Jean-François Lisée, nouveau chef du PQ

« C'est la défaite du discours d’ouverture », dit Couillard

REYKJAVIK, Islande — Avec Jean-François Lisée à sa tête, le Parti québécois a « une parenté familière » avec les « partis populistes d’Europe », tonne le premier ministre Philippe Couillard. Le nouveau chef péquiste préconise selon lui un « nationalisme de peureux, de fermeture et d’exclusion ».

Le « choix » de Jean-François Lisée et des membres du PQ, « c’est de ramener cette formation politique vers la voie des partis populistes d’Europe, vers la voie de l’exclusion, le discours qui va être très fermé par rapport à l’immigration. C’est clairement ce qui est en train d’arriver », a soutenu M. Couillard lors d’une mêlée de presse en marge de sa mission en Islande.

Philippe Couillard a sorti l’artillerie lourde pour réagir à l’élection de Jean-François Lisée : après de brèves félicitations envers le candidat élu, il a multiplié les épithètes lapidaires pour décrire la vision de M. Lisée.

« Plutôt que la victoire de Jean-François Lisée, c’est la défaite malheureuse d’Alexandre Cloutier. »

— Le premier ministre Philippe Couillard

« C'est la défaite du discours d’ouverture, la défaite du rapprochement avec la jeunesse, la défaite d’une approche plus positive du nationalisme. Clairement, ce n’est pas la voie que le Parti québécois a choisie », a plaidé M. Couillard.

L’approche de M. Lisée « amène le Parti québécois encore plus près de son échec historique », selon lui.

Jointe par La Presse, l’attachée de presse de Jean-François Lisée a déclaré que le nouveau chef ne réagirait pas aux propos de M. Couillard.

« NATIONALISME DE PEUREUX »

Durant la course à la direction, le nouveau chef péquiste a promis de réduire le nombre d’immigrants s’il est porté au pouvoir. Le Québec en accueille 50 000 par année. Il mandaterait le Vérificateur général pour recommander un seuil d’immigration adéquat au regard de la capacité d’accueil du Québec.

Pour Philippe Couillard, le discours que tient Jean-François Lisée est celui « d’une sorte de nationalisme d’assiégés, de nationalisme de peureux essentiellement, des gens qui ne veulent pas faire face à la diversité, qui préfèrent que le Québec reste replié sur lui-même ».

« C’est ce qu’on voit ailleurs dans le monde. On le voit aux États-Unis, on le voit en Europe. C’est un mouvement foncièrement négatif pour l’humanité, auquel on va s’opposer très fortement. »

— Le premier ministre Philippe Couillard

Il a suggéré la question de l’urne pour les élections générales de l’automne 2018, la fameuse « ballot question » comme on le dit en anglais. « Les gens auront le choix : est-ce qu’on continue à avoir un gouvernement qui gère bien les finances publiques, qui développe la santé, l’éducation, l’économie, qui développe un discours d’ouverture avec le monde et le reste du pays, ou on retourne à la vieille histoire de l’humiliation et de l’assiégé ? », a-t-il lancé.

Selon lui, Jean-François Lisée veut raviver le débat provoqué par le projet de charte des valeurs du gouvernement Marois « dont il a essayé maladroitement de se dissocier ».

Durant la campagne à la direction, le nouveau chef péquiste a promis d’adopter les recommandations de la commission Bouchard-Taylor sur l’interdiction du port de signes religieux chez les agents de l’État en position d’autorité (juges, procureurs de la Couronne, policiers et gardiens de prison). Il est prêt à débattre de la possibilité d’ajouter les enseignants à cette liste. Il s’est montré ouvert à bannir le voile intégral de l’espace public.

Le projet de charte visait à interdire les signes religieux au travail pour l’ensemble des employés de l’État. M. Lisée propose plutôt une campagne de promotion contre le port de signes religieux dans l’administration publique.

Réactions du mouvement souverainiste

Une « bonne nouvelle », estime Landry

L’ancien premier ministre du Québec Bernard Landry se réjouit de l’élection de Jean-François Lisée à la tête du Parti québécois et, surtout, du ralliement immédiat des militants du parti « sans querelles et dysfonctions ». Même s’il appuyait Alexandre Cloutier, Bernard Landry décrit comme une « bonne nouvelle » la victoire de Jean-François Lisée. « La campagne est positive pour le PQ. Le résultat est positif aussi, d’abord à cause de l’élection de Jean-François qui est un homme remarquable », a-t-il affirmé, en entrevue avec La Presse. L’ex-chef péquiste a vivement dénoncé les « propos méprisants » tenus par Philippe Couillard à l’égard du nouveau chef souverainiste. « Il s’est déshonoré encore une fois. C’est parfaitement ridicule ! », lance Bernard Landry. « Pourquoi notre premier ministre est-il aussi méprisant vis-à-vis d’un idéal tout à fait respectable et respecté dans le monde entier ? C’est vraiment incroyable ! »

— Louis-Samuel Perron, La Presse

Réactions du mouvement souverainiste

Lisée a « joué avec le feu »

La députée de QS Françoise David estime que Jean-François Lisée a « joué dangereusement avec le feu » pendant la campagne en mettant en avant les thèmes identitaires et souhaite qu’il fasse maintenant preuve « de retenue et de sensibilité ». « Il faut faire attention. Il ne faut pas souffler sur les braises. Oui, il faut débattre de laïcité. Est-ce qu’on peut débattre de comment on intègre les immigrants ? Bien sûr que oui. Mais attention aux amalgames, attention [au danger] de parler, en deux mois, de fêtes religieuses, de burkini, de burqa, et finalement d’immigration. Dans la tête de plein de gens, ça finit par être la même question. […] Ça crée des insécurités », déplore-t-elle.

— Louis-Samuel Perron, La Presse

Réactions du mouvement souverainiste

Lisée devra être rassembleur, croit Duceppe

L’ancien chef du Bloc québécois Gilles Duceppe, qui avait émis certaines réserves sur Jean-François Lisée, a indiqué à La Presse canadienne que le nouveau chef avait fait un « excellent discours » rassembleur. « Il faudra que ce soit dans cette veine-là, que ça se poursuive », a-t-il dit, ajoutant qu’il « maintenait » sa critique de M. Lisée, qui avait établi un lien entre son rival, Alexandre Cloutier, et le prédicateur controversé Adil Charkaoui. « C’est irresponsable sur cette question-là. Je n’ai pas dit que l’ensemble de ses années en politique était marqué par l’irresponsabilité », a-t-il expliqué. M. Duceppe ne s’est pas inquiété des conséquences de la course sur l’unité du parti.

— La Presse canadienne

Réactions du mouvement souverainiste

Une alliance avec Québec solidaire ?

Le nouveau chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a tendu la main aux autres partis souverainistes vendredi dans son discours de victoire. Or, les positions du PQ et de Québec solidaire sur la démarche référendaire sont maintenant « aux antipodes », soutient la députée solidaire Françoise David, puisque Jean-François Lisée promet de repousser la tenue d’un référendum à un second mandat, après les élections de 2022. « Comment voulez-vous amener des partis politiques à débattre ensemble d’accession à la souveraineté quand vous avez un des deux partis qui ne veut surtout pas en discuter pendant deux ans, et on verra plus tard ? Nous, on dit qu’il faut dès maintenant, avec la population, construire un projet souverainiste, intéressant et viable », affirme Françoise David. La porte-parole de QS maintient que ce sont les membres du parti qui devront se prononcer sur une éventuelle alliance électorale avec le PQ.

— Louis-Samuel Perron, La Presse

Réactions du mouvement souverainiste

Quel avenir pour la convergence ?

Le chef d’Option nationale, Sol Zanetti, soutient que la position de Jean-François Lisée sur la souveraineté est « dangereuse pour le Parti québécois » et va « retarder la renaissance du mouvement indépendantiste, et sa convergence aussi ». Il remet également en question l’avenir de la convergence des forces souverainistes en raison de l’élection de M. Lisée. « Si on se réunit, c’est pour faire l’indépendance, pas pour gouverner une province. […] Évidemment que [M. Lisée] va dire qu’il veut la convergence, mais dans les faits, ce qu’il propose, c’est d’en sortir. Alors nous, on est très ouverts à la convergence, mais c’est M. Lisée qui ne l’est plus, qui ne l’est pas, s’il l’a déjà été, sauf en paroles. Il a clairement un double discours », soutient-il.

— Louis-Samuel Perron, La Presse

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