L’exception québécoise
Un vent singulier balaie l’Occident. Il a porté Donald Trump l’Américain, Sebastian Kurz l’Autrichien ou Luigi Di Maio l’Italien au pouvoir, puis vient de se montrer favorable à Doug Ford, en Ontario.
Comment le caractériser ? S’agit-il d’un vent de droite comme il s’en lève souvent ? D’un vent populiste qui témoigne d’une rupture de plus en plus marquée entre le peuple et les élites ? Ou d’une simple décomposition de la vie politique qui transforme les repères habituels de la démocratie et favorise ceux qui savent jouer à leur avantage d’une rhétorique insurrectionnelle ?
On répondra prudemment : un peu tout cela, en privilégiant peut-être la piste populiste.
Manifestement, une grande colère hante la démocratie occidentale. Elle favorise ceux qui prennent une posture antisystème et prétendent comprendre le ressentiment de plusieurs contre le monde tel qu’il ne va pas.
Et ce sont des personnalités ou des forces marquées à droite qui parviennent pour l’instant à canaliser cette colère.
Une question se pose : est-ce que le Québec sera lui aussi touché par ce mouvement ? Les prochaines élections, on le sait, risquent d’être turbulentes. Le besoin de « changement », ou plutôt de nouveauté, que plusieurs ressentent en ce moment pourrait non seulement balayer le gouvernement libéral, en place depuis 15 ans, mais aussi le grand débat autour de la question nationale, qui structure notre vie politique depuis près d’un demi-siècle.
En d’autres mots, les Québécois semblent ne plus vouloir que la conversation publique porte d’abord sur les vertus comparées du fédéralisme et de l’indépendance. Constater cela, pour un souverainiste, ne revient pas à renoncer à ses propres convictions, mais à comprendre dans quel environnement politique il devra en faire la promotion. Nous entrons dans une nouvelle époque de la politique québécoise et les indépendantistes devront y recomposer la question nationale.
Ce désir de renverser la table, toutefois, n’est pas une simple reproduction québécoise de ce qui s’est passé ailleurs en Occident.
Quoi qu’on pense de François Legault, qu’on l’apprécie ou qu’on s’en méfie, on ne saurait en faire un clone québécois de Donald Trump et de Doug Ford, même s’il a lui-même eu la tentation d’inscrire ses avancées dans cette mouvance. C’est que la culture québécoise est tout simplement moins réceptive au populisme et aux extrêmes, qu’ils soient de gauche ou de droite.
Par exemple, si les excès du politiquement correct choquent les Québécois comme tout le monde, il n’y a pas ici de réaction massive contre les droits des minorités. Ou encore, si bien des Québécois se désolent de l’inefficacité de certains services publics, ils ne veulent pas les abolir pour autant et se convertir à la seule logique du marché. Ils veulent davantage améliorer la social-démocratie que l’abolir ou la congédier.
Pourquoi cette exception québécoise ? Tout simplement parce que la culture des nations n’est pas interchangeable et qu’elle les pousse à réagir différemment aux mêmes phénomènes.
L’histoire du Québec l’a ainsi amené à faire preuve d’une sensibilité particulière pour tout ce qui relève du collectif.
Comme plusieurs historiens l’ont démontré, la social-démocratie québécoise ne sort pas de nulle part : elle est la traduction moderne d’un vieil éthos de solidarité qui a amené notre société à valoriser la solidarité tout au long de son histoire. Si l’individu a ici ses droits comme partout ailleurs, il sait qu’il ne doit pas les penser contre la collectivité, mais bien avec elle. On pourrait aisément aligner d’autres exemples, mais on en retiendra surtout une leçon : la société québécoise est véritablement une société distincte, et même si elle est traversée par les mêmes courants que plusieurs pays occidentaux, elle y réagit en demeurant fidèle à sa spécificité.
Le MNQ est un mouvement issu de la société civile, indépendant des partis politiques, fédérant des sociétés membres partout au Québec et qui a pour mission de défendre et de promouvoir l’identité québécoise, prioritairement sa langue, son histoire, sa culture et son patrimoine, et de faire du Québec un pays français et démocratique.