Opinion : politique américaine

Trump et le Watergate

Depuis quelques jours, on observe que l’administration Trump traverse une crise existentielle. Bien sûr, depuis son accession à la Maison-Blanche, le président Donald Trump nous a habitués à l’État-spectacle et à un comportement non conventionnel avec ses tweets quotidiens, ses déclarations à l’emporte-pièce, son affrontement avec les médias traditionnels, sans oublier ses nombreuses controverses.

À titre d’exemple, relevons le congédiement de Michael Flynn (son conseiller à la sécurité nationale pour ses liens avec la Russie), les enquêtes menées par le FBI, le Sénat et la Chambre des représentants sur l’implication russe dans la campagne présidentielle de novembre 2016, ou encore les efforts déployés contre l’héritage Obama. Ces polémiques ont grandement dominé l’échiquier politique depuis la prestation de serment de Donald Trump.

Reste que la décision de congédier le directeur du FBI, James Comey, vraisemblablement pour son enquête sur les Russes, et le dévoilement d’information classifiée concernant la sécurité nationale au ministre des Affaires étrangères russes, Serguei Lavrov, créent tout un émoi.

Le sénateur républicain et ancien candidat à la présidence John McCain et l’ancien conseiller spécial des présidents Richard Nixon et Bill Clinton, David Gergen, ont tous les deux fait le lien avec le scandale du Watergate de 1974 : comme ce fut le cas avec le scandale du Watergate, on parle d’entrave à la justice.

Depuis, le département de la Justice américaine vient de nommer un ancien directeur du FBI, Robert Mueller, comme procureur spécial pour diriger l’enquête sur le rôle de la Russie dans les dernières élections.

De plus en plus, les mots « Watergate » et « impeachment » font surface dans les analyses des médias.

Sommes-nous sur cette voie ? Sommes-nous à l’aube d’un autre Watergate ?

Sans aucun doute, le président Trump reste combatif et une grande partie de sa base politique est encore solidaire avec lui. N’oublions pas que son parti, les républicains, contrôle les deux chambres du Congrès.

Résolution majoritaire et procès

Pour déclencher le processus de destitution d’un président, il est nécessaire d’avoir une résolution majoritaire de la Chambre des représentants, à la suite de laquelle un procès au Sénat, qui agira comme tribunal, s’ouvre. Le procès aboutit sur un vote, et si les deux tiers des votes sont obtenus en faveur de l’accusation, le président est destitué.

Cependant, nous sommes encore loin de cette démarche.

Seulement trois présidents dans l’histoire américaine ont fait l’objet d’une motion de destitution, sans qu’elle n’aboutisse (Andrew Johnson en 1868, Richard Nixon en 1974 et Bill Clinton en 1998). Johnson et Clinton ont gagné leur procès au Sénat. Le président Nixon a préféré démissionner avant d’avoir son procès au Sénat.

Je souligne que nous n’en sommes pas encore à la veille du sort de Nixon.

Cela étant, on constate que le système des contrepoids (checks and balances) est en voie de jouer son plein rôle. Les médias sont aussi aux aguets. Sans doute, la nomination du procureur spécial Mueller et les enquêtes en cours au Sénat et à la Chambre des représentants promettent d’autres révélations qui pourraient faire basculer l’appui des républicains. Déjà, certains républicains avouent être troublés et on peut prévoir que les démocrates seront unanimes contre le président à travers le processus.

Peu importe les conclusions de ces enquêtes, la présidence de Trump est sévèrement ébranlée. Ses priorités qui comportent la réforme fiscale, l’élimination de l’Obamacare et son programme sur le plan économique seront certainement affectées par le dévoilement de nouvelles sensationnelles. S’ajoutent à cela les élections de mi-mandat qui auront lieu en novembre 2018, et où la popularité du président Trump sera indéniablement un enjeu central.

Certes, ce n’est pas encore le Watergate, mais comme ce fut le cas avec Nixon, une présidence assiégée et affaiblie n’est pas de bon augure et n’inspire pas la confiance. En effet, c’est préoccupant non seulement pour les États-Unis, mais, force est d’avouer, pour le monde entier.

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