Opinion : Attentat au Burkina Faso 

L’Afrique de l’Ouest vulnérable au terrorisme

De nouveau, le Burkina Faso vient d’être la cible d’un sanglant attentat terroriste. Encore une fois, les attaquants visaient les expatriés occidentaux, nombreux dans la capitale, Ouagadougou. L’objectif est clair : semer la peur afin de forcer le départ des étrangers et, à terme, déstabiliser les pays visés.

L’attaque a fait deux morts chez les Canadiens installés ou de passage dans ce pays. En janvier 2016, six Québécois avaient trouvé la mort dans une attaque similaire dans la même rue. Ils sont nombreux à travailler au Burkina Faso, et ce, depuis des décennies. Ces attaques ont aussi fait leur lot de victimes chez les Burkinabés.

À la notable exception du Sénégal, tous les pays d’Afrique de l’Ouest situés dans la bande sahélo-saharienne ont été victimes d’attaques terroristes. Les groupes terroristes, visant d’abord l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie, ont élargi leurs opérations à la faveur des succès d’Al-Qaïda et du groupe État islamique.

Aujourd’hui, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad, la Tunisie, le Nigeria, la Côte d’Ivoire sont touchés. Et l’Occident porte une responsabilité dans ce drame.

En effet, la calamiteuse intervention de l’OTAN contre la Libye en 2011, dirigée par un général canadien, a transformé ce pays en plusieurs zones ingouvernables où les terroristes essaiment. Quantité d’armes appartenant au régime du colonel Kadhafi ont trouvé preneurs en Afrique de l’Ouest, déstabilisant des pays déjà fragiles.

Les pays de la région, en collaboration avec les Occidentaux et l’ONU, ont pris des mesures pour protéger leurs installations et infrastructures stratégiques : édifices gouvernementaux, aéroports, routes principales, hôtels, installations minières. Mais le territoire énorme, grand comme l’Europe et peu peuplé dans d’immenses régions, a des frontières intérieures poreuses. Les groupes djihadistes se déplacent d’un pays à l’autre sans rencontrer le moindre obstacle de la part des États dont la présence policière, militaire et administrative est souvent inexistante.

Force militaire conjointe

Les pays du Sahel les plus gravement touchés – Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso et Mauritanie – se sont récemment associés (G5 Sahel) afin de lutter contre cette menace et mieux contrôler leurs frontières. Ils ont mis sur pied une Force conjointe de 5000 militaires qui a reçu en juin l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU et dont le mandat sera essentiellement de se déployer aux frontières des cinq pays. Le dispositif doit interagir avec les Casques bleus de la MINUSMA, la mission de paix de l’ONU au Mali, et avec l’opération française «  Barkhane  », qui mène des actions antiterroristes dans ces cinq pays, en particulier dans le Nord malien. La Force conjointe attend maintenant un financement pour se déployer.

Tous les observateurs le disent : au-delà de l’action sécuritaire, la lutte antiterroriste ne peut faire abstraction du terrain politique. «  Le problème de la bande sahélienne n’est pas uniquement sécuritaire, mais aussi politique, estime Rinaldo Depagne, un spécialiste de l’International Crisis Group (ICG), cité par le journal Le Monde. Déployer plus de troupes va ajouter à l’embouteillage sécuritaire sur place. Et pose aussi la question de la coordination entre des pays qui ont du mal à travailler ensemble, alors que les groupes terroristes, eux, ont beaucoup plus de capacités à coopérer et à s’allier.  »

Les cinq pays en première ligne ont des problèmes politiques, religieux et sociaux très profonds et qui expliquent, en partie, la naissance de groupes terroristes et la multiplication de leurs coups de main. La démocratie est une illusion au Tchad et reste fragile au Niger et au Burkina Faso. Le processus de paix et de réconciliation au Mali avance à pas de tortue.

Les systèmes éducatifs produisent des milliers de diplômés sans avenir et dont une partie se retrouve sur les côtes de la Libye, cherchant à atteindre l’Europe. Les économies peinent à créer des emplois.

Enfin, et c’est sans aucun doute le problème le plus redoutable auquel ces sociétés doivent faire face, la radicalisation de nombreux musulmans laisse présager des conflits pratiquement insolubles au sein de populations connues pour pratiquer un islam modéré.

L’Afrique de l’Ouest est le ventre mou du continent africain. Les conflits actuels, la pauvreté, la mal-gouvernance jettent déjà des dizaines de milliers d’Africains sur le chemin de l’exil et posent une menace à la sécurité de l’Europe. Sa déstabilisation par les groupes terroristes serait catastrophique pour tous.

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