Électrochocs

La vie qui revient

C’était le 11 septembre 2001. Myreille Bédard était assise seule dans son salon, vêtue d’un peignoir, la télécommande à la main. Elle regardait défiler les images en boucle des avions qui percutaient les tours du World Trade Center. Sans émotion. « Ça ne me faisait ni chaud ni froid. C’était ma propre tour qui s’effondrait et mon lien vers l’extérieur qui se détachait », confie-t-elle.

Pourtant, cette artiste multidisciplinaire vivait la période la plus heureuse de sa vie. Elle était directrice d’un plateau de doublage, elle était sur le point de réaliser son premier court métrage, elle s’est même mariée. Puis, sans prévenir : le noir. « Mes fondations n’étaient pas solides en raison d’un problème d’estime personnelle. Je vivais ma vie à fond, les événements stressants, heureux comme malheureux, se multipliaient. Il y avait une fissure et elle s’est ouverte sous trop de pression. »

Myreille dit avoir souffert d’un cancer de l’âme. « Je ne mangeais plus, j’avais des idées suicidaires. Je voyais tout en noir, gris et blanc. La vie n’avait plus de couleurs. »

PEUR DE DEVENIR « LÉGUME »

Malgré la psychothérapie, des approches alternatives et l’essai de plusieurs antidépresseurs, son état ne s’améliorait pas. Pire, il dégringolait, à tel point qu’elle a été hospitalisée pendant un an en psychiatrie. Elle croyait bien y rester toute sa vie. « Les antidépresseurs ne me donnaient que des effets secondaires : je tremblais, je bégayais, j’avais la bouche sèche. Quand tu vas très mal et que rien ne fonctionne, c’est très long et souffrant. Pour les proches aussi, qui désespèrent. Pour mon mari, c’était l’enfer ! »

Huit mois après le début de sa dépression, on a proposé à Myreille une thérapie par électrochocs. Elle a opposé un refus catégorique. « J’avais des craintes, je ne voulais pas devenir “légume”. J’avais en tête des visions d’horreur comme dans les films. »

Trois mois plus tard, son état ne s’étant toujours pas amélioré, on lui a fait une seconde proposition. Cette fois, elle a accepté. « Et si ça pouvait être le déclencheur de ma guérison ? J’ai croisé les doigts et j’ai fait confiance aux médecins. Ç’a été une bonne chose parce que, dans mon cas, c’est ce qui m’a permis de sortir de ma léthargie. »

BRISER LE TABOU

Au bout de quelques séances, elle a commencé à avoir des sensations qu’elle n’avait pas éprouvées depuis plusieurs mois. « Des couleurs commençaient à apparaître, le plaisir du soleil, l’envie de danser au son de la musique. C’était la vie qui revenait à l’intérieur de moi, quelque chose rallumait. »

Myreille a eu un traitement de neuf séances. Depuis ce temps, elle n’a pas fait de rechute. Elle ne prend pas de médication. « Comme chez quelqu’un qui a eu le cancer ou une crise cardiaque, il y a un risque de récidive. J’ai adopté de nouvelles habitudes de vie pour prévenir. Je fais du yoga, de la relaxation, j’ai un bon sommeil et un régime alimentaire équilibré. »

Les électrochocs ne sont pas miraculeux,
insiste-t-elle, mais « ç’a bien fonctionné pour moi ». Elle déplore le manque d’informations et les préjugés tenaces envers les électrochocs. « Je ne peux pas blâmer les gens mal informés. Mais il est important de briser le tabou. C’est un dernier recours, mais ça peut sauver des vies. Ç’a sauvé la mienne et mes proches en sont très heureux. »

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