Interdiction du transit sur le mont Royal 

Un succès « inespéré », mais des problèmes de sécurité persistants

Circulation diminuée de moitié, absence de collisions avec blessé, achalandage record sur la montagne. L’administration Plante estime que son projet-pilote sur l’interdiction de la circulation de transit sur le mont Royal a été une réussite. Une ombre reste toutefois au tableau – et pas la moindre : les manœuvres dangereuses comme celle ayant coûté la vie au cycliste Clément Ouimet restent encore bien présentes.

Forte baisse de la circulation

Montréal a présenté hier un bilan préliminaire de son projet-pilote durant lequel les voitures ont été interdites au sommet du mont Royal, de juin à octobre. Un décompte du nombre de véhicules a permis de constater une forte baisse de la circulation sur la voie Camillien-Houde (- 58 %) et sur le chemin Remembrance (- 71 %). La Ville a de plus constaté que les voitures ont eu tendance à respecter la limite de vitesse de 40 km/h. À noter, les cyclistes roulaient pour leur part à une vitesse supérieure de 10 km/h à la limite, en descente. L’interdiction du transit a fait augmenter la circulation sur les routes contournant le mont Royal, mais la congestion appréhendée ne s’est pas matérialisée, selon la Ville de Montréal.

Un succès inespéré pour Ferrandez

« On est extrêmement satisfaits, joyeux. C’est inespéré », s’est emballé l’élu Luc Ferrandez, responsable des grands parcs, après avoir pris connaissance des résultats du projet-pilote. Si Montréal n’a pas fait de décompte du nombre de visiteurs sur le mont Royal, les responsables n’hésitent pas à qualifier 2018 d’année record. Le fait que la métropole connaît encore une fois une forte croissance du nombre de touristes n’y serait pas étranger. Les quatre lieux temporaires aménagés durant le projet-pilote ont d’ailleurs été très fréquentés, le café Suspendu ayant attiré en moyenne 6000 visiteurs par jour. « C’est les Montréalais tout crachés : tu leur donnes quelque chose et ils s’en emparent, transforment la ville par leur participation », s’est enthousiasmé Luc Ferrandez.

7

Les policiers ont donné en moyenne sept constats d’infraction par jour aux automobilistes qui tentaient de circuler sur la portion interdite, au sommet du mont Royal. Le nombre de contrevenants était toutefois beaucoup plus élevé, les agents ayant d’abord misé sur des avertissements. En juin, Montréal a dénombré de 600 à 700 contrevenants par jour, contre moins de 400 en septembre. « Lorsqu’une voiture passait, plusieurs autres tentaient aussi de passer. Il y avait un effet d’entraînement. Il y a eu beaucoup de tolérance, mais les policiers ont réalisé que juste la tolérance, ça ne fonctionnait pas », a indiqué Luc Ferrandez. Une analyse plus poussée démontre que ces contrevenants ne cherchaient pas à transiter par la montagne, mais plutôt à se rendre aux stationnements situés de l’autre côté du tronçon interdit à la circulation.

Encore des manœuvres dangereuses

Montréal le reconnaît : la fin du transit n’a pas mis fin pour autant aux manœuvres dangereuses sur le mont Royal. Des demi-tours, manœuvre qui a coûté la vie au cycliste Clément Ouimet en octobre 2017, ont été observés près du belvédère Camillien-Houde. Luc Ferrandez a toutefois souligné que la baisse de circulation a porté ses fruits, puisqu’on ne recense aucune collision avec blessé l’été dernier, contre sept en moyenne par an de 2013 à 2017. Mais du travail reste à faire pour assurer la sécurité, admet l’élu. « On n’est pas aveugles, on en a discuté avec la police et c’est loin d’être la solution idéale. On pensait qu’en baissant le volume de circulation, les problèmes diminueraient, mais ce n’est pas tout à fait ce qui s’est produit. Il reste des conflits. Il va falloir continuer à travailler », a reconnu Luc Ferrandez. Celui-ci a dit attendre les solutions des ingénieurs de la Ville pour proposer une solution.

Reviendra, reviendra pas ?

Malgré son triomphalisme devant les résultats du projet-pilote, Luc Ferrandez s’est bien gardé de dire si l’interdiction de la circulation de transit deviendrait permanente. Il dit vouloir attendre la fin de la consultation publique à laquelle déjà plus de 10 000 personnes ont participé. « Au prix que nous coûte [la consultation publique], on va attendre de lire le rapport », a-t-il dit. L’élu assure que les jeux ne sont pas faits, disant que la satisfaction des Montréalais sera prise en compte avant de trancher. Et l’élu, qui ne cache pas être « anti-voiture », ajoute que le dernier mot ne lui reviendra pas : « La mairesse prendra décision finale. »

Rien de réglé

L’opposition à l’hôtel de ville s’est montrée plus tranchée sur les résultats du projet-pilote. Ensemble Montréal estime que l’expérience n’a rien réglé au problème de départ, soit le besoin d’améliorer la sécurité des cyclistes. « Depuis le départ, on dit que ce projet-pilote est mal ficelé. Les résultats confirment que, malgré la réduction de la circulation, les conflits entre automobilistes et cyclistes sont toujours présents », a déploré Lionel Perez, chef de l’opposition. Celui-ci en vient à se demander si Montréal devra mener un deuxième projet-pilote quand il aura une autre solution à proposer pour réduire les demi-tours, qui posent problème sur la voie Camillien-Houde.

À fond sur le parc La Fontaine

Au-delà du mont Royal, l’administration Plante a annoncé hier vouloir accélérer la réfection du parc La Fontaine. Luc Ferrandez compte ainsi mener en 10 ans plutôt qu’en 15 ans le plan directeur prévoyant notamment la piétonnisation des deux rues traversant l’espace vert. « À un moment, il faut peser sur le gaz. Il faut y aller. On est déterminés à faire du parc La Fontaine un des plus beaux parcs au Canada », a dit Luc Ferrandez. Il dit vouloir en faire un emblème pour Montréal, à l’instar du Jardin du Luxembourg pour Paris, en France. En évacuant les voitures, l’élu souhaite améliorer l’achalandage des espaces actuellement peu fréquentés, comme la section Est. « Quand on regarde, les gens sont très concentrés à quelques endroits. Il n’y a personne le long de Sherbrooke et Papineau parce que ces endroits sont désagréables à fréquenter. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.