Shanghai, — Chine — Il y a 27 ans, Peter Guo-hua Fu a reçu un coup de main de l’Université McGill lorsqu’il était un étudiant en architecture sans le sou à Shanghai, en Chine. M. Fu, 55 ans, vient de rendre la pareille avec un cadeau de 12 millions de dollars à l’École d’architecture de McGill.
En contrepartie, l’école portera pour toujours son nom : Peter Guo-hua Fu School of Architecture.
Le don, versé sur six ans, permettra d’attirer les meilleurs étudiants et de faire rayonner l’école. Une partie ira à la création de bourses de recherche qui seront remises aux étudiants diplômés, en fonction du mérite universitaire, avec une préférence pour les Chinois.
Qui est Peter Fu ?
Il est chinois, mais il est aussi citoyen canadien. Diplômé en architecture de l’Université de Tongji de Shanghai et de l’Université McGill de Montréal, il habite et travaille au centre-ville de Shanghai, sa ville natale, où il est retourné vivre, muni d’un visa, après avoir passé un an à Montréal et neuf ans à Toronto. C’est aussi un passionné de comédies musicales, marié et père de deux enfants, un garçon de 25 ans, qui travaille dans la Silicon Valley, et une fille de 20 ans, qui prend une pause d’un an avant d’entreprendre des études en cinéma.
Nous l’avons rencontré à Shanghai, la ville la plus peuplée de Chine (24 millions d’habitants). Il est venu nous cueillir à l’hôtel avec son chauffeur. Voix douce, large sourire, petites lunettes rondes, pantalon de toile, chemise blanche et veste noire zippée, M. Fu n’a rien de l’homme d’affaires sérieux.
Nous avons pris place sur la banquette arrière de sa BMW. « J’ai vraiment apprécié McGill, qui m’a donné la chance de changer ma vie », nous a-t-il dit d’emblée.
Après avoir fait ses études en architecture à Shanghai, sa maîtrise à Shenzhen, et entrepris des études de doctorat, Peter Fu a obtenu une bourse de recherche Clifford C. F. Wong de l’Université McGill de 20 000 $, financée par des donateurs et décernée à des étudiants diplômés exceptionnels de Chine.
C’était en 1990. Il avait 27 ans et n’avait encore jamais quitté son pays.
« La Chine était pauvre à cette époque-là. Personne ne pouvait se payer des études à l’étranger. Seuls les étudiants qui obtenaient des bourses avaient la chance de sortir du pays. Moi, je voulais voir ce qui se passait dans le monde. »
— Peter Fu
Un an plus tard, après avoir découvert Montréal et l’art de concevoir des bâtiments de ce côté-ci de la planète, il déménage à Toronto, son diplôme en poche. Sa femme, aussi architecte, vient le rejoindre.
« Pourquoi Toronto et pas Montréal ?
— J’ai essayé de travailler à Montréal, dit-il. Mais je ne parlais pas français. C’était un trop gros obstacle. »
Après deux ans passés dans deux firmes d’architectes torontoises, il est embauché par Zeidler Partnership Architects, puis par B + H Architects, deux gros bureaux internationaux dont le siège est à Toronto. Il obtient, entre-temps, sa citoyenneté canadienne, fait deux enfants et renonce à sa citoyenneté chinoise. La Chine ne permet pas la double citoyenneté.
B + H Architects a envoyé M. Fu à Shanghai pour travailler sur les projets chinois et asiatiques du bureau.
« C’est ma ville, Shanghai. Je connais les gens. »
En 2000, M. Fu quitte B + H Architects pour fonder son propre bureau, K.F. Stone Design International Inc. Canada, que nous avons visité. Un immeuble en brique rouge de deux étages, entouré de jardins de bambous, au milieu de buildings, qu’il a fait construire dans le centre de Shanghai et où travaille une quarantaine de personnes dans le silence.
« Tout le monde connaissait l’architecte Peter Fu, précise-t-il en parlant de lui-même. Quand j’ai créé mon bureau, en l’an 2000, on n’avait pas de compétition. Les gens cognaient à notre porte et voulaient travailler avec nous. »
« Combien d’immeubles avez-vous construits au cours des 17 dernières années ?
— Plusieurs immeubles, répond-il. Si vous roulez dans le centre-ville de Shanghai, vous allez voir de mes immeubles toutes les 5, 10 minutes. Mais depuis trois ans, nos activités ont ralenti à Shanghai parce qu’il n’y a plus de terrain où construire. »
Sa société a conçu des gratte-ciels, des projets résidentiels, commerciaux et innovants, comme un théâtre en plein air de plusieurs étages, construit avec de vieux conteneurs d’expédition.
« Auriez-vous donné 12 millions si on ne vous avait pas proposé de donner votre nom à l’École d’architecture ?
— Non », avoue-t-il.
« Comme tous les cadeaux que nous recevons, le don de M. Fu était assujetti à notre politique d’acceptation des dons, qui garantit qu’ils sont conformes à la mission et aux priorités de McGill, explique Marc Weinstein, vice-principal de l’avancement universitaire de McGill. Nous nous sommes sentis très chanceux de recevoir une contribution aussi généreuse d’un de nos diplômés, et d’inspirer de futurs philanthropes en nommant l’École en son honneur. »
« Sa générosité va nous aider à attirer les meilleurs étudiants de partout dans le monde », ajoute Martin Bressani, directeur de l’École d’architecture.