’autres chorégraphes, certains très rigoureux. Mais dans son cas, ce n’est pas de la rigueur, c’est de la pression à la limite de l’abus de pouvoir. Et si tu ne fais pas ses quatre volontés, tu n’es plus là », raconte une autre danseuse qui a travaillé sur l’une de ses comédies musicales.

« Les enfants pleuraient »

Les enfants qui jouaient dans Mary Poppins n’ont pas été épargnés. « Il était agressif avec tout le monde, même avec les enfants », dit l’un des danseurs de la production. « Les conditions de travail qu’il imposait n’étaient pas normales, acquiesce la mère de l’un des jeunes comédiens, elle-même dans le milieu de la danse. Les enfants pleuraient. Les enfants ne se sentaient pas bien, ce n’était pas sain. »

Un quatrième danseur raconte s’être blessé à la suite de plusieurs jours de répétitions d’une intensité qui dépassait clairement les bornes, selon lui, sur l’une de ces productions. Il nous a fourni les documents médicaux qui confirment ses dires.

« Pendant les répétitions, tous les jours, il y avait des gens qui pleuraient, des blessés, une danseuse a vomi à cause de la pression. »

— Un danseur

Nous avons demandé à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) le décompte des accidents de travail survenus pendant ces deux productions, mais ces renseignements sont confidentiels.

Le metteur en scène Serge Postigo indique avoir rencontré Steve Bolton à trois reprises lors de ces deux productions pour mettre des choses au point. « J’ai effectivement été mis au courant de divers incidents, confirme le metteur en scène de Footloose et de Mary Poppins, Serge Postigo. Le lendemain d’une répétition, on m’a dit : “Serge, ça a été rough hier, Steve était très dur et disait des affaires.” On m’a aussi dit qu’un enfant avait pleuré parce que Steve lui aurait dit que s’il n’arrêtait pas de courir partout, il ne serait pas dans la chorégraphie. »

M. Postigo dit avoir communiqué avec l’agent de Steve Bolton pour lui expliquer que le chorégraphe ne pouvait pas fonctionner de cette façon. « Immédiatement, Steve a changé complètement son comportement. Certains danseurs de Footloose qui dansent avec lui depuis qu’ils sont mineurs m’ont dit qu’ils ne le reconnaissaient pas. »

Engueulades et bleus

Nous avons parlé à plusieurs de ces danseurs qui ont connu Steve Bolton au début de leur carrière, entre 2006 et 2012, alors qu’il était à la tête de l’école 8 Count et qu’il dirigeait des troupes de danse. Tous soulignent son immense talent et reconnaissent sans hésiter l’apport majeur du chorégraphe dans leur carrière en danse. Cependant, témoignent-ils, le prix à payer a parfois été très élevé sur le plan psychologique.

Les violentes engueulades étaient monnaie courante pour les danseurs de la troupe, souligne Janick Arseneau, une danseuse qui a travaillé avec Steve Bolton entre 2008 et 2015 et qui a entretenu une relation amoureuse intermittente avec lui pendant six ans. Un exemple ? Cette conversation téléphonique, où elle réclame un changement d’horaire. La conversation, qui date de 2015, a été enregistrée à l’insu de M. Bolton, alors qu’il n’était plus en couple avec Mme Arseneau.

En entrevue, Steve Bolton indique qu’il y a « un contexte » autour de cette conversation. « Si j’essaie d’aider quelqu’un, que la personne sabote tout cela, que ça m’arrive encore et ça me place dans une position très difficile, je me fâche, dit-il. Je suis loin d’être parfait. » Par l’entremise de son avocate, il qualifie Mme Arseneau « d’ancienne amoureuse frustrée de la rupture ».

Marie-Ève Gingras est entrée à 12 ans dans l’une des troupes de danse de Steve Bolton. En 2012, la troupe dont faisait partie Mme Gingras a participé à l’émission America’s Best Dance Crew. « Ce fut une des pires expériences de ma vie », dit-elle en entrevue à La Presse.

En répétition, alors qu’elle n’arrivait pas à exécuter un mouvement, Steve Bolton perd son sang-froid devant tout le monde. « Il a commencé par me rabaisser verbalement tout en me faisant refaire le même mouvement encore et encore. J’étais épuisée et je n’y arrivais plus. Il a pris ma hanche et a commencé à frapper dessus à répétition à coups de poings et de doigts en criant : “Sais-tu ce que c’est qu’une hanche ? Je t’ai dit de ne pas la mettre par terre ! Tu la sens, là ?” Je ne sentais plus ma jambe. Le lendemain, lorsque je lui ai montré le bleu qu’il m’avait fait, il m’a dit : “Good !” »

Trois personnes interrogées par La Presse ont été témoins de cet événement. « Ce fut un des moments les plus terrifiants de ma vie », dit une coéquipière de Mme Gingras.

Mme Gingras a été marquée par ses années passées aux côtés de Bolton. « Je me sentais souvent en danger et impuissante. Durant plusieurs années, même après avoir quitté, j’ai arrêté de m’entraîner puisque cela me causait une crise d’anxiété à chaque fois. »

Steve Bolton dit qu’il a bel et bien touché Mme Gingras pour lui montrer le mouvement, mais pas assez fort pour la blesser. « Les bleus ont été causés par le mouvement de danse, pas par moi. »

M. Bolton nous a soumis des courriels rédigés par Mme Gingras à la suite de cet événement, dans lesquels elle s’excuse d’avoir « exagéré » en racontant des ragots pour influencer ses coéquipiers. Les membres de l’équipe ont trop focalisé « sur le coach qui crie que sur les danseurs qui ne performent pas correctement. En rétrospective, on réalise que Steve avait raison », écrit-elle.

Avant même que M. Bolton ne le fasse, Mme Gingras nous avait elle-même envoyé ces courriels. Elle les commentait de la façon suivante : « Quand il était heureux, on l’était fois 1000. Mais quand il était fâché, on stressait fois 1000. Il avait le pouvoir de nous faire prendre tout le blâme, s’excuser et le remercier, même à des moments où on n’aurait pas dû. Je tenais beaucoup à lui. Sa joie était toujours plus importante pour moi que ma carrière et mon bien-être. »

« La colère monte... »

La sœur aînée de Marie-Ève Gingras, Kim, a également fait partie pendant près de 10 ans de la troupe de danse de Steve Bolton. Elle a aussi entretenu une relation intime avec lui pendant deux ans. En 2013, Mme Gingras, qui a poursuivi sa carrière à Los Angeles avec de grands noms de la chanson pop, a coupé tous les ponts avec le chorégraphe. Steve Bolton et Kim Gingras ont d’ailleurs obtenu des postes de juge dans des émissions concurrentes de danse lancées par TVA et le réseau V, et qui doivent être diffusées l’automne prochain.

Lors d’une performance à New York en 2010 avec la troupe Blueprint, Mme Gingras nous a raconté avoir été la cible d’une crise de colère de Bolton. « Ça a escaladé et il a commencé à m’engueuler à deux pouces du visage. Tout le monde nous regardait », raconte la danseuse. Bolton a suivi Mme Gingras dans la rue jusque dans l’ascenseur de leur hôtel.

« J’ai rarement vu autant de colère sur le visage de quelqu’un. Honnêtement, je me suis dit : je vais recevoir un coup de poing sur la gueule pour la première fois de ma vie », raconte le danseur Vincent-Olivier Noiseux, conjoint de Kim Gingras à l’époque, qui s’est interposé entre le chorégraphe et la danseuse à l’entrée de l’ascenseur. M. Noiseux travaille lui aussi à Los Angeles.

Lors de ses trois années passées dans la troupe Blueprint, M. Noiseux a fréquemment vu Steve Bolton au bord de l’explosion. « Il pompe tellement que ça en devient épeurant. La colère monte, on la sent monter, et on ne sait pas si ça va être contrôlé. » Kim Gingras approuve. « J’ai travaillé avec de nombreux chorégraphes, à Los Angeles ou en Europe, et je n’ai jamais vu ça », dit-elle.

Steve Bolton attribue cette prise de bec avec Kim Gingras à des motifs purement personnels. « Notre conversation a dérapé. Elle n’était pas reliée à la danse. Mais ça s’est fait à deux, cette dispute », dit-il. Il dit qu’il s’est lui-même abstenu d’entrer dans l’ascenseur pour mettre fin à la discussion.

Un poing dans le mur

D’autres danseuses qui ont collaboré avec Steve Bolton à cette époque parlent d’un environnement oppressant, où elles étaient régulièrement dénigrées. Quatre d’entre elles nous ont dit avoir souffert d’une dépression majeure à la suite de leur passage à 8 Count. « Se faire crier après, se faire humilier sur une base régulière pendant six ans, ça n’a pas de sens. Il a détruit mon estime de moi », dit Vanessa Gagnon. « Il nous surmenait en répétitions, nous faisait travailler encore et encore, sans pause pour boire, jusqu’à l’épuisement total. Au point où j’ai déjà perdu connaissance », ajoute une autre danseuse qui a commencé sa carrière dans la troupe Blueprint. Une troisième danseuse, qui a quitté le milieu, décrit les deux ans au cours desquels elle a côtoyé Steve Bolton comme « un des traumas majeurs de sa vie ».

Une quatrième jeune femme, qui a réclamé l’anonymat parce qu’elle œuvre encore au Québec dans le milieu de la danse et craint les conséquences pour sa carrière, témoigne de ses « années d’abus psychologique » aux mains du chorégraphe au début des années 2010. Elle a néanmoins retravaillé avec Steve Bolton des années plus tard et indique que l’expérience a été beaucoup plus positive.

L’épisode le plus dramatique survenu avec elle s’est produit lors d’une répétition en vue d’une performance à la télévision américaine. Steve Bolton a explosé, estimant que ses danseurs ne performaient pas à son goût. « Il a kické dans une radio en nous disant qu’on n’était pas à la hauteur. Puis, il a punché dans un mur. Mon visage était à un pied de son poing. »

Steve Bolton a nié cet épisode. « La dernière fois que j’ai envoyé mon poing dans le mur, j’avais 14 ans », dit-il.

Lors d’un autre épisode, poursuit la danseuse, le chorégraphe a forcé ses danseurs à faire la chaise, dos appuyé contre le mur, par périodes de trois minutes pendant près d’une heure pour les punir d’avoir mal rempli un document.

« Le lendemain je n’étais pratiquement pas capable de marcher. J’ai eu du mal à monter les escaliers pendant trois jours. »

— Une danseuse

« Il attendait que nos jambes tremblent, que certaines fondent en larmes… Il ne voulait pas nous apprendre quelque chose, il voulait nous voir souffrir », ajoute sa coéquipière, qui a elle aussi fait partie de la troupe à la même époque et décrit de la même façon la punition de « la chaise ». M. Bolton qualifie cette histoire de pure exagération.

La danseuse citée plus tôt a quitté la troupe après quatre ans, démolie. « J’étais en dépression profonde, j’ai consulté pendant trois ans pour m’en sortir. » Son père témoigne lui aussi de « l’état épouvantable » dans lequel sa fille a quitté la troupe. « Ça a été un moment de vie extrêmement difficile pour elle et déchirant pour nous. Le prix à payer a été très élevé pour elle. »

Steve Bolton

« Je ne suis plus la même personne »

Steve Bolton se décrit comme un coach et un chorégraphe exigeant, passionné, intense. Oui, il a pu crier ou être dur à l’endroit de danseurs. Mais en 2012, après une participation très difficile à une émission de télévision américaine avec sa troupe de danse, il affirme que sa carrière de coach de danse et de chorégraphe a connu un tournant.

« À l’époque, en pratique, oui, je pouvais crier. Oui, je pouvais être loud. En 2010, j’ai commencé à réfléchir à ma pédagogie. En 2012, après notre seconde participation à America’s Best Dance Crew, j’ai eu un gros flash. J’ai vraiment réfléchi à ma façon d’enseigner. »

Steve Bolton plaide également avoir un lourd historique avec la famille Gingras, dont font partie Kim et Marie-Ève. La relation amoureuse entretenue avec Kim Gingras s’est mal terminée. Il estime que la danseuse mélange leur relation personnelle et les rapports professionnels qu’ils ont eus au cours des ans.

Son agent, Guy Lévesque, souligne à mots couverts que la danseuse a un intérêt à tenir de tels propos. « Ce sont des gens qui sont en compétition contre toi, que ce soit par des projets télé ou des projets contractuels. » Kim Gingras et Steve Bolton seront tous deux juges pour des émissions de danse diffusées l’automne prochain sur des réseaux concurrents. M. Bolton nous a d’ailleurs fourni des courriels rédigés par plusieurs des personnes citées dans notre article qui le remercient chaudement ou le louangent à l’époque des faits qu’elles décrient.

Le chorégraphe décrie le processus de plainte tenu à son endroit par l’Union des artistes (UDA).

« Des danseurs m’ont appelé, ils se sentaient harcelés, intimidés par d’autres personnes dans le milieu de la danse pour me dénoncer. Les plaintes à l’UDA, elles sont sollicitées, elles ne sont pas spontanées. »

— Steve Bolton

Il trouve incorrect que l’UDA ait appelé les danseurs en leur demandant s’ils avaient des plaintes. « Il y a plein d’affaires exagérées là-dedans ! Et tout d’un coup, on est rendus à 25 plaintes ! »

M. Bolton indique n’avoir jamais fait de gestes de violence physique à l’endroit de danseurs. « En 24 ans de carrière, je n’ai jamais frappé un danseur. » Il dit aussi n’avoir jamais insulté qui que ce soit.

appuyé par 60 personnes

Lorena Liebman, chorégraphe et danseuse, œuvre aux côtés de Steve Bolton depuis 15 ans. Elle dit avoir été témoin de plusieurs des faits décrits dans notre article et estime qu’ils doivent être nuancés. « J’ai participé au fil des années à tous ses projets et je peux vous dire que ce qui est reproché à Steve est disproportionné et exagéré », dit-elle en entrevue. Elle estime que les sentiments personnels de Kim Gingras et Janick Arseneau à l’endroit de M. Bolton ont pu « influencer » leur perception de manière négative.

Pour elle, Steve Bolton n’est pas trop strict, n’a jamais crié et n’a jamais touché un danseur. « Je n’ai aucun problème avec sa méthode d’enseignement basée sur la discipline », dit-elle.

« Je peux comprendre que certaines personnes qui ont du mal à prendre la critique trouvent ça rude. Mais personne n’est forcé de travailler avec lui, personne n’a un pistolet sur la tempe. »

— Lorena Liebman, chorégraphe et danseuse

Lors d’une entrevue, Steve Bolton nous a d’ailleurs fourni une liste de 60 personnes qui, comme Mme Liebman, « soutiennent son professionnalisme ». Nous avons communiqué avec 15 d’entre elles. Six personnes ont témoigné en faveur de M. Bolton, mais ont refusé d’être citées, et trois ne nous ont pas rappelées.

« C’est un créateur hallucinant qui m’a toujours épaulée. Je n’ai rien à dire de négatif », dit l’animatrice et ex-danseuse Marina Bastarache. Les danseuses Laura Piccinin et Kiana Smith ont travaillé avec Steve Bolton sur la comédie musicale Footloose. « Une très belle expérience », dit Mme Piccinin. Elles reconnaissent toutes deux que les blessures ont été nombreuses lors des répétitions. Cependant, Mme Smith estime que Steve Bolton s’est montré très compréhensif pour les danseurs blessés. « Il était très raisonnable dans ses demandes, très accommodant », dit-elle.

Derek Rice collabore avec Steve Bolton depuis 20 ans. « C’est un enseignant capable d’extraire le talent de ses danseurs, de les pousser et de les motiver pour les amener au sommet », dit-il. Le danseur compare la méthode d’enseignement de son mentor à celle utilisée par l’armée. « C’est très similaire en termes de discipline. Pour être dans son équipe de prestige, il fallait s’attendre à ça. C’était plus strict que dans la plupart des studios. Si on voulait être dans l’équipe, avoir des contrats, il fallait être des modèles qui respectent les règles. » Et cette méthode a fait ses preuves, dit M. Rice.

« Il est capable d’atteindre des résultats incroyables, et c’est grâce à sa méthode stricte d’enseignement. Travailler avec lui, c’est un choix. »

— Derek Rice, danseur

« J’ai déménagé à Montréal il y a deux ans pour travailler avec Steve. Il est très passionné et il a cette façon d’aider ses élèves à s’améliorer et de faire jaillir la passion qu’il y a en eux. Je n’ai jamais été témoin de colères lors de répétitions en studio », témoigne la danseuse Marie-Josée Corriveau.

Le metteur en scène Christian Viau a également tenu à relater ses multiples expériences professionnelles positives avec M. Bolton. « J’aimais le “smily guy”. Je le connais depuis 15 ans et on a toujours eu du fun avec ses danseurs », dit-il.

Témoignages recueillis

Au cours du week-end, certains des témoins cités de cet article ont communiqué avec nous. « Il intimide des danseurs pour qu’ils disent des choses positives à son sujet. Il donne des noms pour le défendre et les gens concernés se sentent obligés », dit une danseuse, qui ajoute que M. Bolton était en campagne pour « trouver les coupables » qui ont porté plainte contre lui.

Hier matin, l’agent de M. Bolton, Guy Lévesque, nous a fait parvenir les témoignages déjà recueillis de 21 personnes qui appuient Steve Bolton, dont 12 étudiants ou parents d’étudiants de son studio de danse. « Steve est un conseiller hors pair pour moi depuis plusieurs années. Sa contribution à mon égard est incalculable », déclare notamment Marc-Antoine Millette, chorégraphe et danseur. Sabrina Del Luca, qui a étudié et travaillé au studio 8 Count et qui est également une amie, louange M. Bolton. « Il établit clairement les frontières et son éthique est irréprochable. Jamais il n’a traversé la ligne », écrit-elle. « Steve est une inspiration pour tous les danseurs », estime Nathalie Desaulniers, une mère de danseur.

L’avocate de M. Bolton, Sarah Woods, souligne également que son client n’a jamais fait l’objet d’une réprimande auprès de ses employeurs, qu’aucun grief n’a été déposé à son endroit à l’Union des artistes et que plusieurs producteurs lui ont réitéré leur confiance plusieurs années de suite, incluant Attraction, La Meute, 45 degrees, les artistes Marie Mai et Rachid Badouri.

Steve Bolton

« Comme dans une secte »

Au fil des ans, Steve Bolton a entretenu des relations intimes avec nombre de danseuses qui fréquentaient son école et faisaient partie de ses troupes de danse. Il se retrouvait donc à être à la fois l’employeur, l’instructeur et le partenaire sexuel de certaines jeunes femmes.

Il exerçait un contrôle exagéré sur leurs vies, leur défendant de voir certains amis et se prononçant sur le choix de leurs conjoints. Quatre ex-danseuses de l’école 8 Count nous ont parlé d’un « régime de terreur », d’un « climat toxique ». Le père d’une d’entre elles résume la chose ainsi : « C’est comme si ma fille avait été dans une secte. »

« Je pleurais presque tous les jours. C’était une relation toxique », raconte la danseuse Kim Gingras, qui a fait partie de la troupe Blueprint pendant neuf ans.

« Ça m’a pris 10 ans à m’en sortir et il a fallu que je change de pays ! Il avait une main sur ma vie au complet. On était sous son emprise. »

— Kim Gingras

Janick Arseneau, elle, considère avoir été sous la coupe du chorégraphe pendant près de sept ans. Steve Bolton l’a rencontrée à 15 ans au Nouveau-Brunswick et l’a persuadée de s’installer à Montréal trois ans plus tard. Il lui a trouvé un appartement et lui a offert un travail à son studio ainsi qu’une formation.

Un an plus tard, il a entamé une relation intime avec elle. « Il avait le contrôle sur ma vie au complet, relate-t-elle dans la plainte transmise à l’UDA, qui totalise 37 pages. J’étais son punching bag émotionnel. »

Cette relation qu’elle qualifie de « malsaine » a dégénéré au fil des mois. M. Bolton était violent psychologiquement avec elle et, à certaines occasions, a eu des gestes de violence physique. Il l’a poussée, l’a coincée contre un mur à certaines occasions. Une fois, alors qu’elle était en voiture, il l’a dépassée et a freiné devant elle, la forçant à arrêter.

« Il est sorti en hurlant. Steve a ouvert ma porte de voiture et il s’est mis à crier. Il m’ordonnait de lui donner mon téléphone cellulaire. J’ai finalement cédé. »

« Juste avant de partir, il a violemment fermé ma porte. J’ai juste eu le temps d’entrer, mais je n’ai pas été assez vite : elle s’est refermée sur ma main gauche. »

— Janick Arseneau

Un ami proche Mme Arseneau nous a confirmé qu’elle lui avait relaté cet épisode à l’époque des faits et a vu sa blessure à la main.

« Je ne souhaite à personne de vivre l’enfer que j’ai vécu », dit une autre ex-enseignante de l’école 8 Count, qui, elle, a complètement quitté le milieu de la danse. « Pour les jeunes danseurs que nous étions, ces expériences vécues avec lui ont été traumatiques, raconte-t-elle. Nous étions impressionnables et se le mettre à dos signifiait la fin de notre carrière. »

« Je n’ai jamais voulu de secte »

Confronté à ces témoignages, Steve Bolton a reconnu que le fait d’avoir entretenu des relations intimes avec les danseuses l’avait placé dans une situation délicate. « Absolument », dit-il. Dans certaines situations, le groupe a été secoué par la bisbille à cause d’une situation qui s’apparentait à un « club des ex-blondes ».

Cependant, dit-il, « le mot secte me dérange profondément. Je n’ai jamais voulu de secte. J’ai donné tout mon temps à ces gens-là, ils étaient ma priorité. Ces gens-là s’entraînaient, ils étaient d’accord, ils aimaient cela. Et maintenant, après des années, ils disent non, je n’étais pas heureux. »

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