Chronique

Cours de cote d’écoute 101

Il est temps de réécrire la fameuse chronique qui dissipe un mystère opaque qui tourmente tant les simples téléphages que les gens de l’industrie de la télé : comment se calculent les fameuses cotes d’écoute du petit écran ?

De quelle façon la coopérative Numeris réussit-elle à déterminer précisément que 372 000 curieux ont visionné XOXO en direct, mercredi soir, sur les ondes de TVA ? C’est assez simple, vous allez voir.

Sachez d’abord ceci : une cote d’écoute, ce n’est ni plus ni moins qu’un sondage sophistiqué. La firme Numeris, anciennement connue sous le nom de BBM, a équipé 1300 foyers partout au Québec, dont 900 dans la grande région de Montréal, de « pagettes » qui portent le joli nom d’audimètres passifs.

Chacune des personnes qui habitent dans le foyer choisi par Numeris, en excluant les enfants de moins de 2 ans, doit porter sur elle ce petit bidule au moins huit heures par jour. La pagette capte automatiquement le signal de l’émission que le cobaye regarde, qu’il se trouve à la maison, devant un écran géant à la Cage aux Sports ou chez son voisin.

À la fin de la journée, le cobaye dépose son téléavertisseur sur un socle et les données qu’il renferme se déversent automatiquement dans les serveurs informatiques de Numeris.

À partir des chiffres recueillis par ses 1300 foyers, Numeris établit une projection pour l’ensemble du Québec francophone. Ta-dam, c’est ce qui donne la célèbre cote d’écoute. Avec une moyenne de 2,2 personnes par foyer, Numeris estime qu’environ 2900 individus servent à quantifier les audiences de toutes les émissions.

Vous avez bien lu : les goûts et préférences de ces 2900 volontaires régulent toute l’industrie publicitaire québécoise et ont quasiment droit de vie ou de mort sur des séries. Grosse pression, non ?

D’ailleurs, Numeris interdit aux journalistes d’interviewer les familles connectées au système pour éviter toute forme d’interférence.

Les personnes les plus difficiles à recruter ont entre 18 et 34 ans et Numeris les paie 20 $ par mois pour leurs services. Tous les autres reçoivent une rémunération symbolique mensuelle de 5 $, à l’exception des plus de 55 ans, qui « travaillent » bénévolement.

Précision, ici. N’entrez pas en contact avec Numeris pour essayer de rejoindre son panel. La sélection se fait au hasard, selon des critères géographiques et démographiques précis. Comme on dit à Kirkland : Don’t call us, we’ll call you.

Numeris mesure aussi les diffusions en simultané sur le web. Par exemple, si un membre du panel de Numeris se branche en direct sur le gala dominical d’Occupation double via le Noovo.ca, son écoute sera comptabilisée.

Oubliez, par contre, tout ce qui s’appelle rattrapage sur ICI Tou.tv, Club illico, la vidéo sur demande au 1100 chez Bell Fibe ou au canal 900 de Vidéotron. Numeris ne les comptabilise pas encore, malheureusement. Même chose si un cobaye enfile des 180 jours sur le site web de Télé-Québec : ça ne compte pas dans la cote d’écoute de cette docuréalité.

En fait, le seul gadget « techno » qui a un véritable impact, c’est l’enregistreur numérique personnel (ENP). Dix jours après la diffusion d’une émission en direct, Numeris publie une cote d’écoute révisée, qui inclut les visionnements en différé à partir de ce type de terminal. Ce chiffre – plus élevé que celui évalué en direct – se rapproche davantage du rayonnement réel d’une émission.

Je l’avoue, on ne vous parle presque jamais de la cote d’écoute révisée. On insiste beaucoup sur les performances en direct, qui reflètent de moins en moins la réalité du marché actuel, où les téléphiles ne dévorent plus leur télé à heure fixe.

L’indice qui combinera la consommation numérique (ICI Tou.tv, Club illico, etc.) et la consommation traditionnelle arrivera d’ici un an, prédit Catherine Malo, directrice générale de Numeris au Québec. « Avec ça, on sera capables de mesurer la vraie portée, le vrai impact d’une émission », explique-t-elle.

Ceux qui se demandent s’ils peuvent influencer les cotes d’écoute ont maintenant leur réponse : c’est non. Cet honneur revient à 2900 personnes et uniquement à ces 2900 personnes.

DONNÉES EN VRAC

• Un foyer ne peut pas rester plus de cinq ans au sein du panel de Numeris. Il faut s’assurer d’un bon roulement.

• Numeris peut éjecter en tout temps un foyer s’il juge que l’écoute y est irrégulière.

• Les cobayes doivent portent leur pagette même lorsqu’ils s’en vont au chalet et qu’il n’y a pas de télévision.

• Si un membre du panel part en vacances à l’extérieur du pays, il peut laisser son bidule à la maison.

• Le panel de Numeris est censé refléter la diversité du Québec, selon les sexes, le lieu de résidence et le groupe ethnique.

• Numeris a fixé à sept jours le délai de rattrapage après la diffusion d’une émission en direct. Après sept jours, il est trop tard pour que ça influence les résultats.

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