environnement

Des dizaines de milliers de personnes, dont des élus de la CAQ, ont marché pour l'environnement hier à Montréal. À Québec, des manifestants ont accusé le parti de François Legault de tenir un « double discours » avec son projet de troisième lien.

Montréal

Par milliers pour la planète

Les citoyens ne s’étaient pas réunis en aussi grand nombre pour la défense de l’environnement depuis de nombreuses années : ils étaient environ 50 000, selon les organisateurs, dans les rues de Montréal hier à s’être mobilisés pour exiger du gouvernement qu’il prenne les mesures nécessaires pour répondre à l’urgence climatique.

Le Pacte pour la transition, appelant les citoyens à s’engager à tenter de réduire leur empreinte écologique, dépassait le cap des 150 000 signatures hier, au moment où des dizaines de milliers de personnes manifestaient à Montréal, exprimant leur souhait de sauver la planète de la menace climatique.

La population était conviée à se rassembler dès 14 h sur la place des Festivals. L’heure sonnée, l’esplanade de la rue Sainte-Catherine s’est rapidement noircie de monde, en réponse à l’appel du collectif La planète s’invite au Parlement. Des familles, des citoyens de tous âges, des personnalités publiques, des membres des nations autochtones et des politiciens peuplaient la foule.

« On voit que les gens au Québec sont là pour l’environnement. Ça donne espoir de voir qu’il y avait tant de monde, ça montre que le mouvement a sa raison d’être et ça donne une certaine fierté d’en faire partie. »

— Julien Langlais, membre du collectif

La marche était une initiative de ce groupe citoyen qui a inauguré une série de manifestations durant la dernière campagne électorale, dont la première s’était tenue le 15 septembre.

Hier, la mobilisation a repris de plus belle à l’occasion de cette manifestation, un peu plus d’un mois après l’accession au pouvoir du gouvernement caquiste. C’est à ce nouveau gouvernement qu’étaient principalement adressées les revendications des militants, qui souhaitent que le premier ministre François Legault place le climat au cœur de ses priorités.

« Les Québécois ont tendance à être cyniques par rapport aux politiciens, a soulevé François Geoffroy, autre membre du collectif La planète s’invite au Parlement. On est tannés d’avoir des élus qui se drapent de vert devant les caméras pour aller coucher avec des pétrolières l’instant d’après. […] Les citoyens ont besoin d’engagements forts, clairs et de gestes maintenant, parce que plus tard, il sera trop tard. »

La CAQ représentée

De nombreux membres de la caste politique ont d’ailleurs fait acte de présence lors de ce rassemblement monstre. La ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques MarieChantal Chassé s’est mêlée à la foule en compagnie de deux collègues ministres de la Coalition avenir Québec (CAQ), Chantal Rouleau et Christian Dubé.

« Nous sommes ici pour prendre soin de l’environnement avec les citoyens », a déclaré MarieChantal Chassé à La Presse. Questionnée sur l’absence de François Legault au sommet sur les changements climatiques (COP24) qui aura lieu du 3 au 14 décembre en Pologne, la ministre a assuré qu’elle y serait au nom de son gouvernement et que sa présence représentait « un engagement fort ».

Le premier ministre n’a pas encore officiellement énoncé ses engagements en matière d’environnement, alors que sa campagne avait été fustigée par des critiques déplorant que la lutte contre les changements climatiques n’était pas au programme de la CAQ. Moins de trois semaines avant la rentrée parlementaire du 27 novembre, Mme Chassé a affirmé que le ministère de l’Environnement en était « à analyser » le plan d’action contre les changements climatiques et à « s’assurer de son efficacité ».

« Nous en sommes aussi à regarder pour le Fonds vert, pour nous assurer que les sommes allouées permettront de réduire les gaz à effet de serre. »

— La ministre MarieChantal Chassé

De nombreuses autres personnalités publiques ont aussi participé à la marche de Montréal. Chez les politiciens, la mairesse de la métropole Valérie Plante, le député de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois, les élus libéraux Dominique Anglade et Pierre Arcand, ainsi que Catherine Fournier, députée du Parti québécois, étaient du nombre.

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations, Ghislain Picard, a mentionné à la suite de la marche l’importance d’inclure dans la lutte les peuples autochtones, qui figurent parmi les plus touchés par les conséquences du réchauffement climatique. « Il faut permettre aux sages des différentes nations de partager leurs savoirs et d’accompagner la science pour faire en sorte de renverser la vapeur », a-t-il exprimé.

Un contingent d’artistes s’est également joint à la manifestation derrière leur bannière, parmi lesquels Mélanie Maynard, Christian Bégin, Christine Beaulieu, Emmanuel Bilodeau, Richard Séguin, Evelyne Brochu et Miro Belzil.

La marche s’est mise en branle aux alentours de 14 h 30. Empruntant d’abord la rue Sainte-Catherine, les manifestants ont marché jusqu’à la rue Mansfield, puis se sont engagés dans la rue Sherbrooke. Au même moment, des rassemblements similaires se sont déployés dans d’autres villes de la province, notamment à Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières.

Dans la rue Sainte-Catherine, une demi-heure environ après avoir quitté le lieu de rassemblement, une partie des manifestants s’est couchée sur la chaussée pendant quelques minutes, simulant la mort, afin de marquer la mobilisation d’une image forte.

Vers 16 h 30, le cortège, qui s’étendait sur au moins un kilomètre, a terminé sa marche au pied du mont Royal. 

Mobilisation sans précédent

En plein cœur de la campagne provinciale, en septembre, ils avaient d’abord été 1500 dans les rues de Montréal à réclamer lors d’une première marche que la lutte contre les changements climatiques soit placée au centre des promesses électorales des différents partis.

Deux mois plus tard, c’est 30 fois plus de personnes qui ont bravé le féroce vent de novembre pour marcher au nom de la conviction que l’environnement doit être un enjeu central dans la gouvernance des trois ordres de gouvernement.

« Quand je nous regarde, j’ose croire que le cynisme et le défaitisme sont derrière nous et que, tous ensemble, unis, nous trouverons la force de vaincre dans cette lutte qui est ultime », a déclaré le metteur en scène et acteur Sébastien Dodge, en amont de la marche.

« Le gouvernement se doit d’agir, il n’aura pas le choix, a soutenu Julien Langlais, du collectif organisateur. Quand on voit un gros mouvement de ce genre, dans une société qui se dit démocratique, le gouvernement doit suivre le mouvement citoyen. »

Un nouveau rassemblement est prévu le 27 novembre, jour de rentrée parlementaire à Québec, pour accueillir les députés de l’Assemblée nationale avec un rappel que l’environnement doit être priorisé au Salon bleu. Le 8 décembre, durant la COP24, une marche comme celle d’hier doit de nouveau avoir lieu à Montréal.

Projet de troisième lien

À Québec, la CAQ accusée d’incohérence

QUÉBEC — La participation de trois élus de la Coalition avenir Québec (CAQ) à une marche pour l’environnement hier à Montréal a eu des échos jusque dans les rues de Québec, où une autre manifestation avait lieu, contre le projet de troisième lien.

Le nouveau gouvernement a été accusé d’incohérence, se disant sensible à la question des changements climatiques, d’une part, tout en préparant la construction d’une nouvelle autoroute entre Québec et Lévis, d’autre part.

La ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, MarieChantal Chassé, la ministre déléguée aux Transports, Chantal Rouleau, et le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, avaient annoncé leur intention de participer à la marche du collectif La planète s’invite au Parlement hier à Montréal.

« Je ne comprends pas le manque de cohérence du gouvernement », a lancé au micro, devant près d’un millier de manifestants réunis à Québec, le directeur de l’organisme Accès transports viables, Étienne Grandmont.

« Mme Chassé, Mme Rouleau et M. Dubé marchent en ce moment à Montréal pour montrer leur appui à la cause environnementale et à la lutte contre les changements climatiques. Il y a comme un paradoxe ici. Pendant ce temps-là, à Québec, on nous propose une nouvelle autoroute qui passerait sous le fleuve Saint-Laurent. »

— Étienne Grandmont

Le nouveau député de Québec solidaire Sol Zanetti a aussi relevé ce qu’il considère comme « un double discours, un paradoxe ».

« On ne peut pas se dire sensible aux changements climatiques – et sur ça, par ailleurs, je les crois – et en même temps dire : on va mettre de 4 à 10 milliards dans un projet de lien routier entre Québec et Lévis », a expliqué à La Presse le député de Jean-Lesage.

« Ça ne se peut pas. C’est aller à l’encontre de ce qu’il faut faire pour lutter contre les changements climatiques », a-t-il renchéri.

Des jeunes inquiets

La manifestation d’hier à Québec contre le troisième lien a été organisée par de jeunes militants, issus de la Coalition régionale des associations étudiantes de la Capitale-Nationale (CRACN). Les manifestants se sont dits inquiets de l’impact d’un troisième lien sur la congestion et l’étalement urbain.

« Les décisions qui sont prises en ce moment par le gouvernement vont suivre les jeunes pendant longtemps », s’inquiète l’une des organisatrices de la marche, Noémie Veilleux, 19 ans.

De son côté, Jérémie Fuller, 26 ans, tenait une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « On a mis la science au monde, on devrait peut-être l’écouter », paraphrasant une chanson du groupe Harmonium.

« Toutes les études montrent que plus on va élargir les autoroutes, plus ça va encourager les gens à prendre la voiture solo, avance M. Fuller. Ça va contribuer encore plus au trafic. Tous les experts s’entendent pour le dire, est-ce qu’on pourrait les écouter  ? »

Le gouvernement de la CAQ a fait de la construction d’un troisième lien une promesse électorale. Dans la région de Québec, le parti de François Legault a raflé à peu près toutes les circonscriptions aux élections d’octobre dernier. Les libéraux ont conservé un siège. Québec solidaire a quant à elle fait élire deux députés, dans les quartiers centraux de la ville, en promettant de s’opposer à la construction de cette nouvelle autoroute.

En juin dernier, une soixantaine de personnes avaient marché pour appuyer le projet de troisième lien dans les rues de Québec.

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