Chronique

CAQ :  le piège identitaire

Depuis des années, François Legault se désespère du peu de réception de l’électorat québécois à son message économique, qui affirme, notamment, que le Québec est à la traîne et que de vigoureuses politiques économiques sont nécessaires.

Le chef de la CAQ tente donc, en cette rentrée politique, une nouvelle offensive identitaire et remet de l’avant sa proposition de « test des valeurs » que devraient passer les immigrés en vue d’obtenir leur citoyenneté.

La CAQ reprend par ailleurs sa position de réduction de 10 000 par année du nombre d’immigrants au Québec. La CAQ y voit apparemment une planche de salut, mais à en juger par la débandade du PQ en 2014 et par l’essoufflement de l’ADQ en 2008, il s’agit davantage d’un piège.

Le fait que la citoyenneté soit de juridiction fédérale et non provinciale et que ce « test des valeurs » échouerait d’emblée au test de la Charte des droits et libertés ne semble pas émouvoir beaucoup le chef de la CAQ, qui en rajoute en disant qu’un immigré qui ne croit pas au principe d’égalité entre hommes et femmes se verrait refuser la citoyenneté.

Le principal problème avec de telles propositions, outre le fait qu’elles divisent et qu’elles alimentent la controverse à des fins électoralistes, c’est de passer de la théorie à la pratique. La CAQ en a d’ailleurs fait les frais lorsque sa députée Nathalie Roy a déclaré la semaine dernière qu’il fallait interdire le burkini, avant de revenir sur ses propos et de reprendre la position traditionnelle de la CAQ (interdiction des signes religieux aux agents de l’État en position d’autorité, soit les juges, procureurs, policiers et enseignants).

Pour François Legault, c’est tout simple : tu ne crois pas à l’égalité entre les sexes, tu ne peux pas être Québécois. Bon, voilà une affaire de réglée !

Mais on commence où et, surtout, où arrête-t-on ? Et doit-on s’en tenir uniquement aux immigrés, qui n’ont certainement pas le monopole des comportements rétrogrades, machos ou moyenâgeux ?

Éjecter des femmes d’un chantier de construction, comme l’a fait un contremaître ce printemps à Montréal, ce n’est certainement pas un signe de respect du principe d’égalité. Obliger les femmes de toute une communauté à se raser les cheveux et à porter une perruque, ce n’est pas, non plus, un grand pas vers l’égalité. Pas plus que de séparer systématiquement fillettes et garçons à la petite école. À la limite, payer, sciemment, une animatrice, une actrice ou une professionnelle moins que ses collègues mâles, ça ne passe pas non plus le « test des valeurs ». Et contrairement au port du burkini, ces pratiques sont courantes au Québec.

À l’évidence, le « test des valeurs » de la CAQ ne vise pas l’égalité entre les hommes et les femmes, il cible les immigrés. Et plus particulièrement les musulmans.

Restons calmes : François Legault n’est pas Donald Trump. Mais sur les questions identitaires, il se rapproche de cette droite provinciale française qui sévit, notamment, dans quelques mairies du Midi.

PQ : UNE COURSE AU RALENTI

Vivement la rentrée et les premiers débats, parce qu’en cette fin d’été radieux, la course à la direction du Parti québécois excite les Québécois autant qu’un match de water-polo entre la Bulgarie et le Monténégro.

Pourtant, et c’est là le paradoxe, cette course est relevée : quatre bons et solides candidats (cinq, jusqu’à vendredi, avant l’annonce du retrait de Véronique Hivon pour des raisons de santé) et quantité d’idées qui, pour la plupart, mériteraient d’être connues et débattues.

Ce relatif anonymat fait peut-être l’affaire de certains au PQ, qui auraient préféré un couronnement et qui ne veulent pas trop brasser le parti, encore une fois, un an seulement après la dernière course.

Avant qu’elle ne se retire, Véronique Hivon m’a confié en entrevue qu’elle sentait clairement un parti-pris envers Alexandre Cloutier chez certains poids lourds du PQ.

« Oui, on peut dire que l’establishment est plutôt du côté d’Alexandre Cloutier. Des gens comme Bernard Landry, des gens qui occupaient des postes d’officiers ou qui étaient dans l’entourage des anciens chefs sont allés du côté d’Alexandre Cloutier, en effet », m’a-t-elle dit.

Puis elle ajoutait : « L’establishment amène son lot d’appuis, de financement et de machine, mais par contre, l’establishment, par définition, ne va pas vers le plus grand changement, et moi, je veux du gros changement. L’establishment caractérise une candidature vers quelque chose qui n’est pas le changement. »

Un proche de Mme Hivon s’est plaint à moi lundi de la « grande difficulté de faire campagne sur le terrain, des obstacles et des embûches » auxquels ils se sont butés au cours des derniers mois. « Plusieurs fois, on nous a mis des bâtons dans les roues lorsqu’on voulait organiser quelque chose », m’a-t-il confié.

Paul St-Pierre Plamondon, le seul « outsider » de cette course, exprime la même frustration. « J’appelle les exécutifs de comté pour leur demander si je peux organiser des rencontres avec les militants, et on me dit : “Non, c’est pas la peine que tu viennes, on a déjà fait notre choix”, dit-il. C’est frustrant. Comment est-ce que je peux faire campagne, si je ne peux pas rencontrer les militants ? »

Le jeune candidat comptait sur le mois de septembre, pendant que ses adversaires retournent à Québec, pour faire campagne dans les circonscriptions, mais il devra vraisemblablement revoir ses plans.

« C’est clair qu’Alexandre Cloutier est en avance et qu’il a beaucoup d’appuis, mais les exécutifs de comté limitent les débats et décident pour les militants », ajoute PSPP.

Véronique Hivon, Paul St-Pierre Plamondon et Martine Ouellet ont par ailleurs tous critiqué en entrevue la décision du parti de tenir les débats après la date limite de recrutement de nouveaux membres.

« Les débats, c’est un bon moment pour te faire connaître, mais si tu ne peux plus vendre de cartes de membre, c’est pas mal moins intéressant », résume M. St-Pierre Plamondon.

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