Opinion : Abolition des référendums municipaux

Dans sa hâte, Québec fait peu de cas de l'urbanisme

Plus de 35 ans après l’adoption de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, trop d’élus n’accordent toujours guère plus d’importance aux documents d’urbanisme (plans et réglementations d’urbanisme, programme particulier d’urbanisme, etc.) qu’à une promesse électorale. On reconnaît qu’il en faut mais pas au point de se sentir lié une fois les élections gagnées ou les règlements adoptés.

On ne s’étonnera donc pas que les requêtes d’abolition des référendums municipaux en regard des questions d’urbanisme formulées avec insistance par quelques ténors du monde municipal et leurs alliés du monde des affaires reposent essentiellement sur le pouvoir de décider et non pas sur une volonté d’améliorer les pratiques de l’urbanisme. Tout au plus s’engage-t-on, en faisant écho aux vagues énoncés du projet de loi 122, à consulter la population sur les modifications apportées aux documents d’urbanisme, et ce, sans se référer à quelque balise que ce soit.

Évidemment on rappellera avec empressement que le législateur reconnaissait d’entrée de jeu, au moment de l’élaboration, à la fin des années 1970, de la première loi québécoise d’urbanisme, que l’urbanisme et l’aménagement du territoire sont des responsabilités politiques. Et on évoquera la position défendue par Jean-Paul L’Allier pour se donner encore meilleure contenance.

Mais, dans les faits, ce qu’on veut trop souvent, c’est simplement avoir les coudées franches.

On est élu pour prendre des décisions. Quant aux mécontents, ils n’auraient qu’à se porter candidats à la prochaine élection. Tant pis si, entre-temps, on a favorisé un mauvais projet ou un projet dont les impacts négatifs anticipés se sont concrétisés.

Plusieurs reconnaissent que le référendum est un mécanisme bien insatisfaisant, notamment lorsqu’il permet à quelques citoyens mal intentionnés de contrer des initiatives dont l’intérêt public irait de soi. Cette menace invoquée sans retenue justifie-t-elle pour autant le rejet du référendum sans autre forme de procès, et surtout, sans que soit prévue une solution de rechange plus recevable qu’un vague engagement de consulter ?

Rappelons incidemment que la Ville de Montréal, grâce à l’article 89 de sa charte, peut soustraire certains projets à la démarche référendaire en les soumettant à une consultation par l’Office de consultation de Montréal et que le projet de loi 122 propose que les municipalités puissent soustraire à la mécanique référendaire les parties de leur territoire désignées comme zones de requalification. Ça ne semble toutefois pas suffisant aux yeux de certains.

La perspective d’abolition pure et simple du référendum est d’autant plus inquiétante que le gouvernement Couillard ne manifeste aucun intérêt pour les questions d’urbanisme et d’aménagement du territoire.

Comment interpréter autrement cet empressement à modifier la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme sans aucune perspective d’ensemble. Rappelons incidemment qu’en 2010, le précédent gouvernement libéral avait déposé un avant-projet de loi intitulé Loi sur l’aménagement durable du territoire et l’urbanisme dans le but de procéder à la première grande révision de la loi adoptée 30 ans plus tôt. Ce chantier, qui avait suscité un réel enthousiasme et à la faveur duquel plusieurs s’étaient penchés avec sérieux sur les questions de l’implication des citoyens et du référendum, est toutefois complètement disparu des écrans radars et rien ne permet de penser qu’il sera relancé dans un avenir prévisible.

Un désintérêt manifeste

Les attaques dont le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement a été l’objet à la suite du dépôt de son rapport sur le Réseau électrique métropolitain, au grand plaisir manifestement de plusieurs élus, la réduction du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire à une coquille vide en ce qui concerne les questions d’urbanisme et d’aménagement, tout comme la manière dont se défile constamment le ministre de l’Environnement en regard de ses responsabilités, suggèrent que cette disparition des écrans radars n’est pas fortuite. Elle participe d’un désintérêt manifeste pour ces questions. Sur la colline parlementaire et dans certaines municipalités, on n’en a désormais que pour les vraies affaires. Et celles-ci se brassent avec les promoteurs et non pas avec les citoyens, quoi qu’en disent ceux qui soutiennent qu’elles se brassent en leur nom.

Il ne s’agit évidemment pas de nier les lacunes et les dérives possibles – quoique moins fréquentes qu’on ne le soutient en certains milieux – de la mécanique des référendums. Mais des solutions de rechange existent, par exemple chez nos voisins ontariens, où on peut faire appel de certaines décisions auprès de la Commission des affaires municipales.

Mais encore faudrait-il, pour que puissent être examinées avec sérieux ces solutions, qu’il y ait un réel intérêt pour une amélioration de pratiques de l’urbanisme qui soient véritablement ouvertes à l’implication des citoyens. Au moment où les municipalités se voient reconnaître le statut de gouvernements de proximité, qu’aurait-on à perdre de se donner le temps nécessaire pour le faire correctement, si ce n’est le risque de froisser certains élus par trop empressés de passer en mode projet ?

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