Analyse

Le grand ménage

Geraint Thomas ou Chris Froome ? À mi-chemin d’un Tour de France à peine entré dans les montagnes, le suspense se résume maintenant à ces deux noms. Quel membre de l’équipe Sky l’emportera dans 10 jours à Paris ?

La formation britannique a carrément assommé le Tour lors de la courte 11e étape de 108,5 km entre Albertville et La Rosière, première arrivée jugée au sommet. Thomas s’est imposé après une attaque décisive à cinq kilomètres du fil, s’emparant du maillot jaune de meneur au classement général.

Parti plus tôt dans une descente, le Néerlandais Tom Dumoulin a été le deuxième à franchir la ligne 20 secondes plus tard… avec Froome sur ses traces.

Résultat des opérations, Sky occupe les deux premières places au général, le premier lieutenant Thomas détenant une avance de 1 min 25 s sur son général, quadruple vainqueur de la Grande Boucle. Dumoulin, vice-champion du Giro derrière Froome, pointe au troisième rang à 1 min 44 s.

Manque de panache, attentisme, apathie… Depuis des jours, les observateurs étaient nombreux à se plaindre de l’indolence des principaux favoris. Manifestement, ce ne sont pas eux qui subissaient le rythme asphyxiant imprimé par les Sky dès le premier col des Alpes, mardi.

Alejandro Valverde leur a donné satisfaction en se lançant dans le col du Pré, à une cinquantaine de kilomètres et deux cols de l’arrivée, sous le nez de la fusée à étages britannique, apparemment indifférente malgré ce que Thomas a pu en dire après l’arrivée.

« Ce n’est jamais bien de voir quelqu’un partir devant ; mais on a confiance en chacun d’entre nous et on a très bien roulé », a déclaré le Gallois après avoir enfilé le jaune pour une deuxième année d’affilée.

Tenu en laisse par les Poels, Castroviejo et Kwiatkowski, Valverde n’a jamais pris plus d’une minute et demie sur le peloton des favoris. L’Espagnol de 38 ans a été bien valeureux, mais son offensive n’a rien produit d’heureux, sinon l’écroulement de son équipe Movistar et de son prétendu trident de prétendants. Éprouvé par un mal de dos après sa terrible chute vers Roubaix dimanche, Mikel Landa, 13e de l’étape à 1 min 47 s, a craqué quand Thomas s’est envolé.

Seul Nairo Quintana (10e) a suivi pendant un temps, mais le grimpeur colombien peut remercier Romain Bardet de ne pas avoir cédé plus d’une minute. Fidèle à son tempérament d’attaquant, le Français d’AG2R La Mondiale a été le seul à secouer le pommier du petit groupe de prétendants, mais Vincenzo Nibali et Primož Roglič semblaient trop justes pour réagir. Quant au Britannique Adam Yates et au Danois Jakob Fuglsang, ils avaient déjà craqué.

Pendant ce temps, Froome gérait, une main sur l’oreillette pour obtenir rapport de la bataille qui se déroulait un peu plus haut. À trois kilomètres, il s’est servi d’une contre-attaque de l’increvable Dan Martin (6e) pour se lancer à la poursuite de Dumoulin.

À la flamme rouge, au moment où Froome s’apprêtait à faire la jonction, Thomas a détalé pour fondre sur son ancien coéquipier, le malheureux Mikel Nieve (5e), en échappée toute la journée.

« J’ai couru à l’instinct, a déclaré Thomas. Je ne m’attendais pas à gagner. C’est seulement à 3-4 kilomètres de l’arrivée que j’ai pensé que c’était possible. »

Le classement général

1. Geraint Thomas (GBR/SKY) 44 h 6 min 16 s

2. Christopher Froome (GBR/SKY) à 1 min 25 s

3. Tom Dumoulin (NED/SUN) 1 min 44 s

4. Vincenzo Nibali (ITA/BAH) 2 min 14 s

5. Primož Roglič (SLO/LNL) 2 min 23 s

6. Steven Kruijswijk (NED/LNL) 2 min 40 s

7. Mikel Landa (ESP/MOV) 2 min 56 s

8. Romain Bardet (FRA/ALM) 2 min 58 s

9. Nairo Quintana (COL/MOV) 3 min 16 s

10. Daniel Martin (IRL/EAU) 3 min 16 s

11. Alejandro Valverde (ESP/MOV) 4 min 28 s

12. Jakob Fuglsang (DEN/AST) 4 min 53 s

Les succès de Thomas, récent vainqueur du Dauphiné, rappellent à maints égards ceux de son compatriote Bradley Wiggins, avec qui il a été sacré champion olympique de poursuite par équipes sur piste en 2008.

Premier Britannique champion du Tour en 2012, Wiggins avait eu à composer avec la fougue de Froome, son lieutenant de l’époque. Aujourd’hui, ce dernier se retrouve dans un scénario potentiellement similaire avec Thomas. De l’avis général, le nouveau maillot jaune était le plus fort hier

« Froomey est évidemment le leader, a réitéré Thomas. Il a gagné six grands tours alors que, pour moi, une course de trois semaines est une inconnue [en tant que leader]. »

Après ce grand ménage, qui risque de se poursuivre aujourd’hui à l’Alpe d’Huez, il reste au moins cette intrigue à se mettre sous la dent.

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