OPINION

SANTÉ MENTALE Les familles ont raison, les groupes de défense des droits aussi

Le débat social est enfin lancé sur les services de santé mentale au Québec. Plusieurs écrits dans les dernières semaines témoignent des difficultés qu’ont vécues des familles de personnes suicidaires pour recevoir des services.

Ces familles ont raison d’être insatisfaites. Lorsque le système échoue à offrir l’aide en temps opportun, les crises sociales et les troubles mentaux dégénèrent et se retrouvent aux urgences. À court de solutions, les familles, inquiètes et épuisées, s’y présentent avec la volonté ferme que leur proche soit hospitalisé coûte que coûte. Lorsqu’elles ont dû avoir recours à une démarche légale pour amener leur proche à consulter, le lien de confiance est endommagé. C’est douloureux pour tout le monde. 

Les représentants des groupes de défense des droits des patients affirment que les lois permettant d’hospitaliser ou de traiter les personnes contre leur gré existent, sont largement utilisées, et qu’il n’y a pas lieu de restreindre davantage les droits. Ils ont aussi raison.

La coercition en psychiatrie est une solution de dernier recours qui doit toujours être évitée lorsqu’une meilleure option est disponible. 

L’Association des médecins psychiatres du Québec (AMPQ) préconise en fait l’ordonnance de traitement brève et urgente afin de limiter la restriction des droits à la plus courte période possible, et ce, seulement dans les cas où la maladie interfère avec la capacité de consentir aux soins en raison d’inaptitude. Cette mesure permet de soigner au lieu de seulement garder, et évite que les hôpitaux deviennent des centres de détention. 

Les psychiatres ne veulent pas de lois leur donnant davantage de pouvoir, mais plutôt des moyens leur permettant d’offrir plus d’options à leurs patients. L’hospitalisation n’est pas toujours l’option clinique de premier choix. Il est déchirant pour les psychiatres de poser un diagnostic, de connaître les normes d’excellence des soins et de savoir que ces traitements ne sont pas disponibles. Depuis plusieurs années, l’AMPQ demande des ressources supplémentaires en santé mentale afin d’améliorer et de diversifier l’offre de services. 

De l’aide

Lorsqu’on vit une crise de santé, on veut de l’aide rapide, adaptée à notre situation particulière, et qui peut répondre à l’ensemble des besoins créés par la maladie : expertise médicale, thérapies et conseils, soutien pour maintenir son autonomie et continuer ses projets, garder la confiance et l’espoir.

Des interventions telles la psychothérapie, le suivi à domicile, le déploiement de pairs aidants, l’évaluation médicale, le suivi infirmier, le soutien à l’éducation ou au travail, le soutien aux membres de l’entourage et les équipes d’assistance en situation de crise, si disponibles dans la communauté en temps opportun, évitent que la crise dégénère et éloignent le besoin des familles ou des médecins de recourir à des interventions qui restreignent les droits fondamentaux. C’est le résultat qu’espèrent les familles, ce sont les moyens dont les psychiatres ont besoin pour faire équipe avec elles. 

À la traîne

Un consensus semble se dégager : le Réseau Avant de craquer, représentant les associations soutenant les familles, les groupes de défense des patients et les psychiatres disent tous la même chose : le Québec doit améliorer l’accès et la diversité des services de santé mentale. Les guichets d’accès en santé mentale doivent être bonifiés afin de pouvoir répondre rapidement. Ils doivent être arrimés à des services de crise dans la communauté et à des équipes en santé mentale adéquatement financées. 

Le Québec est à la traîne des pays industrialisés en matière d’investissement en santé mentale. Il faut absolument renverser la vapeur, et que le Québec fasse de la santé mentale une priorité nationale et se dote de budgets protégés pour cette mission. 

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