Opinion Éducation

Parlons-nous assez des besoins des enseignants ?

Lorsqu’on choisit de devenir enseignant, nous savons que nous allons devenir des mères ou des pères Teresa. Lorsqu’on choisit de devenir enseignant, nous le faisons pour offrir à la société une aide exceptionnelle à former les futurs citoyens de ce monde. Lorsqu’on choisit de devenir enseignant, nous sommes conscients que nous devrons faire passer les besoins d’une vingtaine de petits cœurs avant les nôtres et cela cinq jours par semaine. Nous parlons fréquemment des besoins des élèves et je comprends leur importance. Cependant, parlons-nous assez des besoins des enseignants ?

Cet été, je suis partie en voyage au Portugal. Ma récompense d’une année d’enseignement assez mouvementée. Lorsque je me suis assise sur mon siège dans l’avion, la vidéo nous expliquant les consignes de sécurité s’est mise en marche. Dans cette vidéo, on nous dit, lorsqu’on est en présence d’enfants, de mettre le masque à oxygène sur notre visage en premier et ensuite le déposer sur celui des enfants. À première vue, on se dit que cela n’a pas de sens, nous devons bien certainement penser aux enfants avant de penser à nous. 

En y réfléchissant, on se rend compte qu’il est primordial de se sauver en premier afin de pouvoir sauver d’autres vies par la suite.

En enseignement, je n’ai pas l’impression que nous avons découvert cette vision des choses. Il y a malheureusement beaucoup d’enseignants qui s’efforcent à mettre le masque à oxygène aux enfants avant de s’occuper d’eux-mêmes. Ces enseignants sont nombreux et je crois que c’est ancré dans la culture de l’enseignement québécois. Quand parlons-nous des besoins des enseignants dans une école ? 

Le programme d’enseignement du gouvernement tourne seulement autour des enfants. Je suis tout à fait en accord que l’enseignement concerne davantage les élèves, mais nous oublions souvent toutes les personnes qui font que cette éducation a lieu. De plus en plus, nous intégrons des élèves à besoins particuliers dans les classes. Nous le faisons en pensant que les besoins de ces enfants seront comblés en côtoyant des élèves sans besoins particuliers. Avons-nous pensé aux besoins des enseignants en prenant cette décision ? Nous sommes-nous assurés que les besoins des enseignants seront comblés afin de bien soutenir ces enfants ? 

Je pense que nous avons oublié cette partie puisque les enseignants se retrouvent dans l’obligation d’accepter que leur milieu soit de plus en plus difficile. Cependant, le soutien aux enseignants ne se fait pas sentir davantage. Les enseignants doivent tout savoir et lorsqu’on retrouve des enseignants épuisés, c’est la faute de l’enseignant. Nous sommes censés être des superhéros et apprendre par nous-mêmes et ne pas avoir besoin d’aide. Notre rôle est d’enseigner. Pour le reste, nous avons besoin de spécialistes. Dans le monde de la médecine, il y a les médecins généralistes, et les médecins spécialistes. Les enseignants, nous sommes comme les médecins généralistes. Nous n’avons pas les connaissances de chacun des spécialistes en nous. Ce serait surhumain.

Plusieurs enseignants essaient donc de suivre les multiples documents ministériels tout en essayant de se garder la tête hors de l’eau puisque leurs besoins à eux, personne ne s’en soucie. 

Ils ont besoin d’avoir un climat de classe propice à l’enseignement, ils ont besoin d’obtenir plus d’aide pour les enfants qui en nécessitent davantage, ils ont besoin de plus de temps pour corriger et planifier les activités qui doivent être aussi intéressantes qu’un spectacle puisque la capacité d’attention des enfants diminue. En bref, les enseignants ont une multitude de besoins non comblés.

Mettons de l’attention sur les besoins des enseignants pour qu’ils puissent enfin nager avec force et énergie dans le grand océan qu’est l’éducation. Aidons les enseignants à être aptes à se donner de l’oxygène d’abord, pour ensuite sauver plus d’enfants, et surtout, arrêtons de mettre toute la faute sur ces personnes qui s’oublient pour les autres.

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