Réseau express métropolitain

L’accès au centre-ville bloqué dès 2020

Les usagers des trains de banlieue de Deux-Montagnes et de Mascouche devront prendre leur mal en patience : dès 2020, ils n’auront plus d’accès direct au centre-ville en raison des travaux d’implantation du Réseau électrique métropolitain.

trains de banlieue de deux-montagnes et mascouche

Maux de tête en vue pour les usagers

Les usagers du train de banlieue de Deux-Montagnes n’auront plus d’accès direct au centre-ville de Montréal dès le début de 2020 en raison des travaux d’implantation du futur Réseau express métropolitain (REM) de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Selon les informations obtenues par La Presse, le tunnel sous le mont Royal, qui relie le nord de la métropole à la Gare centrale, sera fermé à la circulation des trains de banlieue à partir du début de 2020 jusqu’à la fin de 2021. Le train de banlieue de Mascouche sera lui aussi directement affecté par les travaux d’implantation du REM.

Les scénarios à l’étude prévoient ainsi que les usagers de la ligne de Deux-Montagnes seront forcés de descendre du train à la station Du Ruisseau, située sur le boulevard Henri-Bourassa, dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Une navette par autobus sera mise à leur disposition pour les transporter jusqu’à la station Sauvé sur la ligne orange du métro, située à cinq kilomètres de la gare Du Ruisseau.

Ce scénario pourrait avoir une incidence directe sur le temps de déplacement des quelque 7500 usagers de l’heure de pointe du matin du train de banlieue de Deux-Montagnes, puisque la station choisie pour leur rabattement est située sur le tronçon le plus saturé de la ligne orange du métro.

Quant aux usagers du train de banlieue de Mascouche, qui n’auront plus de service vers le centre-ville, leur station terminale deviendra la gare Ahuntsic.

Il est probable qu’une grande partie de ces 2000 usagers, en pointe du matin, décident, dans les circonstances, de descendre à la gare Sauvé, pour emprunter eux aussi la ligne orange vers le centre-ville.

Il n’est pas possible, présentement, de déterminer combien de temps va durer cette situation transitoire pour les usagers du train de Mascouche, puisqu’on ne sait pas encore quand la gare de correspondance A40, où ce train de banlieue rejoindra le REM, sera mise en service.

Les conséquences de l’ajout de près de 10 000 usagers quotidiens de ces deux lignes de train sur le tronçon le plus saturé du métro restent, elles aussi, à documenter.

Un premier tronçon fin 2021

La fermeture du tunnel sous le mont Royal aux lignes Deux-Montagnes et Mascouche se poursuivra durant presque deux ans, du début de 2020 à la fin de 2021. C’est le REM qui prendra ensuite la relève du train de Deux-Montagnes entre la gare Du Ruisseau et la Gare centrale, au centre-ville de Montréal.

En effet, a appris La Presse, la Caisse de dépôt et placement prévoit que le premier tronçon du REM sera alors en service, fin 2021, à partir de la Rive-Sud de Montréal jusqu’à la station Du Ruisseau.

Après quoi, l’implantation du REM dans le corridor de Deux-Montagnes, jusque dans la banlieue nord, entraînera la fermeture définitive de la ligne de train de banlieue au début de 2022. La construction du dernier tronçon de l’antenne nord du REM, jusque dans la ville de Deux-Montagnes, devra vraisemblablement se poursuivre jusqu’en 2024. Le scénario de remplacement des services de transport en commun pour les usagers actuels qui circulent sur le tronçon Deux-Montagnes/Du Ruisseau n’est pas encore connu.

Dès le 27 avril

On savait déjà que les services de train de banlieue sur les lignes de Deux-Montagnes et Mascouche seront perturbés à compter du 27 avril prochain en raison des travaux liés au REM. Les services seront interrompus à partir de 20 h le vendredi soir jusqu’au lundi matin. Les quatre derniers trains du vendredi en direction de Montréal et les cinq derniers départs entre le centre-ville et Deux-Montagnes, échelonnés entre 20 h et minuit, seront donc annulés.

Il n’y aura plus aucun service offert sur la ligne Deux-Montagnes durant les fins de semaine. Deux départs dans chaque direction sur la ligne de Mascouche seront aussi annulés les vendredis soir en raison des travaux liés au REM.

Il y aura toutefois d’autres perturbations des services sur la ligne Deux-Montagnes avant que le trajet soit interrompu à la gare Du Ruisseau au début de 2020. Ces perturbations pourraient se faire sentir dès l’été prochain.

Afin de libérer le plus d’espace possible pour le consortium qui implantera le REM, les services actuels sur la ligne Deux-Montagnes devront en effet être assurés, à compter de l’été prochain, sur une seule voie ferrée. En raison des allers-retours des rames de trains et de l’absence d’une voie d’attente, l’exploitation sécuritaire de la ligne Deux-Montagnes pourrait forcer le Réseau de transport métropolitain (RTM), responsable des trains de banlieue, à modifier les horaires ou même à supprimer des départs, et ce, dès l’automne prochain.

Selon les informations obtenues par La Presse, les fermetures de week-end de Deux-Montagnes devraient se poursuivre jusqu’au début de 2020. La suspension des services de week-end sur la ligne Deux-Montagnes, à partir du 27 avril, deviendrait ainsi définitive.

50 000 déplacements retardés

Les travaux d’aménagement du REM sur la Rive-Sud et le nouveau pont Champlain, nécessaires à la mise en service du premier tronçon du REM, auront aussi des répercussions sur les services d’autobus entre Brossard et le centre-ville, dans l’axe du pont Champlain, dès l’an prochain.

Ces services d’autobus en voie réservée transportent présentement environ 25 000 personnes d’une rive à l’autre du fleuve Saint-Laurent, et ce, à chaque période de pointe. Avec l’intensification des chantiers du REM et la démolition du tunnel Chevrier qui permet aux autobus d’accéder à la voie réservée du pont Champlain, sur l’autoroute 10, à partir du printemps de 2019, les services seront perturbés.

On prévoit que les temps de déplacement des usagers seront allongés et qu’il y aura des changements forcés dans la fréquence des départs de bus entre la Rive-Sud et Montréal en pointe du matin.

Les services d’autobus devraient désormais être assurés à partir de la gare Panama, qui deviendra le terminus temporaire, en lieu et place du stationnement Chevrier actuel.

Ces changements devraient occasionner une détérioration du service sur ce corridor de bus durant au moins deux ans, soit du début de 2019 jusqu’à la mise en service du premier tronçon du REM, en 2021.

La voie réservée « temporaire » du pont Champlain actuel, mise en place à la fin des années 70, devrait ainsi devenir inopérante après 40 ans de service ininterrompu.

Réseau électrique métropolitain

« Nous sommes arrivés à une destination importante »

Plusieurs personnalités étaient réunies hier à Montréal pour la première pelletée de terre du Réseau express métropolitain. Leurs réactions.

« Il y a seulement deux ans, ce projet n’était qu’une idée. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à une destination importante. C’est aussi le début de quelque chose d’encore plus grand. Dans les prochains jours, des centaines de personnes seront sur le terrain. À l’été, ils seront des milliers pour construire le REM. La construction du REM créera 34 000 emplois. Après sa mise en service, il créera 1000 emplois permanents pour l’exploitation et l’entretien du réseau. »

— Michael Sabia, président de la Caisse de dépôt et placement du Québec

« Je suis de la génération qui a vécu l’arrivée du métro à Montréal [en 1966]. J’étais dans les premiers qui ont pris le métro à la station Laurier, qui était la plus près de chez nous. Et ce dont je me souviens le plus, c’est l’enthousiasme, l’ébullition qu’il y avait dans ces années-là au Québec et à Montréal, où on faisait à la fois le métro, Expo 67 et d’autres grands projets. [Le lancement de] ce projet, aujourd’hui, c’est la reprise de contact du Québec avec les grands projets. C’est le signal envoyé partout que le Québec est un endroit propice pour les investissements, propice pour faire progresser les grands projets très ambitieux. »

— Philippe Couillard, premier ministre du Québec

« N’oublions pas le but ultime, ici : on veut pouvoir offrir aux citoyens de la grande région de Montréal plus de temps avec leurs familles, et moins de temps dans les transports. Comme ministre des Transports et comme Montréalais, je me réjouis que des institutions fédérales soient mises à contribution, dont le pont Champlain, l’aéroport Trudeau et la Gare centrale, où il y aura une interconnexion avec les trains de Via Rail. C’est un système de transports énorme et bien intégré. »

— Marc Garneau, ministre des Transports du Canada

« L’intégration urbaine du REM dans nos quartiers demeure une grande préoccupation [de notre administration], mais aussi ce qui fera de ce grand projet un succès. En s’insérant de façon harmonieuse dans le quotidien de la population, le REM parviendra à en faire partie. En tant que mairesse de la mobilité, je salue le lancement du REM, ce grand projet qui va contribuer à briser des frontières. »

— Valérie Plante, mairesse de Montréal et présidente de la Communauté métropolitaine de Montréal

« Notre partenariat est fondé sur notre capacité à livrer des projets de grande qualité dans les temps et dans les budgets prévus pour créer de la valeur dans nos communautés. Nous l’avons démontré à plusieurs reprises avec les projets de trains légers Crosstown, à Toronto, avec le train léger de Waterloo et le projet de la Canada Line à Vancouver. Construit par des Québécois, le REM deviendra une vitrine de notre expertise dans le monde entier. »

— Neil Bruce, PDG de SNC-Lavalin, partenaire principal du consortium NouvLR, responsable de la construction du REM

« Ce projet devra d’abord et avant tout bénéficier à tous les citoyens de Montréal, pour leurs déplacements quotidiens. Mais il doit aussi bénéficier au développement économique de la ville. Nous allons y associer l’ensemble de nos partenaires, de nos fournisseurs à Montréal et au Québec, avec plus de 500 millions d’investissements et d’achats dans la région. Plus de 67 % de la valeur ajoutée de notre consortium sera locale et nous allons participer d’une manière pleine et entière au Pôle d’excellence du Québec en transport terrestre. »

— Henri Poupart-Lafarge, PDG d’Alstom, partenaire du consortium PMM, fournisseur du matériel roulant du REM

(Propos recueillis par Bruno Bisson, La Presse)

Analyse

Il était une fois dans l’Ouest

Québec — Au moment de toutes les élections, la route approche… À l’heure des changements climatiques, mieux vaut faire avancer les wagons, les transports collectifs. Lundi, Philippe Couillard a réannoncé le prolongement de la ligne bleue du métro vers l’est. Hier, Québec voulait rendre irréversible la réalisation du projet de Réseau express métropolitain (REM), sous la responsabilité de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ).

Car le chef péquiste Jean-François Lisée a proposé de tirer un trait sur l’aventure du REM, privilégiant de nombreux réseaux de transport complémentaires qui s’étendent dans le 450, véritable champ de bataille des prochaines élections.

Chiffres en main, Lisée a mis en doute hier, à l’Assemblée nationale, le bien-fondé de la décision de prolonger le REM loin dans l’Ouest, au risque de vampiriser la clientèle du train de banlieue de Vaudreuil-Hudson.

Ce trait de crayon sur le plan de la Caisse de dépôt coûtera 1,4 milliard – 10 fois le prix du projet de SRB (service rapide par bus) envisagé sur Pie-IX depuis des années. Le BAPE s’était opposé à ce prolongement dans un rapport très dur sur le projet de la Caisse.

Hier en Chambre, Philippe Couillard a rappelé que le prolongement vers l’ouest était souhaité par la Ville de Montréal dans son plan de transport de 2008 ; on le retrouve aussi dans le plan Vision 2020 de l’Agence métropolitaine de transport publié en 2011. La Communauté métropolitaine de Montréal avait aussi soutenu l’idée en 2012.

Tracé modifié

Dans les coulisses, La Presse a pu apprendre que la CDPQ, qui dit être à l’abri des considérations politiques, avait dû mettre de l’eau dans son vin et consentir à prolonger le futur réseau loin vers l’ouest, jusqu’à Sainte-Anne-de-Bellevue, même si l’achalandage ne le justifiait pas. Dans les semaines précédant la première annonce, en avril 2016, la CDPQ avait modifié son tracé : le REM irait finalement bien plus loin dans l’Ouest-de-l’Île.

Pourtant, tout paraissait bouclé, vers février, lors de rencontres du comité ad hoc où l’on retrouvait le patron de la Caisse, Michael Sabia, son aréopage, dont le vice-président Christian Dubé, Philippe Couillard, son chef de cabinet Jean-Louis Dufresne, et le secrétaire général du gouvernement Roberto Iglesias. Aussi, pour le gouvernement, on retrouvait la direction de la Société québécoise des infrastructures et du ministère des Transports.

Le projet se faisait alors en séquence : le pont Champlain dans un premier temps, puis jusqu’à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. À ce moment, Philippe Couillard insista pour que le « tracé préliminaire » comprenne à la fois le lien avec la Rive-Sud vers Brossard et l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Tout le reste serait promis pour plus tard.

Dans l’entourage de Philippe Couillard, on avait alors confirmé à La Presse que le projet qui venait d’être évoqué en entrevue par le premier ministre se ferait en deux temps.

« On n’allait pas dans l’Ouest encore », confie une source proche de ces discussions. Par la suite, la Caisse de dépôt fit des présentations à des groupes précis, dont les députés libéraux de l’Ouest.

Car des indiscrétions émanant de la direction de la Caisse confirmaient le mécontentement des élus libéraux de l’Ouest-de-l’Île, notamment les gros canons Carlos Leitão, Martin Coiteux et Geoffrey Kelley. Ils avaient bien compris : « plus tard » pouvait vouloir dire aux calendes grecques. Le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal est un exemple tangible de ces projets annoncés qui, comme l’horizon, reculent à mesure qu’on avance.

Certaines parties de leurs circonscriptions ne faisaient pas partie du territoire couvert par le REM dans un premier temps, car la Caisse avait évalué – comme devait le faire le BAPE par la suite – que le prolongement vers Sainte-Anne-de-Bellevue n’était pas rentable sur la base de l’achalandage.

Geoffrey Kelley, élu libéral de Jacques-Cartier depuis 24 ans, a confirmé hier que les élus libéraux de l’Ouest avaient eu, avant l’annonce du projet, au moins une rencontre avec les autorités de la Caisse de dépôt. On n’y a pas discuté d’itinéraires précis, de trajets, de stations, mais le message de la nécessité d’aller vers l’ouest a été clairement passé. 

« J’ai dit dès le début que si on allait de l’avant avec un tel projet, cela devait augmenter de façon importante la qualité du transport en commun dans l’ouest de Montréal. Je n’ai rien eu à voir dans l’itinéraire. Mais ça fait 20 ans qu’on discute des rails du CN, du CP » ; sur ces solutions boiteuses, « il y a une montagne d’études », a lancé le ministre Kelley. « Là, on va avoir un lien rapide, moderne, électrique. Et je suis content ! » Car « il y a un élément important, souligne-t-il : l’Ouest-de-l’Île, la zone Vaudreuil-Soulanges, est une des régions au Canada où la croissance de la population est la plus rapide. Amener ces gens au centre-ville en 25 minutes, pour moi, c’est intéressant. Les autoroutes 20 et 40 sont saturées, il faut avoir un tel projet. »

Par segments

Tout le monde a compris dans ces discussions que comme la CDPQ attend un rendement d’environ 8 % sur ce projet, le prolongement dans des zones moins rentables serait compensé, sous une forme ou une autre, par des contributions gouvernementales.

Lors de l’annonce du projet, Michael Sabia a révélé que le REM irait jusqu’à Sainte-Anne-de-Bellevue. À La Presse, quelques jours plus tard, il a soutenu qu’il n’avait jamais été question de scinder le projet en plusieurs phases.

Mais au-delà de l’habillage politique, il faut s’attendre à ce que, dans les faits, le projet soit réalisé par segments. La Caisse a fixé la mise en service du premier tronçon à l’été 2021, mais ne s’est jamais trop compromise sur une date pour l’achèvement du réseau.

Philippe Couillard allait dans le même sens, hier, à l’annonce de la « première pelletée de terre » : la Caisse avait été totalement libre dans la préparation de son projet, lui ne serait pas intervenu. 

Pour ses ministres, cependant, c’est une autre histoire.

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