Santé

Taxer les boissons sucrées sauverait des vies

Quelque 13 000 morts prématurées, plus de 600 000 cas d’obésité et 20 000 cas de cancer pourraient être prévenus au pays dans les 25 prochaines années avec l’introduction d’une taxe sur les boissons sucrées, avance la première étude canadienne sur le sujet.

En octobre dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelait les gouvernements à imposer une taxe de 20 % sur les boissons sucrées pour modifier les comportements. Au Mexique, une taxe de près de 10 % (0,34 $ par litre) a fait diminuer les achats de boissons sucrées au profit de boissons saines.

Une taxe d’accise de 20 % aurait une incidence significative sur la santé de la population et celle des finances publiques, soutient une première étude canadienne produite par l’Université de Waterloo à la demande de différents organismes en santé, dont la Société canadienne du cancer et la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC.

Les Canadiens épargneraient notamment 11,5 milliards de dollars en soins de santé et profiteraient de retombées de 43,6 milliards de dollars, estime-t-on. Une somme qui pourrait être réinvestie pour valoriser de saines habitudes de vie et prévenir d’éventuels problèmes de santé, disent les groupes impliqués dans cette étude.

Des calories vides

Une consommation excessive de boissons sucrées est liée à plusieurs maladies, ainsi qu’à la prise de poids et aux caries dentaires, souligne le rapport.

« Le Canada est le 10e pays consommateur de boissons sucrées. On tire la sonnette d’alarme. »

— Kevin Bilodeau, directeur adjoint aux relations gouvernementales pour la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC

« Les boissons sucrées n’ont aucun apport bénéfique pour la santé. Ce sont des calories vides et les principales sources en sucre dans notre alimentation », affirme le porte-parole.

L’achat de boissons gazeuses a diminué en 2015, mais l’émergence de nouvelles catégories de boissons compense ces baisses. Les boissons gazeuses demeurent toutefois la boisson sucrée la plus consommée par les Canadiens de 14 à 50 ans, rapporte Kevin Bilodeau. « Une canette de Coke vient frôler les 10 cuillères à thé de sucre, alors que l’OMS recommande un maximum de 10 % de sucre dans l’apport énergétique total, soit 12 cuillères à thé par jour. »

Ce n’est pas la consommation de sucre qui est problématique, c’est la surconsommation, soulignent les différents observateurs consultés. « Le marketing des boissons sucrées est très agressif et ressemble beaucoup aux stratégies qu’on a vues pour le tabac, affirme la directrice de la Coalition québécoise sur la problématique du poids, Corinne Voyer. Le problème, c’est qu’elles sont vendues partout à prix accessible. »

Le jus aussi montré du doigt

L’impact de cette intervention dépendra de l’étendue des boissons qu’il est possible de taxer. Le terme « boissons sucrées » englobe celles avec sucre ajouté (boissons gazeuses, thés et cafés prêts à boire, boissons énergisantes, boissons lactées ou aux fruits et eaux aromatisées), mais aussi celles où le sucre est naturellement présent, comme les jus et concentrés purs à 100 %.

Le Guide alimentaire recommande ½ tasse de jus par jour, dit Marie-Claude Paquette, conseillère scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec. « Le problème n’est peut-être pas le produit, comme la taille des portions », souligne-t-elle. Les berlingots qu’on propose aux enfants sont de 200 ml, ce qui équivaut presque à 1 tasse de jus, affirme la nutritionniste, tout en précisant qu’il est tout de même préférable d’offrir un jus pur à 100 % qu’une boisson aux fruits.

« L’avantage du jus, c’est qu’on y retrouve aussi des vitamines, mais encore une fois, ce sont des sucres rapides. »

— Corinne Voyer, directrice de la Coalition québécoise sur la problématique du poids

Les boissons sucrées sont des sucres liquides qui entrent directement dans l’organisme pour être métabolisés par le foie, qui les transforme en gras dommageable pour la santé, explique-t-elle. On ne devrait pas en prendre tous les jours.

Une baisse de la consommation

L’étude fait l’erreur de ne pas considérer l’augmentation de la consommation de boissons hypocaloriques, qui représentent 45 % des ventes, estime toutefois le porte-parole de l’Association canadienne des boissons (ACB), Martin-Pierre Pelletier, en soulignant que le Conference Board du Canada a observé, entre 2004 et 2014, une diminution de 20 % des calories consommées à partir des boissons.

« C’est un exercice théorique bien fait, qui émet des hypothèses, mais pas des certitudes, commente pour sa part Marie-Claude Paquette. L’étude ne tient pas compte d’une tendance à la baisse des achats ou du fait que l’industrie pourrait décider d’absorber la taxe. »  Le problème demeure toutefois, selon elle : notre consommation de sucre est trop élevée et les boissons sucrées sont une cible facile qui devrait faire l’objet d’un intérêt en santé publique.

Pensez-y !

D’ici 25 ans, une taxe sur les boissons sucrées permettrait de sauver 13 000 vies et de prévenir plusieurs maladies, selon l’étude réalisée par l’Université de Waterloo, soit près de…

600 000 cas d’obésité et 100 000 cas d’embonpoint chez les adultes

200 000 cas de diabète de type 2

60 000 cas de cardiopathie ischémique

20 000 cas de cancer

8000 AVC

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