Éditorial  Suicide assisté

Finir le travail

Le comité fédéral sur le suicide médicalement assisté n’aura pas à proposer des options législatives, ont annoncé les ministres de la Justice et de la Santé en fin de semaine. Sage décision. Même avec un mois supplémentaire pour remettre son rapport, le comité aura déjà fort à faire avec la synthèse des opinions reçues. Cela signifie cependant qu’Ottawa aura encore beaucoup à faire avant de répondre à la Cour suprême.

Le jugement Carter, qui a invalidé les dispositions du Code criminel interdisant l’aide médicale à mourir, est l’un des dossiers dont le gouvernement Trudeau doit s’occuper le plus urgemment. Le plus haut tribunal du pays a suspendu l’application de sa décision durant un an, histoire de permettre au fédéral de se retourner. C’était en février dernier. Le temps presse.

Et ce n’est pas la faute du « Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada ». Créé tardivement à la mi-juillet, avec une date de tombée à la mi-novembre, le groupe de trois experts bénévoles a hérité dès le départ d’un mandat beaucoup trop lourd compte tenu du délai imparti. La campagne électorale marathon, qui l’a obligé à suspendre une partie de ses travaux, n’a rien arrangé.

Le comité aura néanmoins fait œuvre utile. Les avis recueillis auprès de quelque 70 experts, d’une cinquantaine d’organisations et de plus de 10 000 citoyens permettront de dresser un solide état des lieux. L’exercice aura aussi contribué à la discussion et à la réflexion sur cet enjeu hautement émotif. L’expérience québécoise en témoigne : c’est une étape indispensable. Entre la motion de la député Véronique Hivon, qui a donné le coup d’envoi à la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, et l’entrée en vigueur de la Loi concernant les soins de fin de vie, le 10 décembre prochain, il s’est écoulé exactement six ans.

La tâche s’annonce nettement moins lourde pour le fédéral. Il n’aura pas à gérer la façon dont l’aide médicale à mourir sera offerte, puisque les systèmes de santé relèvent des provinces. Et surtout, il ne part pas d’une page blanche. La Cour suprême a tracé des contours très nets. Si un adulte atteint de problèmes de santé graves et irrémédiables, causant des souffrances persistantes et intolérables, a besoin de l’aide d’un médecin pour mettre fin à ses jours, il doit pouvoir l’obtenir.

La ministre de la Justice envisage de demander un délai à la Cour suprême. Franchement, on voit mal comment celui-ci pourrait lui être refusé. On ne peut pas exiger d’un nouveau gouvernement qu’il expédie un tel dossier en moins de quatre mois alors que le précédent en a perdu presque cinq avant de s’y attaquer.

Cela fait plus de 20 ans que des Canadiens réclament cette aide médicale. Ottawa doit penser à eux et élaborer une solution législative qui, sans empiéter sur les compétences des provinces, indique clairement la nécessité de rendre ces soins disponibles.

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