Éditorial  Accès à l'information

Notre paléontoweb

Pour voyager dans le futur, il suffit de se rendre sur le portail web de Singapour1. En quelques clics, on obtient le taux de diplomation scolaire par année, la liste des allègements fiscaux consentis ou encore une image des salles d’attente des cliniques médicales.

Au Québec, notre « gouvernement ouvert » sort encore péniblement de son ère paléontologique. Il se limite à un portail2 qui héberge le Système électronique d’appel d’offres (SEAO). Ces données sont devenues publiques en juin 2013, grâce à la pression de pétitionnaires.

La machine gouvernementale l’a toutefois fait à reculons. Les données n’y ont pas été standardisées. Cela signifie par exemple qu’une entreprise comme SNC-Lavalin peut y apparaître sous différents noms. Croiser les données des contrats est donc un exercice fastidieux.

Comme le suggèrent notamment Québec Ouvert et Nord Ouvert dans leurs mémoires déposés cette semaine à la commission Charbonneau, il faudrait moderniser le SEAO pour pouvoir faciliter la recherche et la comparaison de données. Et surtout, il faut une vision plus large du gouvernement ouvert.

L’objectif n’est pas seulement de lutter contre la corruption. C’est de partager un maximum d’information avec les citoyens et les chercheurs pour favoriser à la fois l’intégrité, l’efficacité, l’imputabilité et l’innovation. C’est ce que Beth Noveck, ancienne collaboratrice du président Obama, a baptisé le « Wiki Government ».

Cette mini-révolution nécessitera notamment la révision en profondeur de la Loi sur l’accès à l’information. Une loi dont le titre vaut à lui seul plusieurs gags… Écrite à l’époque du papier, elle s’est transformée en bouclier pour bloquer des demandes aussi menaçantes pour l’ordre public que le nombre de lits dans un hôpital.

Pendant ce temps, au Royaume-Uni, on recense maintenant sur un même portail3 toutes les demandes d’accès à l’information ainsi que leurs réponses.

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Le ministre Jean-Marc Fournier travaille actuellement sur le gouvernement ouvert et la réforme de la Loi sur l’accès à l’information. Il devra répondre à trois questions : Que rend-on public ? Sous quelle forme ? Et dans quel délai ?

Québec devrait renverser l’approche. L’information devrait être publique par défaut. C’est la confidentialité qu’il faudrait justifier. Par exemple, il serait normal qu’un mémoire de projet de loi demeure confidentiel avant son dépôt, pour ne pas paralyser l’action gouvernementale.

Le délai devra aussi être réduit. Le gouvernement donne déjà passablement d’information dans ses crédits budgétaires, mais l’exercice survient une seule fois par année.

Et enfin, il ne suffit pas de déverser l’information dans un récipient numérique. Les données doivent être brutes, dans un format ouvert et standardisé, afin de permettre à tous de les consulter et comparer. Cela signifie notamment de ne plus embrouiller les chiffres de diplomation scolaire, en les combinant à ceux de différentes « qualifications ».

L’information est une forme de pouvoir, et la machine gouvernementale n’aime pas partager. Mais il faudra lui rappeler qu’une démocratie sans information, c’est une farce avec des élections.

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