OPINION : SANTÉ MENTALE

La détresse psychologique n'épargne personne

C’était un fait divers parmi d’autres, rapporté à travers ce qui ressemble ces temps-ci à une succession de tragédies et de catastrophes humaines : une maman et son bébé de 12 jours sont morts, et la thèse de la dépression ou de la psychose post-partum est avancée pour expliquer les terribles événements.

Dans la foulée de la courageuse sortie médiatique d’Alexandre Taillefer, il a été abondamment question de ces adolescents qui engourdissent leur mal-être dans des univers virtuels, en s’isolant derrière un écran. L’actualité confirme que la détresse psychologique n’a pas de sexe, d’âge, de classe sociale et elle peut même saboter les lendemains d’un événement aussi heureux que la naissance d’un enfant.

Pour certaines femmes, l’atterrissage sur la planète maternité est brutal et l’ampleur du choc est parfois minimisée par les proches et les intervenants médicaux.

On évite également de parler ouvertement de la pression sociale que peuvent ressentir les nouvelles mamans. S’il arrive que cette pression soit un prolongement de la mission de performance qu’elles s’imposent dans d’autres sphères de leur vie, les attentes demeurent immenses, abondamment nourries par des images publicitaires de mères épanouies et de bébés qui sentent bon et qui reposent, repus et contents, contre le sein de leur mère.

Les infirmières dépêchées à la maison par le CLSC pour vérifier que le poupon tète bien – gare aux indignes qui oseraient ne pas allaiter ! – et prend du poids sont souvent mal outillées pour détecter le désarroi de certaines mères, qui se cachent derrière la honte et la culpabilité, terrorisées par leur sentiment de ne pas être à la hauteur. Et si, par chance, un drapeau rouge est levé, elles aboutiront dans les dédales d’un système de santé qui n’a rien de convivial.

DIFFICILE PRISE EN CHARGE

Car il est impossible d’aborder la question de la santé mentale sans évoquer la difficulté de bénéficier d’une prise en charge réelle et d’un suivi adéquat de diagnostics parfois complexes. Des adultes, des adolescents et même des enfants en détresse atterrissent chaque jour aux urgences des centres hospitaliers de la province, y poireautent des heures durant avant d’en ressortir avec une référence en clinique externe de psychiatrie, où ils seront vus des mois plus tard après avoir séjourné sur une interminable liste d’attente. Ils auront sans doute en main une ordonnance d’anxiolytiques, d’antidépresseurs, d’antipsychotiques ou d’une autre molécule dont le dosage devra être ajusté par un médecin de famille, pour ceux qui ont gagné à cette loterie.

Ceux qui sont sans médecin de famille doivent plutôt se résoudre à déballer leur sac dans une clinique sans rendez-vous à un médecin qu’ils ne connaissent pas et qui voit les patients à la queue leu leu à intervalles de 10 minutes. Si la médication prescrite a le malheur de leur causer des effets secondaires, ils doivent à nouveau consulter et, bien souvent, ils auront à tout reprendre depuis le début avec un médecin différent qui tentera, tant bien que mal, d’ajuster ou de modifier la prescription pharmacologique.

Quant au soutien et à l’accompagnement psychologique, les plus choyés ayant accès à une couverture d’assurance collective pourront se tourner vers le privé, alors que les autres se buteront, encore une fois, aux listes d’attente du système public des CLSC, pendant que leur désespoir, lui, grandit.

La douleur psychologique a horreur du vide et de l’attente ; elle n’a que faire de la patience et consume littéralement ceux qu’elle habite. L’accès aux soins et la prise en charge médicale doivent devenir des priorités de santé publique, sans toutefois relâcher les efforts de sensibilisation qui permettent de briser les tabous et de réconforter les nouvelles mamans, et un nombre croissant de nouveaux papas, en les encourageant à exprimer leur détresse et à obtenir de l’aide.

Car finalement, l’aventure de la parentalité est une longue et riche expédition, faite de douloureux creux, d’euphoriques sommets et de salutaires plateaux, qu’un faux départ ne devrait jamais réussir à assombrir.

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