ART MÛR

La relève est là… et bien là !

Chaque été depuis 11 ans, Art mûr présente, avec Peinture fraîche et nouvelle construction, une sélection d’œuvres de jeunes artistes plasticiens, parmi ceux qui lui ont été suggérés par des départements d’arts visuels des universités du pays. Cette année encore, il y a de belles surprises sur les trois étages de la galerie de la rue Saint-Hubert.

C’est à un survol de la relève canadienne en arts visuels que nous invitent encore cette année Réal Lanthier et François Saint-Jacques, les galeristes d’Art mûr, avec Peinture fraîche et nouvelle construction. Lors des éditions précédentes, cette initiative a permis de faire décoller la renommée de plusieurs artistes tels que Nicolas Grenier, Laurent Lamarche ou Annie Hémond Hotte.

La galerie expose cette année une centaine d’œuvres de 45 artistes issus de 16 universités canadiennes.

Cela donne une présentation diversifiée avec des peintures, des photos, des techniques mixtes, des sculptures, des installations et de la vidéo. Si l’on peut parler de relève, compte tenu de l’âge des artistes, certains sont déjà un peu expérimentés. C’est le cas de Jérémie Deschamps Bussières, peintre de 26 ans, mais aussi enseignant au département des arts visuels du cégep de Trois-Rivières.

BASQUIAT, ES-TU LÀ ?

On retrouve plusieurs de ses œuvres chez Art mûr, dont Behind you, exposé bien en évidence à l’entrée de la galerie. Et pour cause. Créée à l’aérosol, le graphite et l’acrylique, la toile est équilibrée et dynamique, avec un savant rapport entre des formes, des suggestions et un vide habité. On y retrouve une petite couronne, des mots orthographiés et un diamant qui font évidemment penser à Basquiat et Hirst. Les traces des mentors sont la nourriture des grands, soulignait Francis Bacon. 

Inspiré et donnant libre cours à ses intuitions, le jeune artiste a visiblement trouvé un chemin. On pourra découvrir davantage son travail cet automne à Montréal. Le collectionneur et producteur de vin Frédéric Simon exposera en septembre les dernières œuvres de Jérémie Deschamps Bussières au restaurant Les cons servent, dont il est copropriétaire.

Nous avons également bien aimé l’univers de Karine Fréchette, avec un bel exercice de composition et d’application de l’acrylique pour sa peinture sur bois Absorption. Et une autre merveille intitulée Black Hole Sun. Quel génie créatif !

Quel travail également que celui de Marc Knowles pour son Trapping the Light, œuvre sur bois pour laquelle il a profité d’une sédimentation de différentes couches de peinture pour ensuite créer de petites entailles dans l’épaisseur, ce qui donne un résultat délicat du plus bel effet. Dans un autre style mais toujours en jouant sur les reliefs, son tableau A Clearing nous entraîne dans le monde des cartes topographiques.

Parmi les autres peintures intéressantes, citons Les mineurs, de Jérémie St-Pierre, qui évoque de façon originale le travail souterrain et le contraste entre sous-sol et paysage terrestre. Un bon flash.

BEAUCOUP D’ORIGINALITÉ

Il y a pas mal d’œuvres très originales. Par exemple la recherche métallique de Nathalie Nadeau, avec son installation Chip Production, des gants en acier et une série de pièces en laiton. Les tableaux de Chrystina Fortin, qui comprennent des matériaux champ gauche comme des brillants, du vinyle ou une banderole de style publicitaire. Deux œuvres de Frédéric Laurin (UQTR) : l’une intitulée Nouveau règne, avec le Christ en croix sur le F de Facebook, et l’autre, American Farm, représentant le drapeau américain avec 99 moutons et un cochon noir !

Également beaucoup d’ingéniosité dans I Never Recognized Her Except in Fragments, d’Hannah Doucet (Manitoba). Des blocs géométriques recouverts de miroirs et sur lesquels l’artiste a placé des tissus imprimés avec des éléments d’un corps féminin.

On trouve aussi beaucoup d’humour dans Hey.Horny.grrr, de Christos Pantieras. Son installation est faite de milliers de lettres de l’alphabet en béton formant un gros tas posé à terre et duquel découlent des mots et des phrases provenant d’échanges entre homosexuels sur internet. Exemple : bottom, top, feed me ou you will do nicely !

À noter aussi la belle recherche stratigraphique de Sophie Madeleine Jaillet (Université NSCAD d’Halifax), qui a créé des « coupes de terrain » avec du plâtre, de la paraffine et de la cire. Des étagements qui font penser, surtout dans le cas de Debris Flow, à une moraine glaciaire.

Enfin, la galerie présente le travail très intéressant de l’artiste en résidence Sarah Thibault intitulé Regardez pas le ménage. Des photos de personnages aux têtes recouvertes de ballons ou de formes de pépites d’or. Et des sculptures humoristiques étudiant l’arbitraire du goût et se référant ironiquement aux arts décoratifs. Comme cet énorme objet de la forme d’un œuf Fabergé posé sur des pattes de meuble dorées. Partiellement recouvert d’un tissu bourgeois, il s’intitule Je me suis toujours considéré comme quelqu’un d’assez bohème

La relève est là… et bien là !

À la galerie Art mûr (5826, rue Saint-Hubert) jusqu’au 29 août

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