« La tâche qui nous attend est immense »
PARIS — Son mouvement s’appelle En Marche ! et c’est exactement ce qu’il a fait hier en arrivant sur l’esplanade du Louvre, aux alentours de 22 h 30.
Pendant de très longues minutes, Emmanuel Macron a marché en solitaire vers l’estrade qu’on avait érigée au pied de la pyramide de verre, sur l’air de l’Ode à la joie de Beethoven, hymne officiel de l’Union européenne.
Les bras raides, l’air grave, presque figé, le nouveau président de la République n’avait rien du jeune candidat qui célébrait il y a deux semaines sa qualification au second tour. Élu avec 66,06 % des voix, battant ainsi largement Marine Le Pen (33,94 %), il a livré un discours de victoire sobre et solennel en insistant sur le besoin d’« audace » dans une France fragmentée et désabusée.
« La tâche qui nous attend, mes chers concitoyens, est immense et elle commencera dès demain. […] »
« Vous avez choisi l’audace et cette audace nous la poursuivrons […] parce que c’est ce que l’Europe et le monde attendent de nous. »
— Emmanuel Macron
« Ils attendent qu’à nouveau la France étonne […] et c’est cela que nous ferons », a-t-il notamment déclaré, promettant de « tout faire » pour que les Français « n’aient plus aucune raison de vouloir voter pour les extrêmes », a ajouté le président désigné.
L’avenir dira ce qu’il adviendra de ce quinquennat. Le fort taux d’abstention et de votes blancs enregistré hier confirme que Macron est encore loin de faire l’unanimité. Et que la lutte s’annonce ardue pour les élections législatives du mois de juin.
Mais hier sur l’esplanade du Louvre, où 10 000 personnes étaient venues entendre le nouveau locataire de l’Élysée, l’heure était d’abord au soulagement et à l’optimisme.
« J’ai les jambes qui tremblent, nous a confié Léa Dauhard, 25 ans, quelques secondes après l’annonce officielle du résultat. Même si les sondages étaient en sa faveur, j’avais encore un petit doute. J’avais surtout peur que l’écart soit moins grand. »
Un peu plus loin, Laurent Segnis, 35 ans, partageait le même « ouf ».
Pour ce macroniste de la première heure, cette victoire n’était pas seulement celle d’un jeune homme sorti de nulle part, mais aussi celle de la France et des Français dans un monde en constante mutation.
« Nous avons envoyé un signal fort à l’Europe et à l’international en jugulant la montée de l’extrême droite. Nous sommes prêts pour un nouveau logiciel. Pour une refondation de l’Europe. On parle souvent du rêve américain. Mais ce soir, c’est le début du rêve français ! Les prochaines années seront axées sur la jeunesse ! »
Beaucoup de jeunes, en effet, dans cette foule bigarrée, où Blacks, Blancs et Beurs se côtoyaient dans une atmosphère bon enfant en agitant des drapeaux de la France et de l’Europe.
Beaucoup de jeunes qui avaient l’impression de vivre un moment historique, en compagnie de « leur » président, lequel – faut-il le rappeler ? – n’a pas encore 40 ans.
Beaucoup de jeunes, oui, mais pas seulement : un peu en retrait, Pierre et Danielle Illouz, 65 ans, semblaient se délecter de cette soirée festive, observant le tout d’un œil bienveillant.
Pour ces anciens électeurs socialistes, adhérents du mouvement En Marche ! depuis les tout débuts, Macron est l’incarnation même du renouveau, celui par qui la France pourra enfin sortir de son immobilisme.
« Les vieux partis étaient un peu rances. Avec lui, on est dans la modernité. Sa politique n’est pas radicale. C’est une thérapie douce. »
— Pierre Illouz
« On pourrait être ses parents, c’est vrai. Mais ça n’a pas d’importance, ajoute Danielle. D’ailleurs, sa femme a notre âge ! »
On a quitté les lieux au moment où Macron terminait son discours. Dans la rue, en plein centre de Paris, ni liesse ni klaxons. Comme si, dans la vraie vie, l’élection d’Emmanuel Macron laissait la France indifférente.
Dans le quartier des Halles, les terrasses étaient pleines, malgré le froid et l’humidité. Six jeunes dans la vingtaine fumaient des clopes installés sur des mobylettes, loin de se sentir concernés par cette élection.
Notre nouveau président ? Bof. « On a vu passer le cortège avec les motos, c’était bien. Mais sinon on s’en fout un peu », a lancé Yanis Ravillon.
« Ce qui m’énerve, moi, c’est qu’on vote pour lui parce qu’il est jeune. On vote pour l’apparence, pas pour son programme. Et puis, franchement, il n’est pas si jeune… »