Chronique

Pas de projet de société, vraiment ?

En cette période électorale, quel est le sujet le plus important, celui qui devrait transcender tous les autres ? Est-ce l’éducation, la dette, le chômage ? Est-ce la pauvreté, l’indépendance du Québec, la santé, le libre-échange ?

Non, selon moi, le sujet qui devrait être en haut de la liste pour une société riche et moderne comme le Québec, c’est l’environnement.

Oui, bien sûr, l’éducation est un enjeu fort important et la santé économique et sociale aussi. Oui, le chômage, l’égalité hommes-femmes, oui, l’intégration harmonieuse des immigrants, oui, la prospérité, oui, la dette. Sauf que pour tous ces sujets, le Québec a une situation bien plus enviable que la plupart des pays dans le monde.

Maintenant que notre situation est relativement saine, les Québécois devraient avoir la maturité de sortir de leurs débats locaux et s’attaquer au plus grand problème de notre époque : le réchauffement de la planète.

La démission du ministre écologiste français Nicolas Hulot, la semaine dernière, nous a rappelé une évidence : la transformation accélérée de notre planète entraînera tout le reste. Si les fondations de notre maison sont en train de s’effondrer, progressivement, à quoi bon parler de l’agrandissement de la cuisine, du modèle de portes et fenêtres ou de la couleur de la chambre du bébé ?

Or, dans cette campagne électorale, un seul parti parle vraiment de ce sujet fondamental, et c’est Québec solidaire.

Les autres partis ne font qu’effleurer le sujet ou n’en parlent pas du tout. Il faut dire que l’environnement n’attirera jamais beaucoup de votes dans notre démocratie, puisqu’il ne change pas concrètement la vie des électeurs au cours d’un mandat. Il ne donnera pas de travail plus payant, ne réduira pas le temps d’attente dans les hôpitaux, n’augmentera pas le revenu après impôt, ne procurera pas de ressources additionnelles pour les enfants dans les écoles, etc.

Eh bien, des électeurs se disent : pourquoi agir, puisque ma petite contribution ne changera rien au grand ordre des choses ? Et au fond, n’est-il pas trop tard pour inverser la tendance, ajoutent-ils, oubliant qu’une fois passé le cap du réchauffement de 2,0 degrés Celsius, les conséquences risquent de devenir encore plus grandes.

Hier, lors d’une rencontre aux bureaux de La Presse, la co-porte-parole Manon Massé a été claire, la priorité du parti n’est ni la gratuité universitaire ni la réduction des inégalités, mais l’environnement. 

« Nous avons fait le choix stratégique de faire de l’environnement notre priorité. […] Pourquoi le Québec ne serait pas un leader dans le domaine ? »

— Manon Massé

Pour réduire nos gaz à effet de serre (GES), Québec solidaire propose de changer profondément nos modes de déplacement, entre autres, et de convertir notre économie. Il veut inciter les gens à prendre davantage les transports en commun, partout au Québec, en réduisant les tarifs des transports en commun de moitié dans un premier temps, puis totalement d’ici 10 ans. Il souhaite aussi que les Québécois mettent complètement de côté les voitures à essence d’ici 2040 (avec un passage aux seules voitures hybrides ou électriques d’ici 2030).

Personnellement, je suis sceptique sur la rentabilité de telles mesures. Il n’est pas garanti que l’achalandage du transport collectif augmentera pour la peine avec une telle baisse des tarifs, et la gratuité est à proscrire, puisque les coûts seront bien plus grands que les bénéfices. Quant aux voitures électriques, elles sont encore fort coûteuses.

« Les défis environnementaux exigent que des gestes forts soient posés pour entraîner un changement de cap », explique toutefois Manon Massé. Gabriel Nadeau-Dubois ajoute que si des constructeurs de voitures comme Volvo promettent de produire seulement des véhicules hybrides ou électriques dès 2019, si la France cible la fin des véhicules thermiques en 2040, les cibles de Québec solidaire pour 2030 et 2040 ne sont pas farfelues.

Et il faut bien le dire, Québec solidaire peut être audacieux, puisqu’il ne prendra assurément pas le pouvoir.

Pour certains, la campagne électorale est fade, sans projet de société. Ils ont bien raison quand on entend les politiciens nous parler de sandwichs, de permis de pêche et de production de légumes en serre. 

Et l’évacuation du débat sur la souveraineté du Québec, combiné à la bonne santé économique, a rendu les sujets plus terre à terre.

Mais justement, ne devrait-on pas unir nos forces pour faire de l’environnement LE projet de société ? Pour exiger des gouvernements, des entreprises et des particuliers qu’ils mettent vraiment la main à la pâte pour contribuer à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? Pour s’inspirer du modèle scandinave ?

Où sont les publicités du ministère de l’Environnement pour inciter les citoyens à passer à l’action ? On invite les gens à écraser leur cigarette, pourquoi ne pas faire de même avec l’environnement ?

Et au bout du compte, il est bien possible que la lutte contre les changements climatiques entraîne aussi des bénéficies économiques pour les précurseurs, fait justement valoir un rapport d’expert publié hier.

Dans une prochaine chronique, j’analyserai le cadre financier de Québec solidaire. Et cette fois, vous pouvez oublier les fleurs…

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