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La CAQ relance sa promesse d’abolir les commissions scolaires

Québec — La session parlementaire n’est pas encore commencée que les partis politiques aiguisent déjà leurs premières armes électorales. À quelques mois du scrutin, la Coalition avenir Québec (CAQ) relance sa promesse d’abolir les commissions scolaires en publiant un « plan de gouvernance scolaire ». On y explique notamment comment les convertir en un nombre identique de « centres de services aux écoles », tout en confiant au ministre de l’Éducation la responsabilité de fixer le taux de la taxe scolaire.

En entrevue avec La Presse, le porte-parole du deuxième groupe de l’opposition en matière d’éducation, Jean-François Roberge, martèle que sa formation politique « est prête pour l’après-commissions scolaires ». Il accuse ces institutions de souffrir de problèmes de gouvernance qui « limitent la capacité d’agir des directions d’école, en plus de constituer un obstacle à l’obtention de services » pour les élèves.

En 2014, lors des dernières élections, son chef promettait d’ailleurs déjà leur abolition, prévoyant la création d’une trentaine de centres de services pour les remplacer. À l’époque, la CAQ souhaitait également abolir la taxe scolaire. Quatre ans plus tard, on se fait désormais plus prudent.

« Ça va se faire graduellement. Ce n’est pas une révolution, c’est une évolution. »

— Jean-François Roberge, porte-parole de la CAQ en matière d’éducation

Le député de Chambly confirme qu’il y aurait d’abord le même nombre de centres de services qu’il y a de commissions scolaires, mais « qu’à terme […] il y aura des fusions ».

Dans ce nouveau système, où il n’y aurait plus de commissaires ou d’élections scolaires, la taxe scolaire serait quant à elle fixée par le ministre de l’Éducation. Cela augmenterait sa « légitimité démocratique », écrit-on dans le document, puisque la participation aux élections scolaires (dont les prochaines sont prévues à l’automne 2018, après les élections générales) est famélique.

Pour des écoles plus autonomes

Avec ce nouveau plan de gouvernance, que la CAQ estime pouvoir appliquer « à coût nul », M. Roberge souhaite augmenter l’autonomie des directions d’école et de leurs conseils d’établissement. Dans ce contexte, les centres de services – qu’on estime moins coûteux que les commissions scolaires et qui relèveraient du ministère de l’Éducation – donneraient « du support administratif [tel que] la planification du transport scolaire et le service de la paie », par exemple.

Les conseils d’établissement des écoles – formés de parents, de membres du personnel et de membres de la communauté – gagneraient ainsi en autonomie. Une formation obligatoire serait alors fournie à ses membres puisqu’ils seraient désormais responsables de l’aménagement des horaires, de l’embauche de leur direction d’école, de la planification d’activités d’aide aux devoirs et de l’organisation d’activités parascolaires.

« Ils auront [aussi] le pouvoir de faire des surplus et de les garder pour les affecter à un projet-école. Ça, en bon français, c’est tout un empowerment des écoles ! »

— Jean-François Roberge

Une structure moins coûteuse, croit la CAQ

Modifier de fond en comble l’organisation scolaire, comme le propose à nouveau la CAQ, permettrait à Québec d’économiser des fonds qui seraient ensuite réinvestis en services directs aux élèves, estime le parti de François Legault.

« Les élections scolaires coûtent 20 millions à organiser. C’est très cher. De plus, les commissaires élus engendrent chaque année des coûts de 10 à 12 millions. Chaque dollar économisé en bureaucratie retournera directement en services aux élèves », affirme Jean-François Roberge, sans chiffrer toutefois le nombre de professionnels (psychoéducateurs, orthophonistes, etc.) qu’il souhaite ajouter au réseau de l’éducation.

Une manière de réduire les coûts pour rediriger les fonds vers les écoles qui ne passera toutefois pas par des pertes d’emplois pour les fonctionnaires touchés par cette réorganisation, précise-t-il. Ceux qui prendraient leur retraite et dont les tâches ne cadrent plus avec les nouvelles orientations ne seraient tout simplement pas remplacés. À ce sujet, le député caquiste n’a pas dévoilé le nombre de postes qu’il croit pouvoir éliminer avec son plan de gouvernance.

Un débat qui perdure

L’avenir des commissions scolaires a plusieurs fois été remis en question à Québec. Survol de 10 années de débats sur la question.

Novembre 2008

Le chef de l’Action démocratique du Québec (ADQ), Mario Dumont, propose d’abolir les commissions scolaires pour donner plus d’autonomie aux écoles. Son parti défend cette idée depuis déjà plus d’un an.

Septembre 2012

En pleine campagne électorale, Paul Gérin-Lajoie, qui a été le premier député à occuper le poste de ministre de l’Éducation au Québec, publie une lettre ouverte dans laquelle il écrit qu’abolir les commissions scolaires est une idée « simpliste ». Selon lui, leurs coûts de gestion sont parmi les plus bas du secteur public. 

Octobre 2013

Après leur avoir permis de hausser la taxe scolaire, Québec sanctionne les commissions scolaires et les oblige à faire d’importants remboursements sur deux ans aux contribuables québécois, annonce la ministre de l’Éducation, la péquiste Marie Malavoy. 

Automne 2014

L’ancien ministre de l’Éducation, le libéral Yves Bolduc, travaille sur une réforme du réseau scolaire dans le cadre de laquelle il envisage d’abolir les commissions scolaires pour reléguer certains pouvoirs aux municipalités.

Mars 2015

Le nouveau ministre de l’Éducation, le libéral François Blais, souhaite revoir le mode de taxation et confirme qu’il évalue la possibilité de fusionner des commissions scolaires. On les ferait alors passer de 72 (leur nombre actuel) à 46.

Février 2016

À peine nommé ministre de l’Éducation, le libéral Sébastien Proulx est confronté à d’anciennes déclarations qu’il a faites en faveur de l’abolition des commissions scolaires à l’époque où il était député de l’Action démocratique du Québec (ADQ). 

Mai 2016

Sébastien Proulx abandonne le projet de loi 86 sur la réforme de la gouvernance scolaire qu’avait entamée son collègue François Blais lorsqu’il était titulaire de ce poste. Ce projet de loi prévoyait entre autres qu’un comité composé de parents et de personnel scolaire se substitue au Conseil des commissaires. Ce nouveau mode de gouvernance prévoyait également plus d’autonomie pour les directeurs d’école, au détriment des commissions scolaires.

— Hugo-Pilon Larose, La Presse

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