ARABIE SAOUDITE

Un nouveau roi dans la continuité

Le roi Salmane d’Arabie saoudite franchit aujourd’hui le cap des 100 jours au pouvoir. Qu’est-ce qui a changé au royaume depuis qu’il a succédé à son demi-frère, le roi Abdallah, mort le 23 janvier ? Bilan en cinq points.

EXÉCUTIONS EN HAUSSE

Trois personnes ont été décapitées, jeudi, ce qui porte à 72 le nombre d’exécutions auxquelles le royaume a procédé depuis le début de l’année, un nombre qui se rapproche du total de 87 exécutions enregistrées durant toute l’année dernière. « L’augmentation à laquelle nous assistons n’a pas commencé en 2015, elle a commencé dans les cinq derniers mois de 2014 », rappelle Adam Coogle, de Human Rights Watch. Elle ne peut donc être attribuée au nouveau roi, mais celui-ci a maintenu la tendance. « Ils exécutent vraiment beaucoup de gens en ce moment », constate M. Coogle, précisant que la moitié des condamnations concerne des histoires de drogue.

RÉGIME RAJEUNI 

Le régime saoudien a subi une cure de rajeunissement, mercredi, lors d’un important remaniement à la tête du royaume. Le roi Salmane a remplacé le prince héritier par un de ses neveux âgé de 55 ans et placé l’un de ses fils, le prince Mohammed ben Salmane, ministre de la Défense âgé d’une trentaine d’années, au deuxième rang dans l’ordre de succession. Le prince Saoud Al-Fayçal, ministre des Affaires étrangères depuis 40 ans, a pour sa part été remplacé par l’ambassadeur à Washington Adel Al-Jubeir qui, fait exceptionnel, ne fait pas partie de la famille royale. « Ça implique une certaine forme de professionnalisation de l’appareil gouvernemental saoudien », note le professeur Thomas Juneau, de l’Université d’Ottawa.

POLITIQUE ÉTRANGÈRE PLUS AFFIRMÉE

Depuis l’arrivée du roi Salmane, Riyad a adopté une politique étrangère plus affirmée, en orchestrant notamment l’opération Tempête décisive, lancée en mars par une coalition de pays arabes au Yémen, et en participant à la coalition internationale dirigée par Washington contre le groupe armé État islamique en Syrie et en Irak. « Il y a une fermeté et une agressivité qui a clairement augmenté depuis 100 jours », constate le professeur Thomas Juneau, qui estime que l’Arabie saoudite, sunnite, cherche probablement « à contrer l’influence » de l’Iran, chiite, qui a entrepris une ouverture face aux États-Unis.

LIBERTÉ D’EXPRESSION MALMENÉE

La situation des droits de l’homme ne s’est pas améliorée depuis l’arrivée du roi Salmane, estiment les observateurs consultés par La Presse, qui perçoivent même un certain recul. « Tous les signes pointent dans la mauvaise direction jusqu’à maintenant », résume Sevag Kechichian, chercheur à Amnistie internationale, ajoutant que certains militants dont la peine d’emprisonnement tirait à sa fin sont maintenant rejugés, cette fois pour des accusations de terrorisme, « ce qui veut dire qu’ils auront des peines encore plus sévères ». Adam Coogle, de Human Rights Watch, ajoute qu’à son arrivée au pouvoir, « le roi a pardonné certaines catégories de prisonniers, sauf que ce pardon excluait malheureusement les militants des droits de l’homme et les dissidents politiques. »

RIEN POUR RAIF BADAWI

La situation du blogueur Raif Badawi, dont la flagellation avait cessé avant le mort du roi Abdallah, n’a pas bougé d’un iota depuis l’arrivée en poste du roi Salmane. « [Les Saoudiens] sont plus irrités que d’autre chose par la pression occidentale sur le cas Badawi, mais ils se rendent bien compte qu’ils n’ont rien à gagner à mettre de l’huile sur ce feu-là », estime le professeur Thomas Juneau. Si le jeune homme dont la femme et les enfants ont trouvé refuge au Québec finit par être libéré, il ne faudra toutefois pas y voir une victoire pour les droits de la personne en Arabie saoudite, prévient M. Juneau. « Même si sa condamnation est annulée, il n’y a rien d’autre qui aura changé. »

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