notre choix

REFUSER L’INDIFFÉRENCE

À l’intérieur de la menace
Marie-Claire Blais
PUM
130 pages
Trois étoiles et demie

Le prix de la revue Études françaises, remis à un écrivain francophone pour une œuvre qui lui a été commandée, a été décerné cette année à Marie-Claire Blais pour À l’intérieur de la menace, court mais dense texte publié aux Presses de l’Université de Montréal (PUM). C’est en quelque sorte un prolongement des chroniques de l’auteure du gigantesque cycle SoifsParcours d’un écrivain, notes américaines et Passages américains, qui célébraient des figures de la résistance.

Le ton d’À l’intérieur de la menace est plus aigu, plus urgent ; on pourrait même parler d’un pamphlet sur l’administration Trump, qui se situe « dans un présent très vif et douloureux, brutalement confrontés à l’ère de Trump, laquelle, si nous succombons à la distraction, pourrait facilement devenir une ère de dictature que nous n’avons jamais connue ni aux États-Unis ni au Canada ». Marie-Claire Blais, qui habite les États-Unis depuis longtemps, dans la petite île de Key West, ne mâche pas ses mots, dessinant le portrait d’un être narcissique, jaloux et dangereux qui détruit l’héritage de Barack Obama et attaque toute forme de contestation.

De la défaite de Hillary Clinton, qu’elle admire, jusqu’à l’ouragan Irma qui voit naître la solidarité entre les sinistrés des Keys, l’écrivain, qui se fait ici témoin de son temps, dresse la liste des exactions de ce président absurde, les attaques contre la presse, les migrants mis dans des camps et séparés de leurs enfants, la montée des suprémacistes blancs, les tweets haineux quotidiens… La liste est malheureusement si longue. Mais pour Blais, le véritable danger est l’indifférence, la « normalisation d’un culte de la violence, s’inscrivant en nous, comme s’il était devenu normal, en quelques mois, d’être raciste, de s’engourdir de fausses valeurs, de s’endormir avec des paroles, des tweets qui nous dérangent, mais auxquels nous devenons sourds par habitude de paresse, et aussi parce que l’on se demande si on a encore le droit de se révolter, tant pèse sur nous quelque indéfinissable oppression que nul ne semble savoir comment nommer ». C’est le rôle de l’écrivain de le faire.

À noter que À l’intérieur de la menace est publié en même temps que deux essais sur l’œuvre de Marie-Claire Blais : Lectures de Marie-Claire Blais (chez PUM) et Lectures de Soifs (Les cahiers de la recherche du CRILCQ).

Critique

Quand la « chick lit » rencontre la crise de la quarantaine

Les cœurs fidèles
Liza Harkiolakis
Éditions Hurtubise
318 pages
3 étoiles

Le premier roman de Liza Harkiolakis, connue pour collaborer à des blogues comme Ma famille mon chaos, aborde ses thèmes de prédilection, soit le célibat et la maternité. Les cœurs fidèles (avec une jolie illustration de Marc Séguin sur la couverture) nous entraîne dans le chemin sinueux des amours compliqués de son intense et caractérielle héroïne Sarah, qui décide de partir travailler en Afrique afin de s’éloigner d’une relation amoureuse compliquée qui ne lui convient plus. Entre le continent africain et Montréal, on suit sa trajectoire où gravitent ses deux grandes amies, Florence et Marie, ses différentes rencontres masculines et sa relation compliquée avec sa mère. Entraînant avec ses nombreux rebondissements et écrit dans un style direct et sans fioritures, Les cœurs fidèles se lit d’une traite. Un vrai roman de « chick lit » qui ne nous épargne pas des clichés habituels du genre – les aléas du célibat, les conflits amoureux, le salut de l’amitié, les soirées arrosées, le vertige de la maternité, la crise de la quarantaine –, mais qui a la qualité d’être raconté avec sensibilité et une bonne dose d’autodérision.

— Iris Gagnon-Paradis, La Presse

Critique

UN HISTORIEN EN AMÉRIQUE

Denis Vaugeois – Entretiens
Stéphane Savard
Boréal
376 pages
3 étoiles et demie

Dès la lecture des premières pages de cet ouvrage qui, de prime abord, a l’air rébarbatif, nous sommes aspirés dans la vie riche et active de cet homme qui a été chercheur, enseignant, politicien, ministre sous René Lévesque, auteur et éditeur. Qu’on soit d’accord ou non avec sa lecture de l’histoire et de l’actualité, le parcours de Denis Vaugeois donne le goût de l’histoire. Nous prendrons en exemple ce passage où il raconte avec maints détails comment il s’est intéressé aux explorateurs Lewis et Clark, mettant ses pas dans les leurs, à la découverte du continent américain. Ailleurs, on assiste en sa compagnie à la mise en place de plusieurs infrastructures du Québec moderne, comme le réseau des bibliothèques publiques. Très sûr de lui, il affirme sans compromis, quitte à déranger, comme on l’a entendu récemment avec les pensionnats autochtones (il s’est par la suite excusé). Duplessis ? Ce n’est pas que l’homme de la Grande Noirceur. Le référendum de 1980 ? Gagné par le fédéral grâce à une orgie d’achats de publicité. La naissance de l’Amérique ? La rencontre de deux anciens mondes pour créer le Nouveau Monde. Mais il n’hésite pas non plus à cibler ses propres échecs. Ainsi, il s’attribue en partie le discours plus ou moins bien accueilli de René Lévesque à l’Economic Club de New York ou sa réforme, en tant que ministre, de la Loi sur l’accès à l’information. À la base de tout cela, il y a aussi le travail de l’intervieweur, Stéphane Savard, très bien préparé.

— André Duchesne, La Presse

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