Université Laval

Brian Mulroney mérite beaucoup mieux

Imaginez un instant que vous êtes le recteur ou la rectrice d’une université aux États-Unis. Vous avez un bel emploi et vous êtes entouré à longueur de journée par les plus grands cerveaux qui façonnent l’avenir. En plus, vous avez la bénédiction de compter un ex-président américain parmi vos diplômés. C’est le rêve de tout recteur : un diplômé qui atteint la plus haute sphère du pouvoir et qui a une renommée mondiale. Quelle belle façon de mettre en valeur la qualité de l’éducation offerte par votre université et surtout de lever des fonds qui seront réinvestis en faveur des étudiants et des professeurs. Une logique implacable, vous ne croyez pas ?

Maintenant, revenons au Canada. À travers notre histoire, nous n'avons eu que 23 premiers ministres sur une période de 150 ans. Donc les chances qu’un ancien premier ministre soit issu de vos rangs sont minces, encore moins un premier ministre qui serait toujours en vie. Mais le Québec a une université qui a gagné à cette loterie : l’Université Laval à Québec. Le très honorable Brian Mulroney, premier ministre du Canada de 1984 à 1993, a reçu son diplôme de la faculté de droit de l’Université Laval en 1964.

Mettant la partisanerie de côté, il est raisonnable de dire que M. Mulroney a été un des plus grands premiers ministres du XXe siècle et sa liste de réalisations est éloquente. Il a négocié le premier traité de libre-échange avec les États-Unis – précurseur de l'ALENA –, il a négocié l’accord du lac Meech, qui aurait résolu une bonne partie des enjeux constitutionnels du Canada, il a signé l'accord sur la qualité de l'air avec les États-Unis (pluies acides), en plus de contribuer à la fin du régime d’apartheid en Afrique du Sud. Je pourrais continuer longtemps tant les réalisations ont été nombreuses pendant la décennie où il a été au pouvoir à Ottawa.

Normalement, un recteur serait enthousiasmé d’avoir un diplômé d’un tel calibre et ferait tout pour le mettre en valeur. Malheureusement, le contraire s’est produit cette semaine à l’Université Laval. La direction a cédé à un groupuscule de professeurs idéologiques et fermés d’esprit de la faculté de droit. 

Selon La Presse, certains de ces professeurs se sentaient « indisposés » d’associer le nom de la faculté à un ancien politicien. Pis encore, aucun professeur n’a accepté de sortir de sa tour d’ivoire pour défendre sa position sur la place publique. Pour le courage, on repassera.

Mais ultimement, la décision revenait à Sophie D’Amours, la rectrice de l’Université Laval. Le vote des professeurs n’avait aucun impact sur l’avenir du projet, il n’était que consultatif. Sa mission est de faire avancer son école pour qu’elle puisse compétitionner avec les meilleures universités du monde. M. Mulroney a été capable de livrer un impressionnant projet de 100 millions à la petite Université Saint-Francis-Xavier à Antigonish, en Nouvelle-Écosse, qui compte 4500 étudiants. Ce projet va complètement transformer cette université pour des années à venir. Imaginez ce qui aurait pu être fait à Laval.

Mme D’Amours : même si M. Mulroney risque de ne plus être intéressé, il n’est pas trop tard pour revoir votre décision. 

Les universités québécoises ne peuvent plus et ne doivent plus se fier uniquement aux contributions de l’État. Vous avez reçu une chance unique de pouvoir compter sur un des plus grands premiers ministres de notre histoire. Vous devez faire preuve de leadership même si quelques professeurs ne seront pas satisfaits. Il s’agit d’une occasion dont rêvent plusieurs de vos collègues.

De manière plus large, cet épisode nous rappelle un enjeu majeur que nous avons au Québec : l’incapacité de célébrer nos champions. Nous ne sommes pas un peuple né pour un petit pain. Nous avons contribué à la construction de ce pays et, même, de l’Amérique. Nous avons une histoire riche et, surtout, nous sommes un peuple riche en entrepreneurs et en visionnaires. Nous avons un devoir de les célébrer et surtout de les reconnaître. N’ayons pas peur de le dire haut et fort.

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