MANOEL DE OLIVEIRA 1908-2015

Le cinéma québécois salue Manoel de Oliveira

Le milieu du cinéma québécois a joint sa voix hier à celle de toute l’industrie du 7art pour saluer le cinéaste portugais Manoel de Oliveira, mort à 106 ans dans sa ville natale de Porto.

« Nous nous connaissions depuis 40 ans. Il était pour moi un génie unique, dit le président du Festival des films du monde, Serge Losique. Personne ne l’influençait. Au contraire, il avait sa propre esthétique. »

Le cinéaste, dont l’œuvre s’est construite alors qu’il avait atteint la soixantaine, avait été honoré en 1998 au FFM, qui lui avait remis le Grand Prix spécial des Amériques pour l’ensemble de sa carrière. À cette occasion, il avait également présenté Inquiétudes, son 18long métrage.

Cinq ans plus tard, il est revenu à Montréal avec son long métrage Un film parlé. Élie Castiel, rédacteur en chef de la revue Séquences, l’avait rencontré. 

« Je ne donne pas de leçons aux spectateurs. Je suis moi-même un élève du cinéma. Je ne cesse d’apprendre à chaque nouveau film. »

— Manoel de Oliveira

Joint hier par La Presse, M. Castiel a évoqué un cinéaste d’exception. « À travers le temps, il a toujours su innover, dit-il. Il a su s’adapter à chaque mouvement du temps. Pas seulement du point de vue des transformations techniques du cinéma, mais aussi des transformations sociales, narratives et formelles. »

Né à Porto le 11 décembre 1908, le réalisateur de Belle toujours et Je rentre à la maison était, dans sa jeunesse, un athlète accompli. Champion de saut à la perche, il affectionnait aussi la course automobile et le trapèze. « Il aimait la vitesse et les émotions fortes », souligne l’historien du cinéma Marcel Jean.

D’abord figurant et acteur, de Oliveira a tourné son premier film, un documentaire muet, en 1931. En 1942, son premier long métrage de fiction, Aniki-Bobo, s’intéressait aux enfants d’un quartier populaire de Porto.

À partir de 1972, il a tourné à une cadence rapide, tant des fictions que des documentaires. De grands noms du cinéma ont participé à ses œuvres : Catherine Deneuve, Marcello Mastroianni, John Malkovich, Michel Piccoli. En 2008, il a reçu une Palme d’or honorifique à Cannes.

PAS GRAND PUBLIC

D’aucuns reconnaissent que son travail n’était pas toujours accessible au grand public. Mais dans le milieu, tous s’entendent pour saluer sa vision.

Directeur général de la maison montréalaise de distribution FunFilm, Francis Ouellette est honoré d’avoir le dernier film de M. de Oliveira dans son catalogue.

« Gebo et l’ombre (2012) est son dernier grand long métrage. C’est un très beau et très grand film de sortie pour une fin de carrière, dit M. Ouellette. Il y a dans celui-ci une étincelle et une lumière qui tiennent la route. »

« Ce film prend une dimension symbolique très chargée sur ce que le réalisateur voulait dire, sur sa façon de travailler et sa perspective de la vie. »

— Le directeur général de FunFilm, Francis Ouellette, à propos de Gebo et l’ombre

Acheté par TFO, ce film mettant en vedette Michael Lonsdale, Claudia Cardinale et Jeanne Moreau pourrait un jour être diffusé sur une plateforme en VSD, selon la demande.

Marcel Jean considère lui aussi que Manoel de Oliveira l’aura beaucoup marqué. « C’était un cinéaste qui a exploité une relation très particulière avec le théâtre et le cinéma. Il faisait à la fois des films très ambitieux et qui ne ressemblaient à rien, mais qui nous parlaient du Portugal, de la relation entre le théâtre et la vie. Il y avait toujours beaucoup d’ambition esthétique et de réflexion dans son cinéma. »

Lors de son passage à Montréal en 1998, Manoel de Oliveira avait conclu une entrevue avec notre regretté collègue Luc Perreault en déclarant : « Je ne sais pas ce qui serait le pire : qu’on m’empêche de faire des films avant de mourir ou mourir en tournant un film. À bien y penser, je crois que je préférerais mourir en filmant. »

Même s’il éprouvait plus de difficulté à trouver du financement, le cinéaste aura visiblement réussi à travailler jusqu’à la fin. Sa dernière œuvre, le court métrage Le vieux de Restelo, avait été lancée à la fin de 2014 pour son 106anniversaire.

— Avec Marc-André Lussier et l’Agence France-Presse

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