ÉDITORIAL

Un peu de respect pour les brigadiers !

Leur présence est recherchée et en vertu du Code de la sécurité routière, ils ont les pleins pouvoirs sur leur intersection. Pourtant, les brigadiers scolaires passent souvent à un cheveu de se faire renverser par des automobilistes. Même les parents font fi de leur autorité, montre une vaste enquête menée dans l’île de Montréal.

Dans la première phase de sa recherche, la professeure Marie-Soleil Cloutier, de l’Institut national de recherche scientifique (INRS), a voulu mesurer divers aspects du travail des brigadiers à l’aide de questionnaires.

La majorité des répondants soulignent qu’il y a de plus en plus de circulation dans l’île, et au moins la moitié d’entre eux constatent que ce trafic n’est pas facile à contrôler. Leurs commentaires recueillis durant des groupes de discussion sont éloquents.

« J’en ai vu, des autos passer sur la rouge ! »

« Je dois me faire frôler par au moins une voiture tous les jours. »

« Les cyclistes ne respectent rien… Les parents sont aussi pires ! »

On a souvent entendu parler des problèmes de circulation causés, autour des écoles, par le grand nombre de parents qui déposent leurs enfants en auto. Ceux qui les reconduisent à pied ne sont pas toujours exemplaires non plus. Plusieurs traversent à n’importe quel moment, et ce même si le brigadier fait attendre les autres enfants parce que l’intersection n’est pas sécuritaire.

Le Code de la sécurité routière est pourtant limpide.

311. Lorsque la circulation est dirigée par un agent de la paix, un brigadier scolaire ou un signaleur chargé de diriger la circulation lors de travaux, toute personne doit, malgré une signalisation contraire, obéir à leurs ordres et signaux.

C’est loin d’être le cas, comme en témoignent plusieurs brigadiers dans une vidéo réalisée par le CAA-Québec.

Est-ce parce qu’un brigadier est moins impressionnant qu’un policier ? C’est vrai qu’ils ne donnent pas de contraventions. Toutefois, ils peuvent prendre le numéro de plaque et le transmettre au poste de police de quartier.

Tout cela est plutôt étonnant, car les parents demeurent très attachés à l’image du brigadier scolaire.

63 % des parents d’enfants amenés à l’école en auto disent que la présence de brigadiers scolaire et de marquage aux intersections augmenterait la probabilité que leur enfant aille à l’école à pied, montre une étude ontarienne.

Marcher entre l’école et la maison, à une époque où l’on s’inquiète du manque d’activité physique des enfants, serait un bon début. On a une sacrée pente à remonter.

58 % des parents canadiens ont indiqué qu’ils se rendaient toujours à l’école à pied lorsqu’ils étaient enfants

28 % disent que leurs enfants le font

Les brigadiers ne servent pas qu’aux écoliers, « On voit des personnes âgées et des éducatrices en garderie avec leurs enfants qui font des détours pour profiter de leur présence », note Marie-Soleil Cloutier.

Bref, ils répondent à un besoin réel. Et ils sont d’autant plus précieux qu’ils constituent une ressource limitée. Les effectifs de l’île, qui relèvent du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), ont été plafonnés en 1999 afin de contrôler les coûts. Le nombre de passages pour piétons pouvant bénéficier des services d’un brigadier adulte est donc limité à 521. Le nombre de véhicules, par contre, ne cesse d’augmenter.

Quand on voit qu’une intersection n’est pas sécuritaire et qu’on veut y ajouter un brigadier, on doit en enlever un ailleurs. Méchant casse-tête !

Que faire ? Des étudiants de Mme Cloutier ont étudié les 521 intersections actuellement desservies en appliquant les plus récentes connaissances en matière de sécurité des piétons. Ils en ont identifié une vingtaine qui, moyennant des aménagements peu coûteux, pourraient se passer de brigadier, ce qui permettrait de les réaffecter à des endroits plus critiques. Les traverses étant réévaluées en principe chaque année, leur grille d’analyse pourrait s’avérer très utile.

En attendant, rappelons-nous que les brigadiers scolaires ne sont pas des éléments de mobilier urbain. Sinon, ce sont eux qui risquent de nous le rappeler…

« J’utilise parfois mon arrêt pour signifier ma présence aux automobilistes : un bon coup sur le capot ou le coffre ! »

— Un brigadier

Sources : 

La sécurité routière près des écoles : quel rôle pour le brigadier scolaire adulte ?, projet en cours dirigé par Marie-Soleil Cloutier, Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS.

CAA-Québec

Understanding the drive to escort : a cross-sectional analysis examining parental attitudes towards children’s school travel and independent mobility, Mammen et al., BMC Public Health 2012

Bulletin de l’activité physique chez les jeunes, Jeunes en forme Canada, 2014

SAAQ

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