ÉDITORIAL RETOUR DES EXPOS

Revenons sur terre

Avouons-le, Denis Coderre joue bien ses cartes pour ramener les Expos au bercail.

Depuis son élection, il travaille avec Stephen Bronfman et un groupe de millionnaires volontaires. Le plan d’affaires est prêt. Le site est choisi. Le train de la Caisse va s’y arrêter. Et on a même ressorti les plans du stade dessiné en 1999* pour les retravailler éventuellement, imaginez !

C’est une évidence, on n’a jamais été aussi près d’un retour des Expos… ce qui ne veut pas dire qu’on est près de les revoir ! La nuance est importante.

C’est vrai que beaucoup de choses militent pour le retour de la balle, et pas seulement l’enthousiasme des amateurs qui se retrouvent chaque printemps au Stade.

Ce serait bon pour Montréal, pour l’ambiance. Ça consoliderait le secteur du bassin Peel, à l’extrémité du boulevard qu’on aménage en lieu et place de l’autoroute Bonaventure.

Ajoutons à ça que le baseball a changé depuis le départ des Expos. Le partage des revenus favoriserait Montréal. Les droits de télévision sont plus importants, même chose pour les revenus des produits dérivés. Et surtout, la valeur des équipes permet d’espérer un retour sur l’argent investi en cas de déménagement.

Mais ne partons pas en peur en croyant qu’il ne manque qu’un appel du commissaire Rob Manfred pour applaudir nos Z’Amours 2.0. Il reste bien des inconnues… et des risques.

Le plus important est l’implication des gouvernements. Il est faux d’écrire que « l’appui de deux des trois paliers de gouvernement est acquis », comme l’a fait La Presse canadienne.

Ottawa a dit non. Clairement. Et rien ne permet de croire que le gouvernement va changer d’idée, surtout après avoir décidé d’éliminer le péage sur Champlain et de financer le train de la Caisse de dépôt.

Quant à Québec, il a dit non, sauf s’il y a des profits à engranger pour l’État. Or quand on sait que l’amphithéâtre de la capitale accuse un déficit de 3,7 millions plutôt que les 600 000 $ promis, on peine à voir quelle prédiction réussira à convaincre les contribuables.

À la limite, si le gouvernement trouve une façon créative de s’impliquer (par les immigrants investisseurs, par exemple), cela pourrait être débattu. Mais un chèque de 200 millions comme en a reçu Régis Labeaume pour un équipement qui avait au moins le mérite d’être multifonctionnel, oubliez ça !

Surtout que l’étude de faisabilité d’Ernst & Young concluait certes qu’il serait mieux que les gouvernements financent l’aventure, mais elle précisait aussi qu’elle pourrait se réaliser sans argent public. Seule chose : le rendement du privé glisserait de 8 % à 3 %…

Le risque doit donc revenir au privé. Car risque il y a.

On ne sait pas combien coûterait une équipe ni un stade. On ne sait à quel point l’intérêt pour le baseball renaîtrait dans un contexte où le soccer attire les jeunes. On ne sait quelle place il reste dans un marché occupé par les Alouettes et l’Impact.

Ce qu’on sait, c’est que le retour des Expos piloté par le privé est souhaitable pour Montréal. Mais attendons un peu avant de sortir nos « mittes » et nos « battes »…

* Les derniers plans réalisés pour un stade de baseball au centre-ville sont ceux de la firme Provencher-Roy datant de 1999. Il s’agissait alors d’un stade de plus de 36 000 places que l’on comptait construire à côté du Centre Bell, dans le quadrilatère formé des rues de la Montagne, Peel, Saint-Jacques et Notre-Dame.

Très beau, le bâtiment de forme ovoïde était muni d’une paroi extérieure en verre. Le concept, applaudi à l’époque, misait sur la légèreté, la transparence et l’ouverture sur l’extérieur. Son plus grand mérite était la proximité des spectateurs avec l’aire de jeu. Le programme du stade prévoyait 36 287 sièges, 66 loges et une section exclusive de 257 sièges.

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