ÊTRE ET NE PLUS ÊTRE AUTISTE

Un livre sur l’autisme sème la controverse

Paru l’automne dernier aux éditions Fides, le livre Être et ne plus être autiste refait surface dans l’actualité après le passage de son auteure à l’émission Salut bonjour ! la semaine dernière. Des parents d’enfants autistes s’indignent des propos de Nathalie Champoux, qui affirme avoir vaincu l’autisme de ses deux petits garçons « naturellement ». Quelle est la responsabilité de l’éditeur dans tout ça ? Nous avons posé la question.

Mardi dernier, à l’émission Salut bonjour !, Nathalie Champoux est l’invitée de Gino Chouinard. Elle vient parler de son livre Être et ne plus être autiste, dans lequel elle raconte avoir renversé le diagnostic d’autisme de ses deux petits garçons en modifiant leur alimentation. En gros, elle a coupé les produits laitiers et le gluten. Résultat : quelques jours plus tard, elle observe déjà une différence dans le comportement de ses enfants, comportement qui s’améliore de jour en jour jusqu’à ce que des spécialistes constatent que le diagnostic du départ ne tient plus la route. Les deux enfants ne sont plus autistes.

La réaction d’autres parents d’enfants autistes à ces propos ne se fait pas attendre. L’émission matinale de TVA reçoit de nombreux messages et les parents s’expriment aussi dans les réseaux sociaux. Ils sont outrés par les affirmations de Mme Champoux. Jeudi dernier, la Fédération québécoise de l’autisme publie un communiqué. Intitulé « Guérir l’autisme », il rappelle que l’autisme n’est pas une maladie et donc qu’on ne peut pas en « guérir » (à noter que l’auteure ne dit pas « guérir », mais plutôt « vaincre » l’autisme).

Quelle est la responsabilité d’un éditeur lorsque des informations scientifiques ou médicales sont en jeu dans un livre ? Doit-il faire valider les informations contenues dans un ouvrage avant sa publication ? Peut-on affirmer que l’autisme est réversible ?

« L’autisme ne se guérit pas “naturellement” », affirme le Dr Jean-François Chicoine, qui voit des enfants autistes en consultation à l’hôpital Sainte-Justine et qui dit annuler très souvent des diagnostics. 

« La responsabilité de l’éditeur dans ce cas-ci est éthique. C’est de l’immoralité douce. »

— Le Dr Jean-François Chicoine

« Nous avons fait le choix de publier ce livre parce que c’est un témoignage pertinent », soutient pour sa part Guylaine Girard, directrice éditoriale chez Fides, maison d’édition qui publie aussi les livres de Jacqueline Lagacé sur les régimes hypotoxiques pour vaincre les maladies inflammatoires.

« Madame Champoux n’est pas une spécialiste, poursuit Guylaine Girard. Elle a voulu partager ce qu’elle a vécu. C’est un témoignage. En Europe, on trouve de plus en plus d’études et d’écrits sur les liens entre l’intestin et la maladie mentale. La maison d’édition Thierry Souccar va d’ailleurs publier le livre en Europe. »

Selon Mme Girard, la réaction de certains parents s’explique du fait que nous serions moins avancés au Québec qu’en Europe sur certaines questions scientifiques. « Je peux comprendre que des gens soient heurtés, dit-elle, car ces propos vont à l’encontre de nos certitudes. Mais Mme Chapoux a vu trois ou quatre spécialistes qui étaient abasourdis par les résultats. Je crois que c’est un témoignage honnête, qui valait la peine d’être publié. »

« Je crois qu’il y a de l’éducation à faire et que certains lobbys, comme celui du blé et du lait, sont très forts. » 

— Guylaine Girard, directrice éditoriale chez Fides

Au lendemain de l’entrevue de Mme Champoux, l’équipe de Salut bonjour ! a invité le Dr Laurent Mottron, psychiatre spécialiste de l’autisme, pour apporter un contrepoids aux propos de l’auteure. « On ne peut pas empêcher les gens de croire à ce qu’ils veulent croire, souligne l’expert joint au téléphone par La Presse quelques heures après sa participation à l’émission. La liberté de penser existe, et tout ce qu’on peut faire, c’est expliquer que ce n’est pas vrai. Peut-être que le diagnostic de ces enfants a été fait trop tôt, peut-être qu’ils avaient quelque chose d’autre. Sans compter que les vrais autistes qui ne sont pas atteints d’une déficience intellectuelle se développent et évoluent spontanément. Bref, on ne peut pas émettre des propositions sur les autistes “en général”, car tous les cas sont trop différents. »

À propos de la responsabilité de l’éditeur, le Dr Mottron est moins sévère. « Des bêtises, il s’en imprime beaucoup. On publie bien des témoignages de gens qui ont été kidnappés par les extraterrestres, alors… Ce qui me fâche le plus, c’est que l’organisme Autisme Québec reprenne à son compte de tels propos. Voilà un organisme qui est financé en partie par l’argent public. Je trouve cela scandaleux qu’on fasse écho aux propos de ce livre. Cet organisme est censé aider les parents. »

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