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Pourquoi mon téléphone a-t-il explosé ?

Il y a un mois, Samsung pensait prendre Apple de court et a mis sur le marché le Galaxy Note7, rapidement couronné « meilleur téléphone Android jamais construit ». Après que des dizaines de ces merveilles eurent explosé, parfois dans la poche ou la voiture de leur propriétaire, le géant sud-coréen a dû se résoudre à l’impensable : rappeler ses quelque 2,5 millions de Note7, dont 22 000 au Canada. Que s’est-il passé ? Explications en cinq temps.

LE GRAND RETOUR...

Le 19 août dernier, Samsung met officiellement en vente dans 10 pays un appareil très attendu, la septième mouture de sa série Galaxy Note, au prix costaud de 1049,99 $ au Canada. Le succès est foudroyant, tant sur le plan des ventes que de l’accueil critique. Cette phablette à l’écran incurvé de 5,7 po a tout pour plaire, avec un stockage de base de 64 Go extensible à 320 Go, une fluidité incomparable avec ses 4 Go de mémoire vive et un lecteur oculaire permettant l’identification avec l’iris. Résistante à l’eau, on la dote en outre d’une batterie promettant une autonomie quasi inégalée, rechargeable rapidement sans fil.

… PUIS LE GRAND RAPPEL

Les premiers couacs surviennent cinq jours plus tard, lorsqu’un internaute publie sur Baidu, le principal réseau social chinois, des photos d’un Note7 calciné. Le titre de la publication est moqueur et chauvin : « Coréen ! » Dans la semaine qui suit, on répertorie 35 incidents qui forcent Samsung à interrompre la vente, le 2 septembre, et à annoncer le plus grand rappel de l’histoire pour ce type d’appareils. Les explosions se poursuivent, provoquant notamment des incendies dans une chambre d’hôtel et un Jeep, souvent pendant la charge de l’appareil. 

Partout dans le monde, des lignes aériennes en interdisent l’utilisation en vol. Le 12 septembre, Santé Canada émet à son tour un avertissement concernant les 21 953 N7 vendus au pays, précisant qu’aucune blessure n’a été déplorée. Aux États-Unis, l’organisme chargé de la protection des consommateurs rapporte 92 incidents, dont 26 explosions ayant entraîné des brûlures.

LES EXPLICATIONS

Samsung a expliqué les explosions par le fait qu’une « surchauffe de la batterie se produit quand l’anode et la cathode entrent en contact », essentiellement à cause d’un défaut de fabrication. « Une batterie, ce sont deux électrodes, l’anode et la cathode, avec un électrolyte entre les deux qui les empêche de se toucher, explique Frédéric Nabki, professeur d’ingénierie électrique à l’École de technologie supérieure. Quand on pousse un peu trop la gomme – ce que Samsung a peut-être fait – et qu’on compacte trop la batterie, les électrodes peuvent se toucher. Pensez alors à un élastique tendu très fort : si je le laisse aller de façon incontrôlée, il vous pète dans la face. »

UNE « COURSE AUX ARMEMENTS »

Confrontés à un marché mature qui ralentit, les fabricants de téléphones doivent relever un défi titanesque : concevoir des batteries plus petites, plus puissantes pour des appareils plus énergivores. C’est cette « course aux armements » qui pourrait expliquer ce dérapage de Samsung, avance le professeur Nabki. L’évolution de la capacité des batteries, note-t-il, ne suit pas la courbe des composantes électroniques. « Il y a d’autres matériaux, d’autres pistes, indique M. Nabki.

Apple par exemple a enlevé la prise jack, ce qui aide la batterie puisqu’elle n’a plus à alimenter vos écouteurs. » En attendant la batterie miracle, il croit que les fabricants vont surtout s’affairer à rendre la recharge plus facile, sans fil et plus rapide. Ce que promettait justement le Note7.

LES IMPACTS SUR SAMSUNG

Selon diverses estimations, le rappel de 2,5 millions d’appareils coûtera 1,8 milliard à Samsung, qui offre en retour le « nouveau » N7 à compter du 21 septembre ou un remplacement par un Galaxy S7. Depuis le 19 août, le cours de l’action a chuté de 8 %, faisant fondre la valeur boursière de l’entreprise de 27 milliards. Quant aux effets sur l’image de marque de Samsung, ils sont évidemment dévastateurs, bien que la rapidité de l’entreprise à reconnaître le problème ait été saluée. « Certains pensaient que le Galaxy Note 7 serait le meilleur téléphone intelligent jamais conçu, mais il est possible qu’il reste dans les mémoires comme le pire », estime Lee Seung-woo, analyste à IBK Securities à Séoul cité par l’agence Reuters.

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