Le courrier de la sommelière
Des rosés capables de briller
Collaboration spéciale
Rosé. Le mot à lui seul évoque des images d’après-midi langoureux, de repas
Il en émane un esprit de légèreté et de simplicité. Exactement le style qu’on attribue le plus souvent aux vins de cette couleur : simples, légers et désaltérants. Pas des vins qu’on sort pour épater la visite ou accompagner un repas raffiné.Le rosé souffre encore de cette image de « petit vin ». Au Québec, parmi les rosés les plus vendus, on trouve toujours des vins très sucrés, comme le white zinfandel. De nombreux autres rosés affichent aussi des taux de sucre plutôt élevés. Pas étonnant alors qu’on qualifie le vin rosé de « pas sérieux », puisque ses versions les plus populaires ont davantage le profil d’une boisson sucrée que d’un vin. Mais il est injuste de faire des généralisations.
Beaucoup de vins rosés sont simples et faciles, mais de nombreux autres méritent toute l’attention des épicuriens.
Non seulement parce que ce sont de bons vins, mais aussi parce qu’ils sont d’une grande polyvalence à table.
Un bon rosé n’est pas facile à produire : plusieurs vignerons disent même que c’est le vin le plus difficile à élaborer. Loin d’être un simple résidu de la vinification en rouge ou un vulgaire mélange de « restes » de vin, le vin rosé est un vin à part entière, qui demande une grande maîtrise de l’art du vigneron. Le travail commence déjà à la vigne : sélectionner des cépages et des parcelles consacrés à l’élaboration du rosé, les cultiver et les vinifier dans cet objectif. Parce que tout au long du processus, les décisions prises quant à la culture, aux vendanges, puis au foulage, aux macérations, au pressurage, à la fermentation ne seront pas les mêmes pour un blanc, un rouge ou un rosé. Un vin rosé qui est un produit secondaire de l’élaboration d’un autre vin sera rarement digne de beaucoup d’intérêt.
Mais il faut bien des vins pour toutes les occasions. Le rosé qu’on a envie de siroter au soleil, sur la terrasse, n’est pas le même qu’on voudra servir à table. Ne serait-ce qu’une question de taux d’alcool : certains peuvent titrer jusqu’à 14,5 % – pas tout à fait indiqué pour l’apéro lors d’une journée de canicule ! On choisira donc son rosé en fonction de l’occasion. Un vin plus simple et léger pour l’apéro, des vins plus amples et plus complexes pour la table.
Les rosés de Provence sont toujours secs et, en général, de couleur pâle. Les meilleurs font preuve de beaucoup de tenue en bouche. Ce sont les compagnons idéaux pour les classiques de la cuisine provençale : pissaladière, tians, bouillabaisse, ratatouille, petits farcis, brandade et compagnie. Mais aussi tous les plats qui s’en inspirent, dans lesquels on trouve tomates, aubergines, fenouil, courgettes, olives, herbes de Provence et huile d’olive. Les notes de garrigue souvent présentes dans ces vins créent un lien tout naturel avec cette cuisine.
Les poissons de la Méditerranée sont aussi des partenaires de choix, tels le rouget, le loup ou les sardines. Mais le saumon ou le thon sont aussi délicieux accompagnés d’un bon rosé, qu’ils soient grillés, au four ou en tartare. Tout comme une morue en papillote avec tomates, olives noires et câpres.
Les rosés du Rhône et du Languedoc sont souvent plus soutenus et plus corsés. Ils accompagnent aisément des grillades : viandes blanches, saucisses et même côtelettes d’agneau. Rehausser de fines herbes et d’un peu d’ail, et le tour est joué !
Les rosés plus colorés, aux saveurs affirmées, comme on en trouve en Espagne ou dans le Nouveau Monde, notamment en Californie ou au Chili, seront tout indiqués pour une cuisine simple de tous les jours mais haute en saveurs, comme des pizzas, des hamburgers maison, des côtes levées.
Et pour les crustacés ? La saison du crabe et du homard bat son plein. Quel vin choisir pour les mettre en valeur ? De nombreux blancs s’y prêtent, alors que l’accord en rouge est très difficile (la rencontre crustacés et vin rouge engendre souvent un goût métallique). Pourquoi pas un rosé ? Ceux à la texture plus ample sont tout indiqués pour enrober la chair tendre et savoureuse du crabe et du homard. Servis le plus simplement possible, ces crustacés s’accorderont avec de nombreux rosés. La vivacité d’un sancerre ou d’un bourgogne rosé offre un agréable contraste à la richesse du crabe ou du homard ; sa minéralité rehaussera leurs notes iodées. Relevés d’un peu d’ail et d’herbes fraîches, ils se marieront tout naturellement à un côtes-de-provence, un bandol ou un collioure rosé. Servis en salade, avec des pommes et du fenouil par exemple, ils peuvent être accompagnés d’un rosé plus fruité, tel un grenache d’Espagne, voire un rosé demi-sec de Loire.
Et bien sûr, pour une occasion spéciale, un vin mousseux rosé sec fera sensation sur un homard simplement grillé ou un tartare de crabe aux grenades.